Les Grenades

Rentrée littéraire : 10 livres féministes à ne pas manquer

De gauche à droite : Marie Richeux, Joëlle Sambi et Charlotte Pudlowski.

© B.Buchmann / Belga Images

Par Une sélection réalisée par Audrey Vanbrabant pour Les Grenades

C’est le moment de l’année que les féru·es de littérature attendent : la seule, l’unique rentrée littéraire. Voilà déjà plusieurs années que les ouvrages féministes se multiplient et ont, enfin, la place qu’ils méritent lors de ce mois de septembre riche en papier et reliures.

Du tant attendu nouvel ouvrage de Mona Chollet aux adaptations de podcasts prometteuses, Les Grenades vous proposent un tour d’horizon non exhaustif de cette rentrée qui sera féministe, ou ne sera pas.


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Sages femmes, l’enquête d’une généalogie de femmes

Dans ce quatrième ouvrage, l’autrice française nous emmène dans une enquête généalogique sur trois générations. Marie Richeux (Climats de France, 2017) retrace l’histoire de ses aïeules, des "filles-mères", comme il était coutume de les appeler à l’époque. Entendez, des femmes ayant enfanté hors mariage à une période de l’histoire réfractaire aux droits des femmes. Si elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas historienne, Marie Richeux fait malgré tout un travail de recherches approfondi sur ces femmes. Sages femmes, c’est aussi une réflexion sur le tissage (au sens propre) et comment cette pratique a permis à ces filles-mères de s’en sortir. Mais également sur ce qui tisse ces femmes d’hier et d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui nous lie ? Un livre qu’on est heureuse de démêler avec l’autrice au fil des pages.

Sages Femmes, Marie Richeux, Sabine Wespieser éditeur – 19€ – 200 pages

Caillasses, le recueil qui prend aux tripes

Il faut prendre de grandes inspirations avant d’entamer l’un des poèmes de ce recueil. Un peu comme une apnée. Et puis, il faut faire une pause quand il est terminé. Pour reprendre son souffle et mieux s’imprégner du prochain. Caillasses est le premier recueil de poèmes de Joëlle Sambi. "Sa voix de migrante, lesbienne, afroféministe, exilée permanente écrit non pas pour en vivre, mais pour en abuser, jusqu’à s’entendre vivre", lit-on en guise de présentation. Le tout suivi d’une préface forte signée par Lisette Lombé. Chaque poème sonne comme un cri du cœur porté par une plume acérée et enivrante. Joëlle Sambi propose une sorte de manifeste contre les violences raciales, sexistes et homophobes. Une pépite brute de la très belle collection Les deux Sœurs qui entend révéler des voix de femmes. Une chose est sûre : on n’en sort pas indifférent·e.

Caillasses, Joëlle Sambi, L’arbre de Diane – 12€ – 118 pages


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Réinventer l’amour, le tant attendu

Bien sûr, il aurait été sot de rédiger cet article sans parler du tant attendu nouvel ouvrage de Mona Chollet. Voilà déjà des mois que sa maison d’édition tease la sortie de Réinventer l’amour. En 2018, Sorcières (250.000 exemplaires vendus !) avait fait l’effet d’un petit tremblement de terre. Pourtant, Mona Chollet n’était pas à son coup d’essai. Dans Réinventer l’amour, l’autrice propose – comme à son habitude – des pistes d’éclaircissement pour dépoussiérer nos imaginaires pleins de dominations. Comment repenser le couple hétérosexuel sans infériorité féminine ? Comment composer avec le patriarcat sans le laisser devenir la troisième pièce du couple ? Et sur le plan sexuel, comment faire entendre son désir, lui laisser une place égale, loin des clichés et des constructions sociales ?

À noter également dans le même registre, la parution le 12 octobre 2021 de Le cœur sur la table, l’adaptation du podcast du même nom de Victoire Tuaillon.

Réinventer l’amour, Mona Chollet, Zones édition – 19€ – 272 pages

Glisser nue sur la rampe du temps, le récit en fragments

La beauté de l’écriture de Souad Labbize est sans fin. Après un recueil de poèmes remarqué l’année dernière (Je franchis les barbelés, prix de la Poésie Méditerranéenne), l’autrice revient avec Glisser nue sur la rampe du temps. Un titre à l’image de son contenu : subjuguant. On y découvre les parcours de sept femmes en quête de liberté, peu en importe le prix. Il y est question de séparation, de frontières, de guérison aussi. Ce récit en fragments se passe aux quatre coins du monde à différentes époques de notre histoire. Le résultat est une belle ode à la sororité décoré d’une sublime couverture réalisée par Annie Kurkdjian.

Glisser nue sur la rampe du temps, Souad Labbize, éditions Blast – 11€ – 80 pages

Ou peut-être une nuit, le livre d’utilité publique

Au départ, il y avait le podcast du même nom diffusé en septembre 2020 par Louie Media. En six épisodes, la journaliste Charlotte Pudlowski proposait une enquête longue de deux ans sur l’inceste et le silence qui l’entoure. Partant de l’histoire de sa famille, elle a tendu son micro à des survivant.es, leurs proches et des spécialistes de la question. Un podcast édifiant, lourd, mais nécessaire pour briser l’un des plus grands tabous de notre société. Salué à maintes reprises, Ou peut-être une nuit s’inscrit comme l’un des travaux les plus aboutis sur le sujet. De ce travail, elle tire un livre éponyme qui s’inscrit dans la même volonté : libérer la parole et faire sauter l’impunité.

Ou peut-être une nuit, Charlotte Pudlowski, Grasset – 20€ – 272 pages

Qui a peur des vieilles, l’essai sur les vieilles, mais pour tout le monde

Quelle excellente question que celle que pose l’autrice dans ce titre. C’est un constat pratiquement quotidien : notre société s’attelle à cacher les vieux. Alors, imaginez les vieilles… "Alors que notre société vieillit, nous avons un problème avec les vieux en général et les vieilles en particulier, soumises à une double injonction contradictoire : être authentiques et naturelles, mais rester minces et jolies", écrit l’autrice en guise de préambule. Sous couvert d’un certain "âgisme bienveillant", les aînées ne sont ni questionnées ni entendues. Dans cet essai, Marie Charrel compile leurs témoignages auxquels elle ajoute une analyse sociologique et historique de la perception de la vieillesse. Ménopause, féminisme, perception du corps, discriminations, tant de questions abordées à l’heure où la vieillesse est encore taboue.

Qui a peur des vieilles, Marie Charrel, Éditions Les Pérégrines – 19€ – 288 pages

Comme nous existons, l’enquête autobiographique

Dans ce quatrième roman, l’autrice Kaoutar Harchi part d’un constat : "nous – jeunes filles et jeunes garçons identifiés comme musulmans, que nous le soyons ou pas d’ailleurs – étions perçus à l’aube des années 2000 par un ensemble d’hommes et de femmes comme un problème". De là, elle nous emmène dans une enquête dans laquelle elle s’attarde sur les émotions ressenties par ses proches, leur peur, leur façon de résister et de se protéger des violences racistes. L’histoire se passe en France, mais aurait très bien pu prendre naissance en Belgique. Kaoutar Harchi parle de sa famille, de sa conscience politique et de la réalité des enfants d’immigrés qui grandissent en France. Un roman important, rempli d’images et d’intimité.

Comme nous existons, Kaoutar Harchi, Actes Sud – 17€ – 144 pages

Ces enfants-là, le premier roman

On ne parlera jamais assez de la saveur qu’ont les premiers romans. Dans celui-ci, Virginie Jortay raconte comment elle a été privée de son enfance, devenue une sorte d’objet duquel on abuse. L’autrice dresse le portrait d’une enfance coincée dans une famille toxique après le passage des années 60 qui ont vu les corps (et les comportements douteux) se libérer. Et une question toujours : qu’est-ce que cette fameuse liberté a coûté à ces enfants-là ? Mais attention, Virgine Jortay rappelle qu’il s’agit bien d’une fiction, même si elle ne nie pas la dimension autobiographique. "Raconter à partir de soi n’est pas soi, et encore moins une vérité. C’est une façon d’agencer.J’ai cherché lerythme et la respiration des phrases, pour traduire la tension, mais aussi lâcher les soupapes", détaillait l’autrice lors d’une rencontre à Passa Porta. Un premier roman déjà largement remarqué et comparé au sensationnel La familia grande de Camille Kouchner.


►►►À lire également : "Ces enfants-là" : un récit sur les conséquences des sixties


Ces enfants-là, Virginie Jotray, Les Impressions nouvelles – 20€ – 272 pages

Un corps à soi, le féminisme corporel

"Le travail de remise en perspective historique fait par l’autrice est à mon avis complètement inédit", pointait Victoire Tuaillon dans sa critique du livre sur son compte Instagram. Dans cet essai, la philosophe Camille Froidevaux-Metterie mêle son histoire personnelle à celle générale du corps des femmes. Quelle histoire plus universelle que celle de l’oppression du corps des femmes ? Que l’on dénude, masque, dicte. Que l’on juge, cloisonne, emprisonne. Ce nouvel essai suit en quelque sorte le travail commencé en 2015 avec son ouvrage La révolution du féminin. Un essai ultra-documenté (mais accessible malgré tout).

Un corps à soi, Camille Froidevaux-Metterie, Seuil – 23€ – 352 pages


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La Déferlante, la revue qui cartonne

Bon ok, c’est un peu triché parce qu’il ne s’agit pas vraiment d’un ouvrage qui s’inscrit dans la rentrée littéraire. Reste que le troisième numéro de cette revue féministe trimestrielle sort en septembre, donc bon, ça compte non ? Au programme de ce nouveau numéro : un dossier intitulé Se battre avec un récit exclusif de la journaliste Alice Coffin, on rencontre croisée entre la chanteuse Pomme et l’actrice Nadège Beausson-Diagne, une enquête sur les femmes dans le monde du vin ainsi qu’un entretien avec l’illustratrice Pénélope Bagieu. À cette revue – à la place déjà importante dans le paysage féministe malgré sa récente existence – s’ajoute une newsletter bimensuelle truffée de recommandations et autre actualité sous le prisme du genre.

La Déferlante, la revue des révolutions féministes – tous les trois mois – 15€ le numéro


►►► A lire aussi : 5 essais féministes à lire cet été


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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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