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Rival Consoles revient avec Overflow, un plongeon musical dans le monde numérique

Rival Consoles pour la sortie de son album, Overflow

© 2018 Ozge Cone

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Par Maxime Vandenplas

Ryan Lee West alias Rival Consoles revient avec Overflow, un disque débordant de musique intelligente et abordant la problématique du monde des datas à travers la danse. Une performance scénique du même nom que l’album réalisé par le chorégraphe Alexander Whitley. Une belle collaboration de laquelle s’échappent 13 titres envoûtants emportant les esprits vers une dystopie numérique. Rencontre avec le musicien électronique.

Salut Ryan, comment tu vas aujourd’hui ? Comment tu te sens quelques jours après la sortie de ton nouvel album, Overflow ?

Je suis super positif (sourire). Il y a beaucoup de retours, je ne m’y attendais pas, surtout durant cette période de pandémie. Je ne savais vraiment pas qu’elle allait être l’énergie des gens qui allaient écouter l’album. Au niveau des reviews, j’en ai eu des bonnes comme des mauvaises mais je m’en doutais. C’est un disque remplit de challenges. Il n’a pas été conçu pour procurer une expérience d’écoute "normale".

Est-ce que tu n’as pas l’impression d’avoir sorti un disque plus sombre que les autres cette fois-ci ?

Oui c’est vrai, il est beaucoup plus sombre. Ces derniers temps l’ont été aussi. C’est un album plus lourd, presque une dystopie. Peut-être que certaines personnes vont penser que c’est la première fois que je fais un album de ce genre. Ce n’est pas le cas. Ceci dit, je pense être celui qui a apporté cette noirceur au spectacle, ce côté dur. La musique va toujours influencer la façon dont les gens perçoivent les choses. Si j’avais composé une musique romantique, les gens l’auraient perçu comme tel.

 

Tu as conçu cet album pour ta collaboration avec le chorégraphe, Alexander Whitley. Comment a débuté cette dernière ?

L’idée vient définitivement d’Alexander. C’est lui qui a commencé à investiguer le monde des datas. C’est également lui qui a poussé pour qu’on lise certains bouquins. La philosophie derrière le projet, vient vraiment de son côté et dans un sens j’ai simplement répondu à sa requête. J’ai essayé d’intégrer ma musique à ce monde.

 

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Comment créé t-on un album qui accompagne un spectacle de danse ? Quel était votre procédé de création ?

En fait, ça prend beaucoup de temps de faire fonctionner "la danse". Surtout lorsqu’un spectacle comprend 6 danseurs.ses. J’écrivais des idées et je les montrais à Alexander. Ensuite, on essayait des trucs dans mon studio. Cependant, il y a eu beaucoup de moments où j’étais avec les danseurs et je composais en live. Le projet nous a pris un an de conception. On a pu aborder beaucoup de façon de travailler différentes mais on a laissé beaucoup de place à l’improvisation.

Est-ce que cela t’a donné envie d’explorer d’autres domaines artistiques comme composer pour le cinéma ou le théâtre ?

Ces 10 dernières années, j’ai passé beaucoup de temps à travailler dans l’ombre. J’ai des idées de projets. Je me vois plus comme un musicien qui aime composer pour le public. C’est toujours des expériences très enrichissantes de travailler sur ce genre de projet. Ceci dit, il est vrai qu’au bout d’un moment, j’en reviens à mes premiers amours. C’est-à-dire faire les trucs dont j’ai envie. Parfois, sur ce genre de collaborations, tu peux sentir que tes envies sont restreintes. Cependant, j’ai adoré bosser sur ce spectacle de danse et je travaillerai encore sur d’autres projets.

Pourquoi avoir choisi d’aborder le sujet de ce monde numérique qui prend constamment plus de place dans nos vies ? Est-ce quelque chose qui t’effraie ?

Je n’en ai pas vraiment peur. En fait, j’avais l’optique d’essayer de le comprendre et d’analyser comment les personnes le perçoivent. Cet univers a un côté très positif et utile. Le revers de la médaille est que les gens vont abuser d’internet en termes de pouvoir et d’argent. Ces deux choses sont inhérentes à la nature humaine.

C’est impressionnant de voir comme tout ce qui contient de la haine va toujours bien fonctionner online. Évidemment, c’est très dangereux. Je pense à la montée de l’extrême droite ou au complotisme par exemple. Dans le monde numérique, les choses peuvent déraper super facilement. C’est aussi à nous de nous assurer que tout cela ne parte pas complètement en vrille. Les internautes n’ont pas forcément conscience de tout ce qui se passe dans les coulisses de cet univers.

C’est quoi ta relation avec ce monde numérique justement ? Selon toi, c’est obligatoire d’être présent online pour un artiste de nos jours ?

Bien sûr, j’utilise internet et les réseaux sociaux mais à un niveau moyen. Donc, je fais partie de cette chose que je décris dans l’album. Cependant, je pense que c’est un peu différent pour les personnes comme moi. J’ai 36 ans et j’ai beaucoup de souvenirs d’avant qu’existe cet univers en ligne. Je ne peux pas savoir ce que c’est d’être un jeune de nos jours qui débarque dès la naissance dans ce monde. Nous sommes vraiment la dernière génération à avoir expérimenté la vie sans internet.

Il y a beaucoup de bonnes choses qui sont issues de ce monde numérique mais comme avec tout ce qui est très puissant, il faut faire attention. En tant qu’artiste, tu as besoin d’avoir une présence online. Le problème est qu’il y a tellement de personnes qui utilisent les médias sociaux fréquemment que si tu n’en fais pas partie, tu n’existes pas. Avant, les gens bossaient 8h par jour et étaient fatigués quand ils rentraient chez eux. Maintenant, avec les réseaux sociaux, tu es constamment en train de travailler et tu dois y être présent même si ce que tu y fais n’a pas vraiment d’importance.

Cela joue sur l’esprit des personnes. Même lorsque nous rêvons, nous sommes probablement touchés par ces mécanismes. Nous sommes constamment impliqués. C’est évidemment dangereux mais en même temps tu en tires des bénéfices. Il faut simplement que les gens prennent conscience des avantages et désavantages de cet univers en ligne.

Est-ce que les choses négatives que tu peux trouver online à ton sujet t’affectent ?

À vrai dire, les commentaires qu’on trouve sur internet à mon sujet sont généralement nuancés. Ce qui est ok pour moi, même si je ne suis pas d’accord avec certains. Le public qui écoute ma musique semble être équilibré. Cela sonne un peu arrogant dit comme ça (rires). Ce que je veux dire si tu jettes un coup d’œil à des artistes comme Dua Lipa ou Lady Gaga, elles ont tellement de succès, qu’elles vont attirer plus de personne et donc par conséquent plus de haine. Dans mon cas, je fais la musique que j’aime et je partage celle que je pense qui vaut la peine d’être partagée avec le public.

On discute depuis quelques minutes de ce monde digital qui nous entoure. J’étais curieux de connaître ton opinion en tant qu’artiste à propos des NFT (non-fungible token) ?

C’est vraiment une chose folle pour moi ! Je n’ai pas vraiment envie d’y être impliqué personnellement. J’ai l’impression que c’est un truc artificiel posé au sommet d’un autre truc artificiel. Une chose super distante déposée sur une autre chose super distante. Bien sûr, il y a les mauvais côtés concernant l’écologie qui me dérange. Les NFT et les crypto-monnaies en consomment énormément. C’est comme si on ajoutait un nouveau niveau de folie à celle déjà présente.

Pour le morceau "Scanning" de l’album, tu as enregistré le fonctionnement interne d’un iPhone lorsqu’il utilise les réseaux sociaux. Comment tu as eu cette idée ?

En fait, il y a quelques années, je chipotais à une guitare électrique. Par accident, je me suis rendu compte que si tu approchais un téléphone du centre de cette dernière, un champ électromagnétique se créait. Celui-ci est alors audible et n’est pas très beau. C’est le même procédé que j’ai utilisé. Je voulais faire le parallèle avec le côté sexy et attirant d’internet mais ce qui se passe derrière est en fait moche. L’idée de départ était : "que penseraient les gens s’ils avaient conscience de cette laideur ?"

 

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