Economie

Réforme du travail du sexe : Pierre-Yves Dermagne (PS) entend sortir de l'"hypocrisie politique" avec l’octroi de vrais contrats

Par Théa Jacquet sur la base d'une interview de Thomas Gadisseux via

Il y a un an, la Belgique devenait le premier pays européen à dépénaliser la prostitution. Si cela permet de sortir la profession de la clandestinité, cette décriminalisation est encore loin de résoudre tous les problèmes liés à l’exercice du plus vieux métier du monde. Raison pour laquelle le ministre de l’Économie et de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne (PS) souhaite le réformer. Un moyen de mettre un terme aux contrats déguisés et par la même occasion à une "forme d’hypocrisie politique".

Afin de garantir des conditions de travail "sécurisantes et sécurisées" pour les travailleuses et travailleurs du sexe, l’invité de Matin Première entend, par ce nouveau statut, pouvoir conclure un contrat de travail en bonne et due forme, octroyé par un employeur agréé. En pratique, cela permettrait aux prostituées et prostitués d’avoir accès à une protection sociale, c’est-à-dire une assurance maladie-invalidité ou encore le droit au chômage.

Du côté de l’employeur, pour que celui-ci soit reconnu et agréé, il devra répondre à certaines conditions : produire un extrait du casier judiciaire et avoir son siège social ou d’exploitation en Belgique. Il devra également garantir le respect des quatre libertés fondamentales qui sont reconnues aux travailleurs et aux travailleuses du sexe, soit "le droit de refuser un partenaire sexuel, le droit de refuser certaines pratiques sexuelles, le droit d’interrompre ou de mettre fin à l’activité, et le fait aussi de pouvoir imposer ses propres conditions à l’activité sexuelle", énumère le ministre socialiste.

Par ailleurs, cette réforme fera "en sorte aussi que l’employeur garantisse la présence d’une personne de référence dans les lieux où l’activité est exercée et dans chaque lieu aussi prévoir la présence d’un bouton d’urgence pour appeler à l’aide", précise Pierre-Yves Dermagne.

Pour autant, le proxénétisme reste punissable. "On continue à traquer ce type d’infraction. On met des moyens supplémentaires dans la lutte contre la traite des êtres humains, contre l’exploitation des personnes et ça reste une priorité de ce gouvernement", assure le ministre.

Le droit à l’oubli pour les (ex-) patients

Un autre dossier sur lequel le ministre de l’Économie et de l’Emploi veut avancer : le droit à l’oubli pour les personnes guéries d’un cancer ou d’une maladie chronique et ainsi leur permettre de contracter un prêt. Pour rappel, les anciens patients pourront obtenir une assurance plus rapidement. Mais Pierre-Yves Dermagne souhaite aller plus loin, notamment sur des maladies guéries plus rapidement. "Il faut rappeler aux assureurs et aux compagnies d’assurances qu’ils ont un rôle sociétal et donc ils doivent accompagner la société dans son évolution", appuie le socialiste.

"Après le choc de l’annonce du diagnostic, le fait de devoir l’annoncer aux proches et à la famille, se lancer dans le parcours du combattant ou de la combattante que constituent les traitements contre le cancer, il y a effectivement cette double peine avec des assurances qui refusent d’assurer ces patients qui sont aujourd’hui guéris", souligne-t-il.

Concrètement, cela dépend du type de cancer, mais les durées d’attente peuvent être longues, allant jusqu’à 8 ans. "Ce qu’on veut ici, c’est avec le cancer du sein qui concerne près de 11.000 femmes chaque année en Belgique. Et parmi elles, on a 5.000 patientes dont le diagnostic et le pronostic sont positifs assez rapidement parce qu’on est face à une tumeur bénigne, ce qu’on appelle une tumeur in situ, qui reste donc localisée […]. Donc on voit l’issue assez rapidement", renseigne Pierre-Yves Dermagne.

Les compagnies d’assurances ne pourront plus, comme c’est le cas aujourd’hui, tenir compte de cet antécédent médical pour refuser l’octroi d’une assurance solde restant dû

Et de poursuivre : "On veut, pour ces patientes-là, que le droit à l’oubli soit automatique et immédiat. Il n’y aura plus de période d’attente. Donc les compagnies d’assurances ne pourront plus, comme c’est le cas aujourd’hui, tenir compte de cet antécédent médical pour refuser l’octroi d’une assurance solde restant dû, liée dans la grande majorité des cas à l’obtention d’un crédit hypothécaire."

Et la volonté du gouvernement est d’aller vite. "D’ici les prochains jours, les prochaines semaines, la décision sera prise et s’appliquera directement à ces patientes", avance le ministre.

Loi anti-casseurs, bientôt votée ?

Ce 5 juin encore, le patron de la FGTB Thierry Bodson a exprimé au bureau du PS sa colère vis-à-vis du projet de loi anti-casseurs, qui prévoit, outre des peines plus importantes aux individus qui ont déjà commis des infractions lors de rassemblements publics, l’interdiction de participer à des manifestations. Thierry Bodson voit en ce projet une atteinte massive au droit de grève.

Cette loi sera-t-elle votée ? "Le texte est au Parlement pour l’instant, donc ce sont les parlementaires qui sont saisis de la question", précise le ministre, qui ne reviendra pas sur les décisions prises à la fois au sein du gouvernement et du PS.

Pour autant, Pierre-Yves Dermagne reconnaît qu’il existe des préoccupations légitimes, notamment au regard de l’évolution de la jurisprudence. "On voit quand même une tendance ces dernières semaines, ces derniers mois, particulièrement dans le dossier Delhaize, à des décisions qui réduisent effectivement et concrètement la possibilité de pouvoir manifester son opposition et de faire grève. Et je comprends les préoccupations qui ont été exprimées par Thierry Bodson", développe-t-il.

Delhaize et le dialogue sourd

En parlant de Delhaize, le discours est on ne peut plus sourd entre syndicats et patrons. Le politique n’a-t-il pas laissé tomber le travailleur ? "Non absolument pas", affirme le socialiste. "J’ai envoyé au Conseil national du Travail un projet de loi visant à réformer, à compléter la loi Renault, et pour tenir compte aussi de ce qu’on appelle les transferts d’entreprises, à savoir les franchisations qui sont voulues par Delhaize."

Et le ministre d’ajouter qu’il a désigné un conciliateur social qui, d’après lui, continue, malgré le contexte tendu, d’avoir des contacts informels avec les représentants des travailleurs et avec la direction de Delhaize.

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