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Réveillon ukrainien : la salade russe bannie des menus des restaurants à Kiev

Des entrées de fêtes

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Par JF Herbecq avec F. Wallemacq et AFP

En Ukraine, à Odessa, la statue de l’impératrice Catherine II de Russie a été déboulonnée de son socle. Elle symbolisait l’oppression russe, et sa disparition a été votée par la population. D’autres traditions russes font les frais de cette guerre : la cuisine notamment. Pour le passage à 2023, deux salades russes ne trôneront plus sur les tables du Nouvel An en Ukraine : exit la Chouba, un mélange de hareng et betterave, et la salade de patates Olivier.

A Kiev, de nombreux restaurants les ont bannies. Tetiana Mytrofanova, propriétaire de l’auberge "Derrière Deux Lièvres", dans le centre historique de la capitale ukrainienne, n’a aucun doute : dix mois après l’invasion l’armée russe, ces plats sont condamnés.

"Ce sera ma première année sans les salades Olivier et Chouba", explique la restauratrice qui prévoit de servir à la place des plats traditionnels kiéviens, de "la cuisine ukrainienne ancienne", datant des années 50-60 et même d’avant l’époque soviétique comme de la perche farcie.

Sa cheffe cuisinière confirme : "Nous avons un brasero, nous avons un appareil à sécher, nous pouvons rapidement sortir la nourriture. Des entrées froides, des salades et des desserts : voilà ce que nous pouvons servir même sans électricité."

Réveillon ukrainien: le patriotisme au menu

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"Je sais que les gens qui viendront passer la nuit (du nouvel An) avec nous s’en souviendront à jamais", poursuit Tetiana, qui voit la soirée à venir comme l’occasion d’un "redémarrage psychologique".

Ses clients ne pourront quitter son restaurant entre 23H00 et 5H00 du matin, couvre-feu oblige : "Quand les gens viennent chez nous, ils entrent dans une nouvelle dimension […] où le temps passe de manière imperceptible".

"Cette année est très difficile et déprimante. Les gens souffrent beaucoup et pour eux, toute occasion de communiquer est comme un antidépresseur. Je crois qu’en ce moment, tout événement culturel ou toute sortie dans un café ou un restaurant leur permet de changer de réalité."

Guerre du bortch

Ce patriotisme culinaire s’est particulièrement développé depuis 2014 et l’annexion de la Crimée par Moscou, puis du déclenchement, avec l’appui russe, d’une rébellion armée dans le Donbass et surtout l’invasion russe ordonnée par Vladimir Poutine le 24 février dernier.

En juillet dernier, l’Ukraine a obtenu que l’Unesco intègre à sa liste du patrimoine culturel immatériel en péril la "culture du bortch", un potage dont la Russie revendiquait également la paternité. Une victoire ukrainienne dans ce qui fut surnommé "la guerre du bortch".

On s’active en cuisine
On s’active en cuisine © RTBF

Le restaurant "Derrière Deux Lièvres", qui doit son nom à une comédie soviétique de 1961, fournit aussi de la nourriture à des centaines de personnes qui manquaient de produits alimentaires ainsi qu’aux soldats résistant aux forces russes.

"Je n’ai vu le commandant que cinq mois plus tard", raconte Tetiana. "Je n’ai vu aucun autre de nos gars, mais je les aime, chacun d’entre eux", poursuit la restauratrice. Son personnel de cuisine a préparé ces derniers jours des gâteaux en forme d’agneau pour les troupes déployées sur le front. D’autant que l’un des cuisiniers vient d’être mobilisé et de partir en camp d’entraînement.

Houmous et forchmak

Changer de menu pour en effacer les plats associés à la Russie est la moindre des choses pour la cheffe Natalia Khomenko : "C’est possible et c’est la juste chose à faire", dit-elle. "Derrière Deux Lièvres" n’est pas seul dans cette logique, loin de là. Le restaurant Avtostantsia, par exemple, dans le quartier de Podil, le cœur commerçant et portuaire de la ville, revisite également son menu.

Ici aussi, exit la Chouba et l’Olivier, remplacés notamment par un houmous de betterave et du forchmak, exquise entrée fumée, empruntée à la cuisine juive mélange de maquereau, de patates, de crème aigre d’oignons et de poivrons.

Préparation des salades
L’indétrônable cornichon

Mais au grand dam de la directrice des lieux, Anna Selezen, ce menu ne pourra pas être servi la nuit du Nouvel An, les bombardements russes et les coupures d’électricité à répétition n’ayant pas permis à son équipe d’apprendre à préparer ces plats à temps.

Qu’à cela ne tienne, maintenant que le restaurant dispose d’un générateur, ces mets seront servis à l’occasion de Noël orthodoxe, le 7 janvier. "Nous avons plein de plats traditionnels ukrainiens, pas besoin des Russes". "On peut vivre sans eux, et on aurait même dû le faire plus tôt".

La touche finale
Bon appétit !

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