Monde

Retraits militaires américains trois exemples, tous différents

Les troupes américaines et de l’OTAN quittent la base aérienne de Bagram le 3 juillet 2021

© 2021 Anadolu Agency

Par Pascal Bustamante

L’histoire des Etats-Unis est émaillée, depuis leur création, d’innombrables conflits. Selon plusieurs historiens, les States n’auraient connu la paix que pendant une vingtaine d’années depuis la déclaration d’indépendance en 1776 jusqu’à nos jours.

Dans l’histoire récente, les USA sont intervenus sur divers théâtres d’opérations, de différentes importances, pour, après un délai plus ou moins long, opérer un retrait.


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Le monde s’apprête à assister au retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Un retrait qui en rappelle d’autres. Celui du Vietnam, en 1975, celui de Somalie, en 1993, à l’issue de l’opération multinationale Restore Hope, ou encore le retrait d’Irak de 2011, bien qu’il ait été partiel. Nous les avons évoqués avec Yannick Quéau, directeur du GRIP (Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité) et directeur de la recherche.

Vietnam

Evacuation de l’ambassade américaine de Saigon par la CIA le 29 avril 1975
Evacuation de l’ambassade américaine de Saigon par la CIA le 29 avril 1975 © Bettmann Archive

La guerre du Vietnam a duré officiellement près de 19 ans et 6 mois. Elle a enjambé 4 présidences des Etats-Unis et coûté la vie à plus de 58.000 soldats américains. Plus d’un million 350 mille victimes du côté vietnamien, Nord et Sud confondus.

A la chute de Saïgon, en avril 1975, qui entérine la réunification du pays et la défaite du camp occidental, le retrait est presque une occasion. La désapprobation par rapport au conflit est arrivée à son comble. Il est clairement temps à ce moment-là de passer à autre chose.


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D’après Yannick Quéau, "la pression politique à l’interne était très forte. Il y avait la volonté de passer à autre chose sur un plan diplomatique aussi notamment dans les négociations et la normalisation des relations avec la Chine. Le Vietnam constituait un irritant à l’interne et un irritant sur la scène internationale".

Finalement, le mérite de Richard Nixon et de successeur, Gerald Ford, a été de poser le point final d’un conflit perdu, aux coûts humain et financier exorbitants.

Somalie, 1993

L’armée américaine distribue des vivres à la population somalienne dans le cadre de l’opération "Restore Hope" – 15 janvier 1993
L’armée américaine distribue des vivres à la population somalienne dans le cadre de l’opération "Restore Hope" – 15 janvier 1993 © Scott Peterson/Liaison

L’intervention des Etats-Unis en Somalie, en 1992 et 1993, s’est faite sous l’égide de l’ONU. Une force multilatérale sous commandement américain. Elle reçoit pour nom "Restore Hope", redonner l’espoir.

40.000 soldats au plus fort de l’opération dont 30.000 Américains. Si la mission va réussir à mettre en place certaines infrastructures, la pacification du pays va être un échec pour la direction américaine de l’entreprise.

"Les États-Unis ont voulu donner suite à des demandes de la communauté internationale comme quoi il fallait intervenir pour mettre fin à un conflit engendrant une famine mortelle et participer à la reconstruction de l’État somalien. Ils sont intervenus dans une situation sur place qui n’était pas telle annoncée, notamment par l’ONU. La situation sécuritaire était vraiment gangrenée", explique Yannick Quéau.

Vu de Washington, si on doit perdre des GI, il faut que cela serve la sécurité des Etats-Unis

"Cela s’est soldé par quelques fiascos militaires comme la bataille de Mogadiscio dont est inspiré le film Black Hawk Down. Ces échecs ont ancré dans l’opinion publique américaine et au sein même de l’armée, l’idée que les troupes US n’avaient rien à faire là et que cette opération aux objectifs flous n’était pas conforme aux intérêts américains. Vu de Washington, si on doit perdre des GI, il faut que cela serve la sécurité des Etats-Unis. Or, ce n’était pas le cas ou bien trop indirectement pour légitimer l’engagement".

L’intervention de l’ONU s’est poursuivie au-delà de 1993, avec des éléments américains mais sous mandat onusien. Une opération qui a aussi mis les Etats-Unis dans une situation diplomatique délicate vis-à-vis des partenaires au sein de l’ONU.

Irak, 2011

Le retrait des troupes américaines d’Irak s’est produit officiellement en décembre 2011, à la fin de la guerre d’Irak, mais les troupes américaines ont toujours été présentes pour défendre les intérêts américains ou intervenir dans la région.

A l’heure actuelle, il y a quelques 2500 soldats américains sur le sol irakien, c’est comparable aux forces encore présentes en Afghanistan, mais là, le retrait complet n’est pas considéré de la même manière qu’en Afghanistan. La logique sécuritaire leur dicte pour le moment de conserver des forces sur place.


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"Dans le fond, pour Washington, ce qui serait vraiment dommageable et qui participe à la présence de troupes américaines là-bas, c’est que dans le cadre d’un retrait définitif, le pouvoir en Irak pourrait être plus aligné sur les intérêts de l’Iran. […] À Washington, on ne veut pas laisser le champ libre à un pouvoir politique trop proche des intérêts iraniens."

"Et pendant ce temps-là, on est toujours dans une guerre en Syrie dans une situation un peu figée. Ce n’est pas le moment de laisser des acteurs hostiles aux États profiter d’un désengagement trop radical des forces américaines pour redéfinir un rapport de force au Moyen Orient qui ne serait pas conforme aux intérêts américains ni à ceux de leurs alliés régionaux qui, du coup, pourraient de leur propre chef tenter de trouver une solution militaire aux défis posés".

Afghanistan, 2021

Désengagement d’un hélicoptère américain Blackhawk de la base de Bagram dans le cadre de la mission Resolute Support, 29 juin 2021
Désengagement d’un hélicoptère américain Blackhawk de la base de Bagram dans le cadre de la mission Resolute Support, 29 juin 2021 © Corey VANDIVER / DVIDS / AFP – US Defense Visual Information Distribution Service

Les Etats-Unis ont annoncé leur retrait complet d’Afghanistan pour le 31 août prochain. A quel point sera-t-il complet et surtout, quelle réalité va-t-il générer sur le terrain ? Comme l’indique Yannick Quéau, le propre des situations militaires, en Afghanistan comme ailleurs, c’est d’être en continuelle évolution.

" Si vous avez un autre attentat terroriste sur le sol américain, revendiqué par les Talibans ou par une mouvance proche des Talibans, cela pourrait inverser la tendance rapidement. Le contexte est particulièrement volatile. Ceci dit, en l’état actuel des choses, le retrait semble devoir se confirmer entre soulagement et relative indifférence de l’opinion publique américaine".

En conclusion, une fois de plus, comparaison n’est pas raison. Les situations des différents retraits des Etats-Unis des sites sur lesquels ils ont été actifs sont à considérer en rapport avec les contextes de chaque époque. Les situations géostratégiques et tactiques du moment, l’opinion publique américaine ou internationale, l’état des relations diplomatiques dans le monde au moment T, autant de paramètres variables et d’importance.

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