Economie

Relance: vers une nouvelle industrie du CO2 en Wallonie, "déjà pionnière internationale"

"HECO2" pour Hydrogène, électrification et CO2, voilà pour la fiche estampillée "industrie bas carbone" dans le projet de relance wallon. Une fiche à 50 millions d’euros, encore à prendre au conditionnel tant des choix politiques doivent encore être posés - ou officialisés.

L’enjeu pour l’industrie lourde n’est, lui, pas au conditionnel : comment les cimentiers, verriers, sidérurgistes, et chaufourniers vont-ils pouvoir survivre en Wallonie (et en Europe) alors qu’ils sont fortement émetteurs de CO2 ?

La grande difficulté pour l’industrie lourde, ce sont les émissions de CO2 inévitables, inhérentes aux processus de production. Et l’un des objectifs de la relance économique pour la Wallonie, c’est de réindustrialiser la région – ou en tout cas de maintenir son tissu industriel existant, "en améliorant la compétitivité de ses grands sites industriels et en créant des nouvelles activités à fort potentiel dans le domaine de la transition "bas carbone". La bonne nouvelle ? La Wallonie peut être considérée comme pionnière internationale en matière de capture et utilisation du CO2.

"Défossilisation" plutôt que "décarbonation"

Première précision, pour les industries concernées, "il faut bien être clair, on ne va pas pouvoir du jour au lendemain imaginer des processus de production qui ne rejetteront pas du CO2", assure Véronique Graff, directrice générale du pôle Greewin, le pôle de compétitivité wallon dédié aux technologies environnementales, notamment pour les secteurs de la chimie et de la construction.

Enlever le carbone de l’industrie, c'est théoriquement et pratiquement impossible. Et ce serait une ineptie

"Certains processus de production, intrinsèquement par la matière qu’ils utilisent et la façon dont ils la transforment, sont amenés à émettre du CO2. On ne sait rien y faire. Ce qui est donc important dans ce cadre-là, c’est de travailler sous des voies technologiques qui vont effectivement permettre de boucler la boucle du CO2".

Boucler la boucle du CO2

"Boucler la boucle du CO2", c’est à dire concevoir des processus de production de chaux, de verre, de ciment… Qui permettent de capter, le CO2 – et puis de le stocker ou encore mieux : de garder ce CO2 dans une boucle de production. Mais de faire, en tout cas, en sorte, qu’il ne se retrouve pas dans l’atmosphère. Le but c’est donc de transformer le CO2, de permettre de l’utiliser comme matière première, et ne plus le considérer comme un déchet. "Enlever le carbone de l’industrie, théoriquement et pratiquement, c’est impossible. Et ce serait une ineptie," nous dit Jean-Yves Tilquin, directeur recherche et développement chez Carmeuse, et vice-président de CO2 Value Europe.

"On devra vivre avec le carbone, que ce soit pour la chimie minérale ou la chimie des polymères. Par contre, on doit parler de défossilisation du carbone. Il s’agit d’éliminer au maximum la source fossile de ce carbone et pour le reste de boucler le carbone dans une économie circulaire du CO2 ou le séquestrer". La bonne nouvelle, c’est que la Wallonie peut être considérée comme pionnière dans la recherche des processus de "défossilisation" du carbone, pour Jean-Yves Tilquin.

Wallonie pionnière, et toujours à la pointe

Relance: Vers une nouvelle industrie du CO2 en Wallonie, "déjà pionnière internationale"
Relance: Vers une nouvelle industrie du CO2 en Wallonie, "déjà pionnière internationale" © Tous droits réservés

En 2017, s’est clôturé un projet européen (SCOT) coordonné et piloté par le pôle Greenwin, qui regroupait des acteurs allemands, français, néerlandais, britanniques et… wallons. Le projet aboutira à la naissance de CO2 Value Europe, et "La Wallonie peut s’enorgueillir d’avoir été à la fois le berceau, et à l’initiative de ce grand projet.

"C’est assez marquant pour être souligné", explique Jean-Yves Tilquin, qui précise que la Wallonie est encore à la pointe aujourd’hui - en particulier pour ce qu'on appelle la minéralisation du CO2, sa transformation en matière solide: "La plupart des initiatives prennent également leur source en Région wallonne, et ce sont les chaufourniers et cimentiers qui en sont les fers de lance".

"Nous avons communiqué, fin de l’année dernière, notre grand projet avec Engie et John Cockerill (en partenariat avec Carmeuse, NDR) de la mise en place de ce qui sera probablement la plus grosse usine de fabrication de e-méthane au départ, d’une combinaison d’hydrogène et de CO2. C’est, quand même, une puissance installée de 75 mégawatts. Et donc, là aussi, la Région wallonne sera le fer de lance mondial dans la production de e-gaz. "

Le plan de relance va contribuer à catalyser le développement de projets concrets.

"E-methane, e-gaz," c’est-à-dire, la transformation du CO2 généré lors du processus de production de la chaux, en gaz renouvelable qui peut ensuite être injecté dans le réseau, ou bien être utilisé dans les transports ou l’industrie. Et l’espoir de Jean-Yves Tilquin, c’est bien sûr que la Wallonie ne s’arrête pas là : "Les technologies sont matures, en tout cas en termes d’utilisation (dans une optique d’économie circulaire du carbone) et de séquestration et elles nécessitent simplement la mise à l’échelle, le plus vite possible. Et le plan de relance va contribuer à catalyser le développement de projets concrets autour de cette thématique".

Créer une nouvelle industrie du CO2

Pour que la Wallonie garde une position concurrentielle en matière de transformation du CO2 ? L’enjeu n’est ni plus ni moins que celui de créer une nouvelle industrie du CO2, et "cela est tout à fait envisageable", selon Véronique Graff.

"Parce que nous disposons en Wallonie d’une concentration d’acteurs clé dans le domaine, qui couvrent déjà une grande partie de la chaîne de valeur qui permet de développer ce type de filières. Ce sont des industriels développeurs de technologies, qui ont développé un savoir-faire dans le domaine, mais aussi des industriels qui vont utiliser ces technologies. Et nous avons des centres de recherche qui se spécialisent là-dedans, et des laboratoires universitaires."

Les freins : le coût et la régulation

Mais soyons de bon compte il reste des freins aujourd’hui, pour une "mise à l’échelle" industrielle de ces technologies. Notamment le surcoût de ces technologies de transformation du CO2 par rapport à la manière classique, conventionnelle de produire de la chaux du ciment, de l’acier, etc.

Mais aussi le risque aussi d’être mis en concurrence frontale avec des produits issus des mêmes industries, mais importés depuis l’étranger, hors Europe, sans être soumis aux mêmes régulations environnementales. "Et nos industries sont en train de mettre sur la table du capital humain et financier à risque", conclut Jean-Yves Tilquin, histoire de bien préciser : oui, il y a indubitablement des enjeux financiers et régulatoires importants derrière cette ambition d’une nouvelle filière du CO2 en Région Wallonne.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous