Episode 1 sur les 60 ans de l’indépendance du Congo : "La crise après le 30 juin 1960" – Diffusé dans l’émission Transversales, le 27 juin 2020. Avec les archives de la Sonuma.
Il était là sur place, ce 30 juin 1960, le jour où le Congo a été proclamé indépendant. Etienne Davignon est envoyé par les Affaires étrangères belges. Il a alors 28 ans. Aujourd’hui, avec son regard bleu acier, il raconte ce qu’il a vu et entendu, tel qu’il l’a vécu personnellement à l’époque. "J’essaye de relater les faits, tels que je les ai vécus. Mon témoignage vaut ce qu’il est. Il n’est pas historique, il est situé dans une période déterminée, avec des conversations précises".
Il relate tout, dans les moindres détails : la cérémonie officielle en présence du roi Baudouin, le discours "paternaliste" du souverain, celui de Patrice Lumumba, imprévu, devenu célèbre "un discours nationaliste, qui rappelle un certain nombre de choses…", c’est-à-dire les violences qu’ont subi les Congolais pendant la colonisation. "L’émoi" que cela provoque dans la salle…
L’indépendance du Congo, c’est le résultat d’un échec de conception
Le discours du Premier ministre Lumumba révèle les tensions entre Congolais et Belges. "Il donne aux Congolais un contenu. Il affirme que ce pays leur appartient… Lumumba réaffirme tout ce qu’il avait dit à la table ronde politique, le 27 janvier 1960… On annonce l’indépendance du Congo. Mais quel contenu y a-t-on mis ? L’indépendance du Congo, c’est le résultat d’un échec de conception", réagit Jean Omasombo, politologue à l’université de Kinshasa et chercheur au Musée royal d’Afrique centrale de Tervuren.
Mais ce discours met à jour aussi les tensions politiques avec le président congolais. Patrice Lumumba n’admet pas que Joseph Kasa-Vubu prononce un discours si modéré devant le roi Baudouin "un discours qui dit ‘merci sire’", et qui aurait été rédigé par Jean Cordy, le directeur de cabinet du gouverneur général Henri Cornélis, selon Jean Omasombo.
De fait, une crise politique éclate au sommet, deux mois après le jour de l’indépendance et les événements dramatiques qui suivent. L’autorité de Kasa-Vubu et de Lumumba qui est aussi ministre de la Défense, est mise à rude épreuve après les mutineries dans la force publique congolaise, la sécession du Katanga et l’intervention des forces belges au Congo…
Le 5 septembre, le président Kasa-Vubu révoque le Premier ministre Lumumba. En réponse, Patrice Lumumba engage la procédure de destitution du président, devant le Parlement congolais. C’est alors que le colonel Mobutu fait son premier coup d’Etat. Il met les politiques en "congés". Le temps de réorganiser le pouvoir… avec Kasa-Vubu.