"C’est un plébiscite présidentiel, pas de doute que Bachar El Assad enchaînera un quatrième mandat", ironise Fabrice Balanche, Maitre de conférences à l’Université de Lyon 2. En Syrie, le processus électoral est bien lancé. En apparence, tout semble être mis en œuvre pour organiser, dans les règles, le scrutin présidentiel du 26 mai. Face à Bachar El Assad, cinquante et une personnes dont sept femmes – une première – ont déposé leur candidature. Pour prétendre à la magistrature suprême, les postulants doivent toutefois recueillir le soutien de 35 députés, presque tous acquis au parti Baas du président. "Bachar El Assad autorise des candidatures concurrentes qui feront quelques pourcents, mais lui sera réélu avec au moins la majorité des électeurs inscrits", ajoute Fabrice Balanche.
A New York, les membres occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU, sous l’égide des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, ont rejeté à l’avance le résultat de ce scrutin.
C’est donc probablement encore lui, qui sera à la tête de ce pays ravagé par dix ans de guerre, occupé au nord par la Turquie avec des poches djihadistes du côté d’Idlib, et en proie à des attaques de Daesh, dans des zones périphériques. Les Syriens – ceux qui sont restés, contrairement aux six millions de réfugiés – en sont les otages, "mais l’élection n’est pas leur préoccupation majeure", souligne Diane Antakli, co-fondatrice de l’ONG ‘Les baroudeurs de l’Espoir’, qui revient d’Alep avec des témoignages poignants. "Les Syriens sont confrontés à une crise économique telle, qu’ils pensent d’abord à subvenir à leurs besoins. Et ils ont parfaitement conscience qu’il y a des enjeux internationaux pour retrouver la paix".
Dix ans de guerre ont détruit l’économie du pays
De fait, 90% de la population est passée sous le seuil de pauvreté. "Dix ans de guerre ont détruit l’économie du pays", explique Diane Antakli. "Quelques usines fonctionnent aujourd’hui, mais au ralenti. Les emplois sont rares. La Syrie est étouffée par l’effort de guerre. Avec les sanctions occidentales, les denrées alimentaires ne peuvent plus être importées et il y a aussi les effets de la crise au Liban voisin. Des Syriens détenaient des fonds au Liban, dont une partie transitait pour l’acheminement de l’aide humanitaire. Mais avec l’effondrement du système bancaire, du jour au lendemain, ils ont tout perdu".
A Alep, la guerre s’est arrêtée il y a un an. "On entend parfois quelques tirs au loin, mais le calme est revenu", raconte Diane Antakli. La ville est à moitié détruite. Quant aux travaux, personne n’espère les voir commencer de sitôt. Quelques petits commerces et des marchés ont repris leurs activités, de quoi générer un peu de revenus. Mais il est difficile d’acheter ou d’acquérir le moindre bien, lorsque l’inflation dépasse les 300%. La livre syrienne est frappée par une forte dépréciation. Début mars, elle atteignait son plus bas niveau à près de 4000 livres pour un dollar, sur le marché parallèle.