Le mouvement des gilets jaunes a longuement fait parler de lui ces dernières semaines, en France ou en Belgique. Robert Vertenueil, président de la FGTB était l'invité de La Première jeudi matin. Interrogé par Thomas Gadisseux, il considère que les syndicats ne se sentent pas dépassés par le mouvement des gilets jaunes, mais plutôt "complété".
"Ce n'est pas de la récupération de l'un et de l'autre. Je pense qu'il y a des citoyens qui ont décidé, en plus de ce que font les syndicats, de sortir et de dire ce qu'ils pensent. D'ailleurs, ils l'affirment, ils ne veulent pas être récupérés, ils ne souhaitent pas rentrer dans une structure. Je trouve que c'est quelque chose de sain, que les citoyens prennent leur sort en main et fassent savoir leur avis. Ça ne me pose pas de problème. Surtout qu'ils disent la même chose que nous et donc ça complète notre combat", explique-t-il.
Pourtant, ce que disent les gilets jaunes, c'est qu'ils ne sont justement plus représentés. Ils parlent de l'échec des corps intermédiaires. Ce que Robert Vertenueil dément. "Ils se tournent vers les syndicats il y a beaucoup de gilets qui sont syndiqués qui se demandent pourquoi les syndicats en action ne sont pas écoutés. La question c'est: "Pourquoi nous avons un gouvernement qui reste sourd?" Ils le sont à ce que nous disons depuis des mois, des années. Et pour l'instant ils sont toujours sourds malgré toutes les opérations aux revendications des gilets jaunes."
"Partager nos combats communs"
Le vendredi 14 décembre, la FGTB a déclaré une journée d'action nationale, "qui va être déclinée dans différents secteurs en front commun et, pour ce qui concerne la FGTB, sur des aspects inter-professionels. Il y aura un certain nombre d'endroits de grève et aussi un certain nombre d'autres actions. Mais comme les gilets jaunes, je ne vous dirais pas quoi."
Pas de front commun prévu, mais une rencontre avec des associations et la Ligue des familles. Mais il ne s'agit pas, selon lui, d'un relais des syndicats. "Ces associations-là ont un certain nombre de demandes, de revendications qui rejoignent les nôtres. Je trouve qu'il est important de les partager. Je ne veux pas qu'ils déclarent être d'accord avec la FGTB, je veux simplement partager avec eux nos combats communs pour pouvoir les faire aboutir."
Une marge salariale égale à 0?
Le mouvement des gilets jaunes pointe la question du pouvoir d'achat en Belgique. Et c'est dans ce contexte que la FGTB fera cette manifestation, car les négociations sur l'accord inter-professionnel vont démarrer. Pour rappel, cet accord cadre, conclu tous les deux ans entre les partenaires sociaux et les patrons, fixe la progression maximale que pourront afficher les salaires durant les deux années à venir.
Selon les estimations de la FGTB, le salaire des belges risque d'être bloqué pour deux ans. "Il faut encore parler au conditionnel car les chiffres ne sortiront qu'en janvier. Mais je ne veux pas me retrouver devant un fait accompli, c'est pour cette raison que je sors maintenant. Les premières indications que nous avons reçues du conseil central de l'économie nous conduisent à ce que la marge salariale sera égale à zéro. On ne va pas rentrer dans les détails, mais la loi du 26 juillet 1996 fait deux choses: elle fixe l'application de l'index et elle donne des méthodes de calcul pour la marge. Si on applique cette loi, qui a été manipulée par le gouvernement actuel, on va arriver à un résultat de zéro."
Il insiste sur le fait que "dans le contexte actuel, si on doit se retrouver dans l'accord inter-professionnel, avec comme conséquences, une impossibilité de négocier des augmentations salariales dans les secteurs et dans les entreprises, je prédis que ça ne va pas se passer tout seul. Je ne dis pas que la paix sociale est menacée, je le dis au conditionnel, mais si on est pas conscient et qu'on ouvre pas la porte, il pourrait y avoir un problème avec la paix sociale."
Le gouvernement est en train de vider cette négociation de sa substance
Cela signifierait donc l’échec de cet accord, considéré comme le monument de la concertation sociale. "C'est fondamental! Le problème c'est qu'aujourd'hui, le gouvernement avec, je pense, un peu la complicité des patrons, est en train de vider cette négociation de sa substance. Quand le gouvernement prend déjà des décisions sur les RCC, sur les emplois de fin de carrière alors que normalement ça fait partie de l'accord, c'est miner la concertation."
Il précise: "Quand ils manipulent la loi de 96 en nous fermant complètement la porte des négociations, ils vident l'accord de sa substance. C'est pour ça que je lance mon appel, à la fois au gouvernement et à la fois aux patrons: "Faites attention à ce que vous semez"."
Mais pourquoi partir si tôt tant que les chiffres n'ont pas été publiés? "Je ne veux pas me retrouver au milieu de l'accord inter professionnel avec un chiffre qu'on va me donner en me disant, c'est comme ça, il n'y a pas le choix. Je préviens avant que le chiffre n'arrive, ne faites pas cette bêtise-là. Vous avez dérogé à la loi de 96 pour faire sauter l'index, et puisqu'on nous le redonnera pas, on doit aussi pouvoir déroger la loi en ce qui concerne la marge salariale."
Sur la question de l'emploi, Robert Vertenueil n'est pas satisfait de ce qui a été proposé jusqu'ici. "Créer de l'emploi ça profite à tout le monde, quand cet emploi est de qualité. Je ne veux pas de flexi-jobs, je veux des quali-jobs. Je veux que les gens qui obtiennent un emploi puissent compter dessus pour construire leur vie."
Le président insiste, la paix sociale est une garantie de l'emploi. "C'est pour ça que je préviens maintenant, de façon à ce qu'on ne puisse pas remettre en cause la paix sociale. Je répète, faites attention à ce que vous faites."
Le tax shift, 'une injustice fiscale"
La Belgique est le pays le plus taxé en Europe, "ce qui démontre une injustice fiscale". "Le tax shift c'est une nouvelle injustice fiscale. En réalité, on va donner une obole aux personnes, mais ce que le gouvernement oublie de dire, c'est qu'il a renforcé la taxation indirecte."
"Le gouvernement diminue très très légèrement l'impôt direct, et il augmente l’impôt indirect, il n'y a rien de plus injuste que cet impôt indirect. Que vous ayez un gros ou un petit salaire, la taxe sur l'électricité est la même pour tout le monde."
Autre mesure qui fait parler d'elle et qui devrait arriver sur la table du gouvernement vendredi, l'accentuation de la dégressivité des allocations de chômage. "On va mettre les gens plus rapidement dans une situation de pauvreté. Ils vont devoir vivre avec des montants avec lesquels il est impossible de vivre dignement."
Robert Vertenueil a toujours dit vouloir faire tomber le gouvernent Michel et actuellement, ils se chamaillent sur le pacte de la migration. "Quand je vois la politique, les gens que je représente ont plutôt intérêt à ce que ce gouvernement s'en aille le plus vite possible."