Le décès de Mikhaïl Gorbatchev, fossoyeur involontaire de l’URSS, intervient au moment où l’actuel maître du Kremlin imprime un mouvement inverse à son action, qualifié par certain de "tentation impériale".
La disparition du prix Nobel de la Paix 1990, ardent partisan d’un rapprochement avec l’Occident, tombe en pleine offensive militaire russe contre l’Ukraine, décriée en Occident comme un retour de l’impérialisme russe. Ses efforts sincères pour freiner la course aux armements et mener une politique d’apaisement sont à l’opposé de la politique agressive et guerrière de Vladimir Poutine. Parmi les premières mesures symboliques prises par Mikhaïl Gorbatchev à son arrivée au pouvoir, la libération de dissidents comme l’écrivain Andreï Sakharov tranche avec la politique de répression de l’opposition menée par l’actuel président russe.
Petit tour d’horizon du détricotage de l’héritage de Mikhaïl Gorbatchev par Vladimir Poutine.
L’homme de la détente contre celui des opérations militaires spéciales
Un porte-parole de Poutine a déclaré qu’il avait exprimé ses "profondes condoléances" pour la mort de Gorbatchev et qu’il enverrait un télégramme à sa famille dans la matinée. "Mikhaïl Gorbatchev était un homme politique et un homme d’Etat qui a eu une énorme influence sur le cours de l’histoire mondiale. Il a dirigé notre pays lors de changements complexes et spectaculaires, de défis de grande envergure. […] Il avait une profonde compréhension de la nécessité des réformes, et il a cherché à proposer ses propres solutions aux problèmes urgents." Du bout des lèvres. Cela s’explique. Gorbatchev entretenait une relation tendue avec Poutine, il n’en faisait pas mystère.
Sur le plan international, Mikhaïl Gorbatchev, c’est l’homme des solutions non-violentes, du retrait d’Afghanistan, du désarmement nucléaire, du non-interventionnisme dans les Etats satellites que l’Armée rouge quitte sans tambour ni trompette. Il sera pour cela Nobel de la Paix.
Il a inauguré une nouvelle ère de détente avec l’Occident, une ère qui a pris fin de manière très claire avec l’annexion de la Crimée par la Russie, l’intervention en Syrie et finalement l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine. C’est une véritable remise en question de l’ordre international mis sur pied après la guerre froide.
Mikhaïl Gorbatchev avait à peine commenté publiquement la guerre en Ukraine, si ce n’est sa fondation qui avait lancé un appel à "une cessation rapide des hostilités et un début immédiat des négociations de paix". On remarquera que la formulation évite le mot "guerre" interdit en Russie…
En privé, selon les propos d’Alexei Venediktov, un de ses amis et ancien directeur de la station de radio Ekho Moskvy, rapportés par The Guardian, Mikhaïl Gorbatchev se disait "bouleversé" par cette guerre et a laissé entendre que, sous Poutine, "l’œuvre de sa vie" avait été "détruite". En 2011, il disait sa "honte" de l’avoir soutenu au tournant des années 2000.
Là où Gorbatchev a parlé de "renoncement" dans son discours d’adieu, Poutine ne rêve que de reconquête et de grandeur de la Russie.