Aussi court que puissant, l’essai de Louisa Yousfi est un appel à tous·tes les descendant·es de victimes du colonialisme à "rester barbare" selon la formule de Kateb Yacine.
Écrivain algérien, réduit au statut d’indigène par l’administration coloniale française, il avait cette formule : "Je sens que j’ai tellement de choses à dire qu’il vaut mieux que je ne sois pas trop cultivé. Il faut que je garde une espèce de barbarie, il faut que je reste barbare".
Pour l’autrice, cette affirmation n’est pas uniquement une prescription esthétique, une injonction à garder une vitalité pour se donner la possibilité de parler, d’écrire, de développer son art. Il s’agit surtout de s’autoriser à produire du récit politique qui ne soit pas ancré dans ce que la société attend de celles et ceux qu’elle qualifie de "personnes intégrées".
Un mot d’ordre dans cet ouvrage, celui de s’émanciper de la langue du civilisateur pour retourner le stigmate. Ou l’emploi du mot barbare comme une fierté.
Pour domestiquer un barbare, il faut commencer par lui enseigner la liberté. ‘Sois libre’, c’est comme ça qu’on dit pour l’attirer dans ses filets. L’avantage, c’est qu’il comprend tout de suite. ‘Sois libre’ à son adresse, ça veut dire : soit libéré des tiens, de leurs traditions, de leurs archaïsmes qui les figent en un bloc homogène et opaque. Sois libre de les trahir, maintenant que tu parles sous notre protection.