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Rougir en public, l'inquiétude du regard des autres… Comment se libérer des peurs sociales ?

Tendances Première: Le Dossier

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Par La Première via

Rougissez-vous en public, redoutez-vous une réunion entre collègues, fuyez-vous l’un ou l’autre événement par peur de ne pas vous trouver à votre place, de vous sentir inintéressant face à certains ? L’origine de cette phobie est-elle génétique ou éducative ? Tentons de comprendre les mécanismes des peurs sociales et surtout, les moyens de les surmonter avec les psychiatres Patrick Légeron et Antoine Pelissolo coauteurs d’un ouvrage "La nouvelle peur des autres. Trac, timidité et phobie sociale" avec le psychiatre Christophe André.

Qu’est-ce que l’anxiété sociale ? Et la première stratégie mise en place ?

Pour l’un des auteurs, Patrick Légeron, c’est l'anxiété sociale se définit comme un trouble anxieux. "Et comme toute manifestation d’anxiété, ça va du normal à des formes sévères qui perturbe énormément la vie jusqu’aux formes psychiatriques nécessitant une aide médicale". Et il ajoute :

L’anxiété sociale, c’est la peur du jugement négatif des autres sur soi.

C’est peut-être la peur la plus répandue. Et comme l’être humain étant un animal social, les perturbations liées à ce handicap sont très importantes. On va donc tenter d’éviter les situations qui apportent cette peur.

Antoine Pelissolo confirme en effet que la première stratégie adoptée, quand la situation le permet, est l’évitement partiel : éviter le regard de l’autre… Mais plus on évite les situations, plus on aggrave la peur !

Enormément de facteurs sont à l’origine des peurs sociales : les facteurs génétiques et biologiques comptent mais leur poids n’est peut-être pas important. Mais l’éducation peut, elle, être tout aussi responsable. En effet, Patrick Légeron raconte qu’une de ses patientes, phobique sociale, avec des parents qui avaient peur quand la sonnette ou le téléphone retentit. Le psychiatre conseille donc de montrer aux enfants que le contact avec les autres est enrichissant.

La pandémie et le confinement n’ont pas aidé… Quoique

La période de pandémie et son obligation de maintenir une distance sociale ont, paradoxalement, aidé les personnes phobiques, mais la sortie du confinement a intensifié le problème ! Beaucoup de gens ont difficile de revenir à une vie normale, notamment les jeunes qui doivent revenir en présentiel.

Des personnes qui rougissent facilement continuent de porter le masque en précisant se protéger du virus qui circule encore… Pour Antoine Pelissolo, "se monter tel qu’on est, sans masque et sans écran, c’est un réapprentissage difficile". A quoi s’ajoutent d’autres éléments de la crise.

D’où vient l’érythrophobie ou peur de rougir ?

Phénomène physiologique normal, soit pour évacuer la chaleur quand il fait trop chaud, soit pour exprimer des émotions variées : stress, gène mais aussi colère ou plaisir. Il y a un message. Selon les modèles de psychologie évolutionniste, on en déduit qu’on baisse un peu la garde, qu’on n’est pas dans le conflit, … Le rougissement serait, dans ce cas, un réflexe archaïque.

Mais, selon Antoine Pelissolo, ce n’est peut-être pas le rougissement en tant que tel qui nous perturbe, mais le fait d’y penser constamment et l’anxiété qui en découle avec l’idée qu’il est inacceptable de rougir devant les autres, témoignant ainsi une faiblesse. C’est alors l’érythrophobie !

Toutefois, le rougissement n’est pas la seule manifestation : il y a ceux qui transpirent ou encore les tremblements.

Anxiété sociale et culte de l’image : comment aider les jeunes ?

Le culte de l’image, avec les réseaux sociaux surtout, et la nécessité de maîtriser une communication performante pour suivre, n’aide pas les personnes phobiques sociales. Surtout chez les adolescents. Le rôle de la famille et des enseignants – même s’il n’est pas exclusif – est important.

Pour aider ces jeunes, la première solution est de discuter avec eux sur leurs propres qualités, mettre en valeur autre chose que l’apparence et les faire réfléchir sur la nécessité ou non de vraiment ressembler à tous.

Par ailleurs, il ne faut pas brusquer un enfant qui ne semble pas avoir beaucoup d’amis ou ne sort pas. Cela peut correspondre à une étape de son développement. Par contre, si cela perdure plus de quelques mois ou un an et qu’on ressent une conséquence sur le bien-être général, une discussion avec des tiers de confiance est nécessaire, voire éventuellement avec un psychologue.

Selon Antoine Pelissolo, "si on peut éviter de tomber dans le piège de l’anxiété sociale, pendant une période essentielle pour la vie – l’école, l’insertion dans la vie adulte, c’est déterminant pour le parcours de vie". Même si la démarche n’est pas simple.

Et Patrick Légeron d’ajouter :

Il faut aussi se méfier des enfants trop sages et calmes dans la classe. Ils peuvent présenter des germes d’anxiété sociale.

Apprendre par la confrontation progressive et un changement de raisonnement

Dire aux anxieux des phrases telles que : "Vas-y. Tu vas te faire de nouveaux copains !" ou "Pourquoi t’es timide ? Ils n’ont pas l’air méchants" est humain, mais peut provoquer l’effet inverse.

Il faut un apprentissage de la confrontation progressive, un travail comportemental : inviter un camarade pour le goûter… Comme pour la peur de l’eau, on ne se jette pas directement dans la grande profondeur. Et ce travail comportemental s’accompagne d’un changement de raisonnement en se disant : "c’est peut-être fâcheux mais ce n’est pas épouvantable". Une approche que les deux psychiatres développent dans leur livre.

Patrick Légeron préconise même de jouer au théâtre car interpréter le rôle d’un personnage permet de mettre à l’aise les personnes qui ont difficile à prendre la parole ou à s’affirmer.

Pour préparer un examen oral, les deux psychiatres conseillent de s’entraîner devant ses proches, de rendre la situation normale, et se focaliser sur le contenu.

La source du problème est souvent le fait de se focaliser sur l’autre...

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