Belgique

Rassemblement en soutien au peuple Afghan à Bruxelles : "La Communauté internationale ne doit pas reconnaître le régime taliban"

Près de 500 personnes se sont rassemblées ce 18 août, au Rond-Point Schumann à Bruxelles, en soutien aux afghans.

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Par Ghizlane Kounda

Près de 500 personnes se sont rassemblées en soutien au peuple Afghan, ce mercredi après-midi, au Rond-Point Schumann à Bruxelles, devant la Commission européenne, le Conseil européen et le service européen pour l’Action extérieure. Un rassemblement à l’initiative du réseau d’Organisations de la Diaspora Afghane en Europe (NADOE) et du Comité des réfugiés Afghans en Belgique.

L’ambiance était électrique. "Le Pakistan a abrité pendant 20 ans les terroristes !", lance l’un des participants. "Si la Communauté internationale avait imposé des sanctions au Pakistan pour lutter contre le terrorisme, nous n’en serions pas là". "Les Américains ont laissé le chaos en Afghanistan !", crie un autre.

Les organisateurs ont adressé plusieurs messages à l’Union européenne et à la Belgique. "C’est une bonne chose que le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, ait fini par changer d’avis, en décidant de ne renvoyer temporairement aucun Afghan dans son pays en guerre", explique Abdul-Azim AZAD, Coordinateur des réfugiés afghans et Porte-Parole de la Coordination nationale des sans-papiers en Belgique, "mais nous lui demandons de sortir de son rôle politique et d’agir humainement vis-à-vis des demandeurs d’asile afghans. Compte tenu de la situation sécuritaire en Afghanistan, nous réclamons le statut de réfugié de guerre, pour tous les Afghans en situation irrégulière ici en Belgique, afin qu’ils puissent bénéficier d’une protection internationale".

Six États membres de l’UE, dont la Belgique, avaient adressé début août une lettre à la Commission européenne demandant de ne pas suspendre les expulsions de migrants afghans. Alors que les Pays-Bas, la France, l’Allemagne et le Danemark avaient revu leur position, ce n’est qu’après que les talibans ont eu pris le contrôle de Kaboul, que Sammy Mahdi (CD&V) a décidé lundi "de ne renvoyer personne vers une région qui n’est pas sûre", sans pour autant parler d’arrêt des renvois.

"Le Pakistan a abrité pendant 20 ans les terroristes !", lance l’un des participants à la manifestation en soutien au peuple Afghan, ce 18 août à Bruxelles.
"Le Pakistan a abrité pendant 20 ans les terroristes !", lance l’un des participants à la manifestation en soutien au peuple Afghan, ce 18 août à Bruxelles. © Tous droits réservés

Dans la foulée, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) a annoncé la suspension jusque fin septembre de toutes les décisions sur l’octroi du statut de protection subsidiaire à tous les demandeurs d’asile afghans. Ce statut valable un an, donne – dans un premier temps – droit à un séjour limité en Belgique.

"J’ai pris cette décision de manière indépendante", précise Dirk Van den Bulck, Commissaire général du CGRA, joint par téléphone. "Nous continuons à traiter les dossiers au cas par cas, à prendre des décisions pour le statut de réfugié. Mais pour le moment, comme il est très difficile d’apprécier les risques d’être victime de violence aveugle en Afghanistan, nous suspendons les décisions pour les statuts de protection subsidiaire".

Difficile de donner une estimation du nombre d’Afghans présents aujourd’hui en Belgique. "Entre 3 et 4000", estime Abdul-Azim AZAD, qui est lui-même afghan et demandeur d’asile. Depuis son arrivée en Belgique en 2012, il a introduit sept demandes, toutes lui ont été refusées. Aujourd’hui, il est toujours sans papiers, en situation irrégulière.

Selon le CGRA, cette année (de janvier à juillet), sur les 2608 demandes introduites par des Afghans – étudiées au cas par cas – et sur les 1648 décisions finales, 225 ont débouché sur la reconnaissance du statut de réfugié, 337 pour celle du statut de protection subsidiaire. Les refus (1048) sont principalement des décisions d’irrecevabilité concernant des demandes ultérieures (744), c’est-à-dire des demandes introduites par des personnes ayant précédemment déjà reçu une décision de refus en Belgique.

Nous voulons que les conditions de vie des Afghans soient une priorité pour la Communauté internationale, au lieu des réfugiés

"La priorité pour l’Union européenne aujourd’hui est la question des réfugiés afghans sur le sol européen", explique de son côté Ahmad Wali Ahmad Yar, doctorant à la VUB sur les migrations internationales et membre des Organisations de la Diaspora Afghane en Europe (NADOE). "Or, nous voulons que les conditions de vie des Afghans dans leur pays soit une priorité pour la Communauté internationale".

Les talibans ont promis d’œuvrer à la réconciliation en Afghanistan, disent avoir pardonné à leurs adversaires et vouloir protéger les droits des femmes en accord avec la loi islamique. "Les talibans disent avoir changé", ajoute Ahmad Wali Ahmad Yar, "mais nous pensons que la situation ne sera pas différente de ce que les Afghans ont connu dans les années 90. La musique sera interdite, les cafés seront fermés, les opinions contrôlées, les libertés individuelles – en particulier celles des femmes – seront anéanties. Les talibans vous imposent la manière dont vous devez vous habiller, dont vous devez penser… La Communauté internationale ne doit pas accepter cela !".

"Nous ne voulons pas perdre tout ce que nous avons acquis ces vingt dernières années", renchérit un manifestant.

"Ma mère est à Kaboul. Elle vit seule et n’ose pas sortir sans être accompagnée par un homme", explique encore Ahmad Wali Ahmad Yar. "Pour se nourrir, elle a fait des provisions à l’avance".

« Nous ne voulons pas perdre tout ce que nous avons acquis ces vingt dernières années »
« Nous ne voulons pas perdre tout ce que nous avons acquis ces vingt dernières années » © Tous droits réservés

Les Afghans doivent avoir le droit de décider démocratiquement de leur gouvernement

A l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères européens mardi, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne a déclaré que l’Union européenne devait engager un dialogue avec les talibans, puisqu’ils "ont gagné la guerre […] aussi vite que nécessaire pour éviter une catastrophe humanitaire et potentiellement migratoire" en Afghanistan. Il a néanmoins précisé que de telles discussions n’impliquaient pas pour autant une prompte reconnaissance officielle du régime taliban par Bruxelles. Les talibans seront jugés "selon leurs actions", a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas. "Ce qui importe avant tout, c’est que la transition se fasse de façon pacifique", a-t-il martelé.

"La Communauté internationale ne doit pas reconnaitre le régime taliban", clame de son côté Ahmad Wali Ahmad Yar, lors de la manifestation. "Les Afghans doivent avoir le droit de décider démocratiquement de leur gouvernement et continuer à être libres".

"Les talibans réclament la reconnaissance internationale", ajoute-t-il encore. "Or ils n’ont pas de ressources, pas de budget. Ils n’ont pas les moyens de gérer un pays, ni de conduire une politique. Si l’Union européenne décidait d’envoyer une aide, le minimum serait d’imposer des conditions pour préserver la liberté des afghans et le respect de leurs droits et des libertés".

Rassemblement en soutien au peuple Afghan à Bruxelles : « La Communauté internationale ne doit pas reconnaitre le régime des Taliban »
Rassemblement en soutien au peuple Afghan à Bruxelles : « La Communauté internationale ne doit pas reconnaitre le régime des Taliban » © Tous droits réservés

Déclaration de la Communauté internationale

Selon une déclaration commune, l’Union européenne et les Etats-Unis se sont dits mercredi "profondément inquiets" de la situation des femmes en Afghanistan, appelant les talibans à éviter "toute forme de discrimination et d’abus" et à préserver leurs droits. "Nous appelons ceux qui occupent le pouvoir et les autorités à travers l’Afghanistan à garantir leur protection. Les femmes afghanes, comme tous les Afghans, méritent de vivre en sécurité et dans la dignité. Toute forme de discrimination et d’abus doit être évitée", insiste la déclaration co-signée par 18 autres pays dont l’Australie, le Brésil, le Canada, le Sénégal, la Norvège, l’Argentine et la Nouvelle-Zélande.

La communauté internationale "se tient prête à assister (les femmes du pays) avec une aide humanitaire et son soutien, pour s’assurer que leurs voix soient entendues", soulignent les pays signataires. "Nous surveillerons de près la façon dont tout futur gouvernement (à Kaboul) garantira les droits et les libertés qui sont devenues une partie inaliénable de la vie des femmes et filles en Afghanistan ces 20 dernières années", conclut le texte.

Une rencontre virtuelle des dirigeants du G7 est prévue dans les prochains jours.

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