Après cette demi-victoire des pro-life, l’élection en 1993 du démocrate Bill Clinton, résolument en faveur du droit à l’avortement, va largement diminuer l’influence politique des conservateurs à la Cour suprême. Deux juges favorables au droit à l’avortement seront nommés : la juge Ruth Bader Ginsburg, icône des luttes féministes, et Stephen Brayer.
Mais dans la rue, et au sein des pouvoirs étatiques et fédéral, ce n’est pas le même son de cloche. Les opposants à l’avortement, n’ayant plus la main sur la Cour suprême, changent de stratégie et décident de se concentrer sur les avortements tardifs, alors qu’ils ne représentent qu’un peu plus de 1% des cas, et sont surtout pratiqués pour des raisons thérapeutiques. L’objectif est de secouer l’opinion publique, de la rallier en présentant l’avortement tardif comme un acte médical barbare, notamment via des photos et de visuels choquants lors de manifestations ou dans les assemblées législatives. Ils inventent le terme de “partial-birth abortion”, qu’ils décrivent comme la procédure médicale enlevant du corps de la mère, et tuant, un bébé “presque né”.
Une stratégie qui montera jusqu’au Sénat, où les Républicains proposeront la “Partial Birth abortion Act”, qui interdit toute procédure où la mort du fœtus survient une fois que "la tête entière du fœtus ou toute partie du tronc du fœtus au-delà du nombril est hors du corps de la mère".
“Ils ont inventé ce terme pour soulever la question des délais autorisés pour l’avortement tardif. L’idée générale étant que, si ces délais étaient réduits, on pourrait éliminer un certain nombre d’avortements” commente Kathryn Kolbert, avocate spécialisée dans les droits reproductifs, dans le documentaire “Reversing Roe”. Bill Clinton mettra son véto sur cette loi, mais elle finira par être adoptée sous Georges W. Bush, en 2003. La Cour suprême a alors encore évolué, avec la retraite de Sandra O’Connor, et la mort d’un autre juge pro-life. A leur place, deux nouveaux juges conservateurs sont nommés par le président républicain : Sam Alito Jr., qui rédigera en 2022 le brouillon de l’avis de la Cour suprême voulant annuler Roe v. Wade, dans une fuite révélée par Politico, et John Roberts.