La biodiversité est en péril et il faut des changements drastiques si on veut la sauver. Cette biodiversité nous en faisons partie, la sauver, c’est nous sauver. Si on continue de consommer à outrance les ressources de notre planète, on court à notre perte. C’est en substance le message d’une cinquantaine de scientifiques qui ont sorti un rapport en ce début d’année 2022 sur les moyens d’atteindre des objectifs ambitieux de conservation du vivant.
Ces objectifs sont fixés dans le cadre de la COP15 sur la biodiversité dont une partie a eu lieu en ligne en octobre dernier et l’autre partie pourrait avoir lieu en présentiel fin avril après plusieurs reports. La raison officielle : la crise sanitaire. Les autres : les tensions entre la Chine et les Occidentaux. Et enfin, parce que les différentes Parties doivent déterminer la direction à prendre pour préserver la biodiversité et les écosystèmes et il y aurait comme qui dirait des difficultés à trouver le GPS.
Voilà pourquoi les scientifiques du programme de recherche bioDiscovery et du Groupe sur l’observation de la Terre, réseau d’observation de la biodiversité, ont sorti leur rapport à la mi-janvier avec 21 recommandations. En voici une au hasard (ou pas), la 14e qui dit ceci :
"Intégrer pleinement les valeurs de la biodiversité dans les politiques, les réglementations, les plans de développement, les stratégies de réduction de la pauvreté, les comptes et les évaluations des impacts environnementaux à tous les niveaux de gouvernement et dans tous les secteurs de l’économie, en veillant à ce que toutes les activités et tous les flux financiers soient alignés sur les valeurs de la biodiversité les flux financiers soient alignés sur les valeurs de la biodiversité."
Dit autrement : sortir d’une logique de croissance purement économique pour entrer dans une croissance qui prenne en compte la biodiversité.
S’il fallait donner un exemple de comment nos indicateurs actuels mènent à notre perte environnementale, ce serait peut-être celui des "slots" dont nous vous parlions il y a quelques semaines : des avions qui volent à vide pour garder leurs créneaux horaires et éviter de trop grosses pertes économiques mais qui font fondre deux kilomètres carrés de banquise et ce, de manière irréversible.
L’économique l’emporte sur le reste
Si les règles européennes avaient été pensées sur base de l’empreinte carbone plutôt qu’en euros, la logique aurait probablement été tout autre. Un exemple parmi d’autres qui montre l’impact d’un profit purement économique. Selon les différents rapports sur la biodiversité et les changements climatiques, cet impact pourrait courir à notre perte. Le documentaire 'Animal' de Cyril Dion parle même de la cause d’une 6e extinction de masse.
Dans ce documentaire, on y retrouve notamment l’économiste français Eloi Laurent. Il est chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques et enseigne à Sciences po Paris et à l’Université de Stanford. Il est aussi auteur de "Et si la santé guidait le monde ? L’espérance de vie vaut mieux que la croissance.". Pour lui, il n’est pas tant question de parler de décroissance du PIB que de changer complètement d'échelle, pour mettre le bien-être humain et non-humain au cœur du système économique.
Le PIB est dépassé
"Le produit intérieur brut a été inventé en 1934, c’est l’étendard d’un système de pensée qui a presque un siècle. Il est donc logiquement complètement dépassé au XXIe siècle, analyse l’économiste français. Pour une raison simple : d’un côté la croissance économique, de façon tout à fait visible, détruit la biosphère. Elle accélère le changement climatique, détruit les écosystèmes et anéantit la biodiversité." Un constat qui rejoint celui des scientifiques auteurs du rapport sur la biodiversité.
L’illusion d’une augmentation du bien-être
"Et de l’autre côté, continue le professeur, la croissance économique donne l’illusion d’une augmentation du bien-être humain. On a l’impression que quand on a plus de croissance, on a plus de tout ce qui nous importe : l’éducation, la santé, le revenu, l’emploi. Le problème, c’est que c’est faux. Quand on regarde concrètement les chiffres et que l’on compare l’espérance de vie à la croissance économique, on se rend compte de cette illusion."
Il prend pour exemple les chiffres sur l’espérance de vie de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques en France. On peut y lire que "l’espérance de vie à la naissance s’établit à 85,4 ans pour les femmes et à 79,3 ans pour les hommes : en hausse par rapport à 2020, année où elle avait fortement baissé du fait de la pandémie, mais toujours en dessous du niveau de l’année 2019."En Belgique, même constat. "En 2020, l’espérance de vie à la naissance s’élève à 80,8 ans pour la population totale, a analysé Statbel. L’espérance de vie à la naissance a diminué d’un an par rapport à 2019 pour la population totale. Comme la pandémie du Covid-19 a eu un effet important sur la mortalité, ce calcul utilisant les tables de mortalité a également un effet important sur l’espérance de vie."