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Rapport du Giec : "Un recueil de la souffrance humaine", selon le secrétaire général de l'ONU

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

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Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé lundi l'"abdication criminelle" des dirigeants mondiaux dans la lutte contre le réchauffement, en réponse à un rapport scientifique décrivant la "souffrance" de l'humanité frappée par les catastrophes climatiques.

Ce rapport des experts climat de l'ONU (Giec) publié lundi "est un recueil de la souffrance humaine et une accusation accablante envers l'échec des dirigeants dans la lutte contre les changements climatiques", a déclaré M. Guterres, pointant du doigt en particulier les grands pays émetteurs.

"Près de la moitié de l'humanité vit dans la zone de danger - aujourd'hui et maintenant. De nombreux écosystèmes ont atteint le point de non-retour - aujourd'hui et maintenant (...) Les faits sont là, indéniables. Cette abdication de leadership est criminelle", a-t-il ajouté dans un message vidéo.

"Les coupables sont les plus grands pollueurs du monde, qui mettent le feu à la seule maison que nous ayons".

"Le rapport d'aujourd'hui met en évidence deux vérités fondamentales. La première est que le charbon et les autres combustibles fossiles étouffent l'humanité", a-t-il insisté.

"La deuxième vérité, un peu plus positive, est que l'investissement dans l'adaptation aux changements climatiques marche. L'adaptation sauve des vies".

Mais les financements, et les engagements pris pour renforcer l'aide aux pays en développement en matière d'adaptation, sont "clairement insuffisants", a-t-il regretté.

"Perdre du temps, c'est périr", a encore souligné le secrétaire général de l'ONU.

"Je sais que partout, les populations sont inquiètes et en colère. Je le suis aussi. Le moment est venu de transformer cette rage en actes."

Van Ypersele : "Il est possible d'agir"

Le nouveau rapport du Giec "montre que les impacts des changements climatiques deviennent de plus en plus visibles et répandus, et qu'ils font de plus en plus de dégâts, tant pour les personnes que pour les écosystèmes ou l'économie", a déclaré de son côté le climatologue Jean-Pascal van Ypersele (UCLouvain), dans une réaction à l'agence Belga.

"Des pays, des régions entières sont menacés, parfois dans leur existence même ; je pense en particulier à l'Afrique et aux petites îles. D'une manière générale, les pauvres sont les plus vulnérables, mais les plus riches ne sont pas à l'abri, même en Europe", ajoute l'ancien vice-président du Giec, qui était membre de la délégation belge à la plénière qui a adopté ce deuxième rapport du sixième cycle d'évaluation du Giec.

La gravité des conséquences du dérèglement climatique augmente plus vite encore que le réchauffement.

"La gravité des conséquences du dérèglement climatique augmente plus vite encore que le réchauffement", s'inquiète encore M. van Ypersele, pour qui "il est donc plus important que jamais de tout faire pour que le réchauffement global soit limité à l'objectif le plus ambitieux de l'Accord de Paris", à savoir une limitation du réchauffement mondial à maximum 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle. D'après les experts climat de l'Onu, la hausse du mercure atteint déjà près d'1,1°C.

Pour le scientifique belge, "il est possible d'agir" mais pour cela, "il faut accélérer la prise de mesures d'adaptation à la partie inévitable des changements climatiques, et il faut le faire en intégrant le plus possible ces mesures dans un cadre plus large, où l'on considère aussi les objectifs de développement durable, comme la protection de la nature et la réduction des inégalités et des injustices."

"Nous avons les cartes en main pour agir. Faisons le nécessaire pour préserver l'habitabilité de la seule planète habitable du système solaire. Nous devons le faire pour les humains, mais aussi pour toutes les formes de vie, car notre bien-être dépend de leur bon état", conclut le climatologue.

WWF : "l'avertissement le plus sévère jamais lancé"

Le WWF a également réagi. Selon l'ONG environnementale, le dernier rapport du Giec représente "l'avertissement le plus sévère jamais lancé sur les effets catastrophiques du changement climatique sur l'humain et la nature".

Le "résumé pour les décideurs", adopté dimanche après plusieurs jours de discussions, "met en évidence les limites de l'adaptation et les conséquences qu'aurait une augmentation des pertes et préjudices sur les moyens de subsistance, l'alimentation, les infrastructures et la nature", selon le WWF. "De nombreuses limites d'ajustement sont déjà dépassées, menaçant la survie des communautés et des écosystèmes les plus vulnérables. C'est la première fois que le concept de 'pertes et préjudices', qui désigne les dommages causés par le changement climatique, est inclus dans un rapport du Giec", poursuit le WWF.

En Belgique, qui n'est pas épargnée par les effets des changements climatiques, comme l'ont tragiquement démontré les inondations de juillet 2021, les gouvernements "doivent commencer à utiliser des solutions fondées sur la nature à grande échelle par le biais d'une stratégie globale, et les intégrer également dans d'autres domaines politiques, comme les finances et les travaux publics", estime encore le WWF.

Un Green New Deal belge

"L'inaction n'est plus une option", a pour sa part déclaré lundi le président de la Coalition Climat, Nicolas Van Nuffel. "Non seulement elle tue mais elle coûtera des milliards à l'économie belge et aura de lourdes conséquences pour les générations futures." L'association belge appelle l'État à "prendre ses responsabilités" en mettant en place une politique ambitieuse en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Rappelant les accords de Paris, signés lors de la Cop 21 et destinés à limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C, la Coalition Climat plaide pour un "Green New Deal belge". Dans un memorandum, l'ASBL, qui réunit plus de 80 organisations de la société civile belge, propose 100 solutions pour lutter contre la crise climatique tout en garantissant une "transition juste" d'un point de vue social.

"Nous plaidons pour que la Belgique s'engage à réduire de 65% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030", a déclaré pour sa part la porte-parole de Greenpeace Belgique. "Éviter une hausse des températures de plus de 1,5°C doit devenir notre priorité absolue." L'ONG exhorte également à la protection d'au moins 30% des terres et des océans d'ici 2030 et appelle à "fonder l'action climatique sur la justice et la solidarité".

"Pour une grande partie du globe, la crise climatique est déjà une question de vie ou de mort", alerte la porte-parole de Greenpeace Belgique, Carine Thibaut. "Les dérèglements climatiques apparaissent plus vite que prévu, ils sont plus importants et plus sévères que ce que nous imaginions."

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