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Réforme des retraites en France : si le gouvernement n’est pas censuré, "la tension va se confirmer dans la rue"

L'invité de Matin Première : Benjamin SAINT-HUILE

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Par Estelle De Houck sur base de l'Invité de Matin Première de Thomas Gadisseux

Le gouvernement français va-t-il tomber ? La réforme des retraites va-t-elle être adoptée ? Réponse ce lundi, après les votes des députés sur les motions de censure. Parmi eux : Benjamin Saint-Huile, député du nord de la France et signataire d’un des textes avec le groupe de centristes LIOT (Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Il était l’invité de Matin Première.

C’est le coup de force lié à l’activation du 49.3 qui a fait déborder le vase. "75% des Français s’opposent à cette réforme et la considèrent inefficace et injuste", contextualise Benjamin Saint-Huile. Pour autant, "le président de la République a décidé de maintenir cette réforme. Ils l’ont faite passer au Sénat, avec la droite parlementaire qui l’a votée – ils ont utilisé un article de la Constitution pour accélérer la procédure pour être certains qu’ils la votent. À l’Assemblée nationale, conscients que vraisemblablement ils ne seraient pas en capacité d’avoir un vote majoritaire ils font l’inverse : ils utilisent le fameux 49.3 qui empêche les députés de voter."

"Ce qui a été choisi par le gouvernement c’est le passage en force - celui qui nie la réalité populaire, qui nie la réalité parlementaire - et en cela c’est inacceptable."

Objectif : la majorité à l’Assemblée nationale

C’est donc ce lundi que le groupe LIOT dépose une motion de censure. Pour qu’elle soit adoptée, elle doit nécessairement obtenir une majorité à l’Assemblée nationale. Et ce n’est pas gagné : si le groupe a grosso modo le soutien de la gauche et celui du Rassemblement national… Il lui faut encore 25 voix de la droite.

"Concrètement, les Républicains ont à répondre à une question simple, claire : est-ce que, oui ou non, ils sont dans l’opposition à monsieur Macron et à son gouvernement. Et dans ces cas-là, ils voteront la motion de censure", ajoute Benjamin Saint-Huile. Mais le calcul paraît tendu. "Vraisemblablement ce sera difficile d’obtenir ces 287 voix dont nous avons besoin", reconnaît le député.

"Mais c’est pour ça qu’au-delà de cette motion de censure qui nous occupe aujourd’hui, ce message d’adresse au président de la République : 'Monsieur le président de la République, vous devez changer. Retirez cette réforme qui est incomprise par la rue. Vous devez changer de gouvernement qui a échoué dans sa capacité à construire le compromis. Et vous, monsieur le président, vous devez changer parce que votre élection porte un caractère particulier : il y a autant de gens qui ont adhéré à votre programme que d’électeurs qui ont repoussé Marine Le Pen'."

Une bombe sociale ?

Mais concrètement, pourquoi cette réforme des retraites est considérée par beaucoup de Français comme une bombe sociale ? "Il faut bien distinguer l’âge légal de l’âge de départ à taux plein. En France, si vous voulez partir à taux plein, c’est 67 ans", précise le député Benjamin Saint-Huile. "La réalité, c’est que l’âge légal est un filet de sécurité pour ceux qui ont démarré tôt, ceux qui ont des carrières compliquées. Et dans ce cadre-là, il faut reconnaître que ce décalage de deux ans impacte directement les vigiles, les caissières, ceux qui ont été en deuxième ligne au quotidien."

"Donc il faut distinguer ce qui est dans le texte et l’usage en quelque sorte. L’âge réel de départ en France est déjà à plus de 63 ans. Et il faut comprendre que, si dans certains pays européens on peut largement anticiper son départ sans qu’il y ait un impact trop important pour sa retraite, en France c’est plutôt l’inverse : on part après l’âge légal pour avoir une pension acceptable dans une vie d’inflation qui galope aujourd’hui."

La seule solution est le chemin du retrait de cette réforme

Voilà qui explique cette mobilisation qui ne faiblit pas en France. Mais à quoi doit-on s’attendre dans les jours à venir ? "Cela va dépendre en partie de ce qui va se passer aujourd’hui", estime Benjamin Saint-Huile. "Je pense que la situation est telle que la seule solution est le chemin du retrait de cette réforme. Parce que l’ensemble des syndicats des travailleurs refusent cette réforme. Ils considèrent que l’on fait peser l’effort sur les mêmes, et que pendant ce temps-là la répartition des richesses n’est pas interrogée."

"Si le gouvernement n’est pas censuré cette après-midi, il y a un double effet : le gouvernement reste en place et la réforme est adoptée. Si c’est le cas, alors dans la rue la tension va se confirmer. On va vraisemblablement s’enfoncer dans les profondeurs de cette tension sociale. Et le seul qui a les clés maintenant : c’est le président de la République", conclut le député.

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