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Réchauffement climatique : capter le CO2 dans l’atmosphère, la solution ?

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Par Adrien Demet

Les projets d’élimination du CO2 sont actuellement largement insuffisants pour atteindre les objectifs climatiques internationaux. C’est ce qui ressort d’une étude menée par l’université d’Oxford, parue en janvier dernier. Sous le nom de "The state of carbon dioxide removal", elle pointe la nécessité d’investir dans l’élimination du dioxyde de carbone (EDC) et dans les émissions "négatives" pour faire face au réchauffement climatique. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) va d’ailleurs dans le même sens.

Tout d’abord, une émission "négative", c’est quoi ? Il s’agit d’un procédé, naturel ou technologique, qui consiste à retirer du CO2 déjà présent dans l’atmosphère pour le stocker de manière permanente. L’objectif est ici de tenter d’atténuer les effets du réchauffement climatique.

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C’est ce que pointe l’étude "The state of carbon dioxide removal", menée par l’université d’Oxford. "L’intensification de l’élimination du dioxyde de carbone est une priorité urgente, tout comme les efforts visant à réduire rapidement les émissions, si nous voulons atteindre l’objectif de température de l’Accord de Paris", peut-on lire dans ce rapport présenté comme le premier bilan global réalisé sur le sujet.

Différentes technologies et moyens existent ou sont à l’étude pour capter directement une partie du CO2, l'un des principaux gaz à effet de serre présent dans l’atmosphère. On fait le point sur quelques pistes.

La centrale de captage du CO2 de Climeworks située à Hellisheidi en Islande
La centrale de captage du CO2 de Climeworks située à Hellisheidi en Islande © AFP or licensors

Le CO2 directement capté dans l’air

Le "Direct Air Capture" (DAC), ou captage direct de l’air, en français, permet d’extraire directement du dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère. L’air est capté par d’énormes ventilateurs qui aspirent l’air ambiant avant de séparer le CO2 grace à un filtre spécifique. L’air "neutre" est ensuite relâché. Le dioxyde de carbone est lui stocké. L’Agence internationale de l’Energie (AIE) comptabilise 18 installations expérimentales de captage direct de l’air actuellement dans le monde.

La plus grande du genre se trouve en Islande, près de la capitale Reykjavik. Elle a été développée par la société suisse Climeworks. Orca, c’est son nom, a l’ambition de retirer 4000 tonnes de CO2 de l’atmosphère chaque année. C’est la quantité de dioxyde de carbone que produit l’humanité… en quelques secondes. Les résultats peuvent alors paraître dérisoires.

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Ce qui est sûr, c’est que la technologie DAC n’en est qu’à ses balbutiements, mais les ambitions sont énormes. L’Agence internationale de l’Energie (AIE) ambitionne de retirer environ 1 gigatonne de CO2 de l’atmosphère par an dès 2050. A titre de comparaison, l’activité humaine a émis en 2022 le chiffre record de plus de 36,6 gigatonnes de CO2.

Il existe également des méthodes pour aspirer le CO2 directement dans les fumées industrielles. On ne parle toutefois pas ici de "Direct Air Capture" et d’émissions "négatives" car il s’agit de rejets supplémentaires de CO2 dans l’atmosphère. Il est important de faire la différence.

Si on voulait capter toutes nos émissions, on devrait avoir pratiquement toute l’Europe remplie d’éoliennes ou de panneaux solaires

Même si son impact sur le climat est énorme, la concentration du CO2 dans l’air est relativement faible comparé à sa concentration dans les fumées industrielles. Plus sa concentration est faible et plus son captage sera coûteux en termes d’énergie. C’est le cas pour le captage direct du CO2 dans l’air ambiant qui nécessite des infrastructures très énergivores.

"Pour que le 'Direct Air Capture' ait un impact, il faut que l’énergie provienne d’énergies renouvelables" explique Célia Sapart, climatologue et directrice scientifique chez CO2 Value Europe. "Si on voulait capter toutes nos émissions, on devrait avoir pratiquement toute l’Europe remplie d’éoliennes ou de panneaux solaires", ajoute-t-elle. Ce n’est évidemment pas possible.

Quoi qu’il en soit "cette énergie renouvelable on en aura besoin en priorité pour d’autres applications afin de remplacer les énergies fossiles", estime Jan Vande Putte, expert en énergie chez Greenpeace Belgique.

Les installations de l’usine expérimentale Orca qui captent directement le dioxyde de carbone dans l’air
Les installations de l’usine expérimentale Orca qui captent directement le dioxyde de carbone dans l’air © AFP or licensors

Que faire du CO2 séquestré ?

Une fois que le CO2 a été emprisonné, une question se pose : qu’allons-nous en faire ? Une des pistes est de l’enfouir profondément et définitivement sous terre. C’est ce que fait le site expérimental d’Orca en Islande. Le CO2 est même directement entreposé sous le site de l’usine afin de réduire les coûts de transport. Ce scénario semble séduisant, mais il se heurte à différents obstacles.

"Stocker le CO2 dans le sol est très coûteux et contraignant", explique Célia Sapart car "il est très compliqué d’éviter les fuites et il faut éviter que le CO2, qui est plus léger que l’eau, ne remonte à la surface ou ne fuie vers d’autres réservoirs et ressorte à un moment ou un autre dans l’atmosphère". Il faut donc utiliser "des réservoirs profonds et imperméables". Souvent jusqu’à plus de 800 mètres sous terre. Il n’est donc pas possible de faire du stockage de carbone en sous-sol partout dans le monde.

Le "Direct Air Capture" permet d’aspirer le C02 de l’atmosphère
Le "Direct Air Capture" permet d’aspirer le C02 de l’atmosphère © RTBF

Recycler et utiliser le CO2

A côté du stockage en sous-sol du CO2, une alternative existe : le valoriser pour une utilisation ultérieure. Autrement dit, une fois le CO2 capté dans l’air, on peut l’utiliser pour fabriquer des produits essentiels, comme des matériaux de construction par exemple, dans lesquels le carbone peut être définitivement séquestré. On peut aussi l’utiliser pour produire des carburants renouvelables.

Outre le fait de réduire significativement les émissions de CO2, Célia Sapart estime que l’utilisation du CO2 a l’avantage de "créer une économie circulaire du carbone afin d’atteindre les objectifs climatiques et surtout de diminuer drastiquement l’utilisation du carbone fossile, responsable des changements climatiques."

De son côté, Greenpeace ne se dit pas contre le captage direct du CO2 dans l’air à l’avenir. Jan Vande Putte insiste toutefois : "La première chose à faire ici sera d’utiliser le CO2 comme une ressource et non comme un déchet."

Brûler la biomasse pour récupérer le CO2

Un autre procédé pour capter le CO2 de l’atmosphère est de brûler de la biomasse. Le principe est de brûler de la matière organique et végétale pour produire de l’énergie et ensuite aspirer le CO2 issu de la combustion.

Il s’agit bien ici d’émissions "négatives" puisque la biomasse brûlée a déjà servi de puits de carbone naturel durant sa croissance. Autrement dit, avant d’être brûlé, un arbre a déjà stocké du CO2 provenant de l’atmosphère. Celui-ci peut ensuite, comme avec le DAC, être stocké de manière permanente soit sous terre, soit dans des matériaux de construction ou être recyclé, par exemple en carburants renouvelables.

Brûler de la biomasse permet de retirer du CO2 de l’atmosphère
Brûler de la biomasse permet de retirer du CO2 de l’atmosphère © RTBF

"Utiliser des forêts pour les brûler sous forme de biomasse à grande échelle et ensuite reforester, ce n’est pas du tout une bonne idée" estime Jan Vande Putte car c’est "extrêmement dangereux pour la biodiversité." Cela peut aussi poser un problème au niveau des terres disponibles.

D’autres pistes pour capter le CO2

Le biochar est souvent présenté comme une autre solution d’avenir contre le réchauffement climatique. Ce charbon végétal est obtenu en transformant la biomasse grâce à la pyrolyse afin d’y stocker le dioxyde de carbone. Le biochar peut ensuite servir, entre autres, à la fertilisation des sols et notamment des terres agricoles.

Un tas de biochar
Un tas de biochar © iStock / Getty Images Plus

Autre piste : fertiliser les océans pour produire plus de phytoplancton ou encore l’alcalinisation artificielle de ceux-ci. Ces méthodes sont toutefois contestées car elles pourraient perturber durablement l’équilibre des océans et leur écosystème.

85% du trajet doit se faire en réduisant les émissions de CO2, les 15% restants avec des technologies

Malgré les obstacles encore rencontrés par certaines filières et technologies, "ces solutions d’élimination du dioxyde de carbone, on va en avoir besoin car on a déjà émis trop de CO2 dans l’atmosphère" estime Célia Sapart, en se basant sur le dernier rapport du Giec. "Restaurer les puits naturels et utiliser ce genre de technologies (de captage de CO2, ndlr), on va devoir le faire, mais ces technologies ne sont pas du tout magiques, ils faut donc en premier lieu diminuer nos émissions et cela au plus vite." Célia Sapart estime que "85% de l’effort doit se faire en réduisant les émissions de CO2, les 15% restants avec les technologies."

Jan Van de Putte de Greenpeace ajoute que : "la priorité aujourd’hui est d’arrêter l’utilisation des énergies fossiles pour les remplacer par de l’électricité renouvelable."

Comment capturer du CO2 ?

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Et planter des arbres ?

On le sait, les arbres et les forêts sont des puits de carbone naturels. La végétation en général joue un rôle primordial dans le captage du CO2. Avec les océans, les forêts captent la majorité du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère.

"Le plus important maintenant est d’arrêter d’abîmer les forêts (la déforestation massive, ndlr)", insiste Jan Vande Putte qui pointe également la nécessité de "reforester et de régénérer les écosystèmes et la biodiversité".

Les arbres et la végétation sont des puits de carbone naturels
Les arbres et la végétation sont des puits de carbone naturels © Tous droits réservés

Planter des arbres et de la végétation, là où c’est possible, est une des pistes les plus probables à court terme pour piéger le CO2 dans l’air. Mais cela ne suffira sans doute pas, selon certains scientifiques.

Malgré les obstacles actuels, les scénarios montrent que l’élimination du dioxyde de carbone et le "Direct Air Capture" vont prendre de plus en plus d’importance d’ici 2040 à 2050 comme le montrait déjà un rapport de l’Agence internationale de l’Energie en avril 2022.

Les méthodes anthropiques d’élimination du dioxyde de carbone dans l’atmosphère pourraient donc se montrer incontournables à l’avenir. Les infrastructures nécessaires et la quantité de CO2 à capter dépendront beaucoup du scénario dans lequel se trouvera le réchauffement climatique au cours des prochaines années.

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