Le Keyenbempt est un vaste espace vert arboré situé à Uccle, à la limite avec Drogenbos. Sur son site, Bruxelles-Environnement qualifie ainsi la zone concernée : "Cet espace semi-naturel a une grande valeur écologique. Il combine un environnement champêtre, avec ses marais et potagers, et un espace boisé. La zone marécageuse et les prairies fleuries offrent les plus beaux paysages du site."
Un projets de logements sociaux et moyens
Le terrain appartient à la région bruxelloise. Sa gestion a été confiée à Bruxelles-Evironnement. Au PRAS (plan régional d'affectation des sols), les terrains concernés par le projet de logements se trouvent en zone constructible. Fort logiquement, la SLRB (Société Régionale du Logement de Bruxelles) y projette la construction de 92 (les habitants citent le chiffre de 74) logements et d'une cinquantaine de places de parking. Une partie du site est classée, dont le moulin du Nekkersgat, qui date du 12e siècle et fut jadis un moulin à papier grâce au courant du Geleytsbeek. Une vingtaine de potagers agrémentent également le site. Les logements envisagés par la SLRB viendraient prendre la place d'une grande partie de ces potagers.
Opposition des riverains
Aussitôt connues les intentions régionales, le comité de quartier s'est mobilisé pour s'opposer au projet. Une pétition a recueilli quelque 2700 signatures. Membre du comité, Jacques Hirschbülher se défend d'avoir succombé au syndrôme du nimby (not in my backyard) : "De notre part, non. On ne dit pas "allez construire ça chez Monsieur X ou Madame Y plus loin". Mais il est clair que dans cette zone-ci, ce n'est plus possible. Attention, nous en tant que comité de quartier, il y a 15-20 ans, on s'est battus avec des habitants pour qu'il y ait des logements sociaux qui se construisent rue Vervloet. On n'avait rien contre, on était même pour."
Outre la nécessité de préserver un écrin de verdure en intérieur d'ilôt, Godefroid de Callataÿ insiste sur un autre élement de nature à remettre en question la pertinence du projet de logements. "En juillet, bien sûr, tout le monde se souvient des inondations en Wallonie mais il y en a eu ici aussi. Le Geleytsbeek a débordé. Ici se trouve ma maison et devant, cette pelouse était tout à fait inondée, les pompiers ont dû intervenir. Il y avait pratiquement un mètre d'eau. Clairement, la zone est inondable."
La commune d'Uccle dit aussi non au projet
La plupart des groupes politiques représentés au conseil communal ucclois se prononcent contre le projet de la SLRB. Au nom du collège, l'échevin de l'urbanisme et du logement, Jonathan Biermann, admet la nécessité d'augmenter le nombre de logements sociaux sur la commune. Avec seulement 7%, Uccle se situe très en-deça de l'objectif régional de 15% de logements à finalité sociale par commune.
Mais pour y parvenir, le collège ucclois entend privilégier d'autres modes d'action. Il y a la réquisition ou l'expropriation de bâtiments à l'abandon, le développement de l'Agence Immobilière Sociale et les charges d'urbanisme. Jonathan Biermann serait d'accord d'affecter l'ensemble des montants perçus au titre des charges d'urbanisme à l'extension du parc de logements sociaux. Conclusion de l'échevin MR du logement lors du conseil communal de jeudi : "La Région et la SLRB commettent une erreur manifeste d'appréciation. Si le Keyenbempt mérite une étude de faisabilité, ce n'est pas sur son urbanisation qu'elle doit porter mais sur l'opportunité de son classement."
La réponse de la secrétaire d'état au logement
Le cabinet de la secrétaire d'état au logement (PS) Nawal Ben Hamou nous a fait parvenir la réponse suivante:
"En mars dernier la SLRB a fait l’acquisition de parcelles voisines du parc du Keyenbempt auprès de la régie foncière régionale. Il s’agit de terrains affectés en zone d’habitation. Le projet sur lequel travaille la SLRB correspond donc à l’affectation donnée. Les 10 hectares d’espaces verts que représente le parc du Keyenbempt ne sont donc pas concernés : sa place dans la ville et dans le quartier n’est en rien menacée, ni aujourd’hui ni demain.
A ce stade, la SLRB ne dispose pas de plans ou de projets concrets sur ce site : le travail sur ce projet est en effet à ses prémices. La SLRB n’a d’ailleurs pas encore passé de marché pour désigner un bureau d’architecte. Aucun nombre de logements n’est donc encore défini.
Nous sommes bien conscients des enjeux liés au site du Keyenbempt : son intégration dans le quartier, la prise en compte des aspects environnementaux, la maîtrise hydrique, l’intégration au maillage bleu et à la promenade verte, etc. Leur prise en compte devra être une condition indispensable au succès de ce projet. Ce sont ces enjeux qui vont conditionner le nombre définitif de logements et non l’inverse. Autrement dit, la réussite de ce projet passera nécessairement par le développement d’une vision équilibrée intégrant un besoin global de logements abordables et le respect d’une réalité locale.
Aujourd’hui, plus de 50.000 ménages sont sur la liste d’attente de la SLRB pour l’obtention d’un logement social. Les solutions que la Secrétaire d’Etat met en œuvre via le Plan d’Urgence Logement pour répondre à cette demande passent par la mobilisation des rares terrains encore disponibles mais aussi par de multiples autres leviers : la lutte contre les logements inoccupés, la rénovation du parc de logements sociaux, la reconversion de bureaux en logements, l’acquisition de logements sociaux sur le marché privé, la mise en place d’une allocation-loyer ou l’augmentation de logements en AIS.
Les besoins en logements abordables sont aujourd’hui tels que nous devons envisager toutes les solutions, en ce compris le développement de projets délicats, complexes et sensibles comme celui-ci. Ce quartier bénéficie d’une véritable qualité de vie. Et notre volonté n’est pas de mettre à mal cette qualité au profit de nouveaux logements mais de permettre à un plus grand nombre d’habitants d’en bénéficier.
Nous avons par ailleurs pris l’engagement d’évaluer ce projet avec les clés de l’outil " Be Sustainable ", un outil de référence supervisé par Bruxelles Environnement qui permet d’intégrer les problématiques liées à l’environnement et aux objectifs du PRDD dans le cadre de projets de développement immobilier. Nous attendons les résultats de cette évaluation pour avancer sur ce projet, en concertation avec la commune et les riverains."