Athlétisme

Rétro JO 2008 - L'or par la grâce d'un relais de folie

Finale 4x100m Féminin : La course

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Un relais entre dans l'histoire
Un relais entre dans l'histoire © Valerie Hache - AFP

Flash-back. 22 août 2008. Stade olympique de Pékin. Les Jeux arrivent à leur terme. Et l’athlétisme vit ses dernières grandes finales. Le "Nid d’Oiseau" est plein comme un œuf pour la finale du 4x100m féminin. Nos relayeuses vont y écrire l’histoire de l’athlétisme belge.

Couloir 5 : Olivia Borlée, Hanna Marien, Elodie Ouedraogo et Kim Gevaert décrochent une incroyable médaille d’argent, qui 8 ans plus tard se transformera en or.


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Les prémices d'un exploit

Kim Gevaert la chef de file
Kim Gevaert la chef de file © Eric Lalmand - Belga

2001. Après plus de 20 ans, le record de Belgique du relais 4x100 féminin est enfin battu. Parmi le quatuor, deux jeunes : Elodie Ouedraogo (20 ans) et Kim Gevaert (23 ans). Deux talents purs qui vont booster la discipline. Les résultats suivent. Demi-finale au Mondial 2001 (Edmonton), 4e de l’Euro en 2002 (Munich), 6e du Mondial 2003 (Paris) avec, comme réserviste, une gamine de 17 ans nommée Olivia Borlée. Un an plus tard, en 2004, le 4x100 termine 6e des Jeux d’Athènes avec De Caluwé, Huyghebaert, Ouedraogo et Gevaert (6e du 200m olympique).

Suivent alors deux années plus difficiles et deux désillusions : l’élimination en série du Mondial 2005 (Helsinki) et pire encore… un témoin relâché dans le passage entre Frauke Penen et Olivia Borlée lors de la finale de l’Euro 2006 (Goteborg). Une finale que les Belges entrevoyaient pourtant avec optimisme. Car cet été-là, Kim Gevaert, devenue la patronne de l’équipe, décroche les titres continentaux sur 100 et 200 m. L’échec du relais n'en est que plus cuisant et nous fait alors craindre que le soufflé va retomber.

L'émergence et le bronze à Osaka

Rudi Diels, le coach à succès, encadré de ses drôles de dames
Rudi Diels, le coach à succès, encadré de ses drôles de dames © Eric Lalmand - Belga

C’est sans compter sur le boss de ce relais. Rudi Diels, coach personnel de Kim Gevaert, est aussi le sélectionneur national du 4x100. Discret et efficace, Diels a le don d’unir ses athlètes autour d’un même projet. Et ses rêves sont grands. D’autant que derrière les routinées Ouedraogo et Gevaert, le coach a découvert Hanna Marien (4 ans plus jeune que Kim) et surtout Olivia Borlée (8 ans plus jeune).

C’est donc avec ses deux anciennes et ses deux nouvelles pépites que Diels se rend à Osaka en 2007, pour des mondiaux japonais retentissants. En série, le matin du 1er septembre, Diels place ses deux routinières dans les deux derniers relais, laissant à Borlée, visage d’ange, la lourde tâche du départ. Et à Marien le 2e passage toujours délicat. Et au bout, ça passe…record de Belgique (42’85) et 4e chrono des nations qualifiées pour la finale. Une finale qui a lieu le soir même et qui va époustoufler. Derrière les deux intouchables Etats-Unis et Jamaique, Kim Gevaert finit en boulet de canon et emballe le boulot magnifiquement initié par Olivia, Hanna et Elodie. Gevaert utilise son finish incroyable pour devancer la Grande-Bretagne et décrocher une magnifique 3e place. On n'en croit pas ses yeux ! Elles sont diaboliques et belles à la fois. Fierté et nouveau record national en 42’75. Avec en prime, une confiance au zénith, un an avant les JO de Pékin.

Confiance et pression à Pékin

Le résultat d’Osaka est historique. Mais les filles, unies comme les doigts de la main, ont un rêve encore plus fou. Rééditer la performance aux Jeux. Le continent asiatique semble leur porter bonheur alors pourquoi ne pas voir grand. Rudi Diels en est convaincu. Ce quatuor a tout. Le talent, la science du passage, le goût du travail et désormais la confiance. Autant d’éléments révélateurs de la performance.

En demi-finale le 21 aout, la Belgique est donc sous pression. Couloir 7, l’ordre est établi, rôdé (Borlée, Marien, Ouedraogo, Gevaert). Il y a 3 places directes pour la finale. La course n’est pas parfaite…le stress sans doute. Les passages sont perfectibles mais ça passe. Le stress fait succomber les Italiennes et surtout les Américaines, doubles championnes du monde en titre. Une fameuse épine hors du pied. Pour nous finalement pas de fausse note, car la course est rapide et les Belges l’emportent en 42’92, avec un dixième d’avance sur les Britanniques. Le Brésil est 3e. Repêchage au temps pour le Nigeria et la Pologne dans cette demi-finale rapide. Les Belges en sortent avec le 3e chrono des nations qualifiées pour la finale olympique. Derrière la Jamaique et la Russie. De bon augure pour le lendemain. Un truc se prépare !

La course de leur vie

Un chrono éclatant 42'54 et une médaille d'argent exceptionnelle
Un chrono éclatant 42'54 et une médaille d'argent exceptionnelle © Eric Lalmand - Belga

Vendredi 22 aout. Il est 21h15 en Chine. Il est 15h15 en Belgique. Toute la nation du sport est devant son écran. Au boulot ou à la maison, les Belges s'accordent une pause patriotique. Et moi, là-haut au poste commentateur dans ce stade en ébullition, j'accroche ma ceinture, je me cale derrière mon micro. Le cœur battant, le regard rivé sur le couloir 5. Les filles sont coincées entre les Russes (au couloir 4) et les Jamaicaines (au couloir 6). Dingue de croire que notre petit royaume peut espérer une médaille olympique dans cette discipline réservée aux grandes nations du sprint ! Et pourtant on y croit, J'y crois. La demi-finale s'est bien passée. Reste à confirmer.

21h16, ça y est...le pistolet lâche les fauves. Olivia Borlée sort très bien des blocks mais la Jamaique et la Russie sont devant. Douze secondes plus tard, le témoin glisse dans les mains de Hanna Marien avec douceur. C’est mieux qu’en série. Après 21 secondes c’est déjà au tour d’Elodie Ouedraogo, spécialiste du virage.

C’est génial… d’autant que, devant nous, la Jamaique (championne olympique en titre) cafouille et se plante. Dans la cohue je ne le vois pas tout de suite. Car ma voix pousse Elodie vers Kim qui attend ce témoin brûlant d’ambition. La Russie entre en tête dans la ligne droite. Gevaert est deuxième… je la vois revenir mais non… ou plutôt mais oui…on va avoir une médaille oui ! Médaille d’argent ! Incroyable. Record de Belgique (42’54) et argent olympique.  C’est exceptionnel. Ex-cep-tion-nel ! Je hurle. On s’embrasse. On se congratule. Elles l’ont fait !

L'or en...2016

L'argent se transforme en or en 2016
L'argent se transforme en or en 2016 © John Thys - AFP

A cet instant on l’ignore mais, Chermoshanskaya, la Russe qui a résisté au retour de Gevaert dans les derniers mètres, a triché. Des années plus tard, la réanalyse des échantillons prélevés au contrôle anti-dopage de Pékin, démontrera la fourberie. Résultat : disqualification de la Russie et proclamation du nouveau classement des JO de Pékin. La Belgique est championne olympique !

Heureusement, 8 ans plus tard, les filles sont toujours là, plus unies et plus émues que jamais… Ce 9 septembre 2016, le Mémorial Van Damme reçoit nos héroïnes de Pékin. Les organisateurs du meeting bruxellois ont bien fait les choses. Les médailles d'or sont arrivées quelques jours plus tôt au siège du COIB. Pour Kim, Elodie, Olivia et Hanna l'instant est gigantesque...presque plus beau qu'il y a 8 ans. Elles reçoivent le métal le plus précieux des mains de Sebastian Coe et Jacques Rogge. Autour du cou la médaille d’or olympique qu’elles méritaient tant. Et dans l'air une Brabançonne inoubliable en guise de frisson ultime. Pour clôturer l’un des plus beaux chapitres de l’athlétisme belge.

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