Adèle Exarchopoulos… comment votre choix s’est porté sur elle ?
Julie Lecoustre : À la question : et si c’était une comédienne connue, le seul nom qui a été prononcé fut le sien. On y est allés, poussés par notre directrice de casting ! On a contacté son agent qui nous a demandé de lui envoyer le scénario. Sauf que l’on ne voulait pas que ce scénario fasse écran dans cette rencontre.
Finalement elle a accepté de prendre un café, de faire des essais… qui n’en étaient pas vraiment, car si on la testait, c’était aussi une façon pour elle de nous tester, nous, et de voir si elle avait envie de tourner de cette manière-là.
On s’est ainsi retrouvé en plein milieu de l’aéroport d’Orly pour une improvisation. Adèle était dans un costume d’hôtesse de l’air que l’on avait bricolé. Elle s’était habillée, coiffée et maquillée toute seule dans les toilettes. Emmanuel était à l’iPhone pour la filmer… On la plongeait déjà dans le bain ! Et là, une passagère est venue lui demander où était la porte B16… là c’était parti !
Emmanuel Marre : Avant de travailler avec elle, le financement du film était bouclé. Ce qui était important pour nous. On imaginait quelqu’un que l’on ne connaissait pas, et pendant longtemps on a cherché une vraie hôtesse de l’air pour interpréter le rôle de Cassandre. Il nous manquait la vitalité du personnage, une espèce de contrepoint de ce personnage qui vit quelque chose de très dur. Et ce qui est beau avec Adèle en Cassandre, c’est qu’elle échappe à sa propre tristesse, à des moments elle s’en détache. Elle est vraiment double. Enfiler un costume, elle sait viscéralement ce que c’est ; elle sait le décortiquer, le travailler. Elle a également plongé dans notre manière de faire. On ne tourne pratiquement qu’en improvisation, ce qui veut dire 4 fois plus de rushes qu’un tournage normal… il nous fallait une marathonienne. Ce qu’elle est ! Elle accepte de construire, déconstruire son personnage, d’être perdue, de ne pas savoir où aller… en cela elle est unique.
La deuxième partie du film se passe en Belgique. Pourquoi ce choix ?
Emmanuel Marre : Déjà parce que cela fait 18 ans que je vis en Belgique ! C’est un petit pays qui ne se pense pas un grand pays, et j’adore la Belgique pour ça. Et pour le personnage de Cassandre, c’était l’idée de la faire revenir dans son petit pays quand elle a cherché à voir le grand monde. Dans le film, il y a choc thermique !
Il y avait aussi cette idée du paysage de l’enfance, celui qui nous touche, alors qu’en soi les paysages ne sont pas terribles ! De plus socialement, Huy est une ville ni très riche, ni très pauvre… elle est représentative de la classe moyenne. On ne voulait pas qu’il y ait de déterminisme, que le choix de Cassandre de devenir hôtesse de l’air ne soit pas lié à des conséquences économiques.
Un film, un cinéaste qui vous passionne ?
Julie Lecoustre : To Be or Not To Be d’Ernst Lubitsch
Emmanuel Marre : Un film pas du tout connu : Un dimanche à Aurillac, de Guy Gilles, un immense cinéaste. Et je ne sais pas pourquoi, mais ça fait plusieurs jours que je me réveille avec Cléo de 5 à 7 dans la tête (NDLR : réalisé par Agnès Varda).