L’emblématique ONG russe Mémorial a chroniqué pendant trois décennies les purges staliniennes, puis les répressions dans la Russie contemporaine de Vladimir Poutine, avant d’en être elle-même victime. La Cour suprême russe a prononcé mardi la dissolution de Mémorial pour des violations d’une loi controversée sur les "agents de l’étranger", une décision que l’ONG a qualifiée de politique.
Avec cette liquidation, le pouvoir de M. Poutine semble vouloir porter le coup de grâce à l’organisation symbole de la démocratisation des années 1990. Cela à l’issue d’une année 2021 marquée par la répression tous azimuts des critiques du Kremlin.
Pendant trois décennies, Mémorial n’a eu de cesse d’interpeller le Kremlin et de l’inciter à agir, s’attirant l’inimitié de nombreux responsables et des représailles allant jusqu’à l’assassinat.
Des Goulags à Wagner
Des crimes staliniens aux exactions en Tchétchénie, l’organisation, fondée en 1989 par des dissidents soviétiques dont le prix Nobel de la Paix Andreï Sakharov, faisait autorité par ses enquêtes rigoureuses.
Dans l’une de ses dernières investigations, en mars dernier, l’ONG avait identifié puis porté plainte contre des paramilitaires de la nébuleuse "Wagner", qu’elle accusait de crimes de guerre en Syrie. Cette organisation agit, selon ses détracteurs et l’Occident, pour le compte du Kremlin. Parallèlement, Memorial dressait la liste des prisonniers politiques, leur fournissait une assistance, comme aux migrants et aux minorités sexuelles.