Environnement

Rapport du GIEC sur le climat : "Les demi-mesures ne sont plus une option"

Un jeune Yéménite remplit des récipients d’eau à un robinet public à Sanaa, le 15 janvier 2012, alors que le pays est confronté à une pénurie d’eau et de carburant dans un contexte de violences et de manifestations contre le régime.

© Belga

Par Estelle De Houck et David Manfredini

Le second volet du sixième rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) vient d’être publié ce lundi. Après un premier rapport sur les bases physiques du climat, celui-ci s’intéresse aux impacts du dérèglement climatique ainsi qu’aux adaptations. Et plus que jamais, les nouvelles ne sont pas bonnes. Il s'agit même de l'avertissement le plus sévère jamais lancé sur les effets du changement climatique sur l'humain et la nature. 

En août dernier, le GIEC lançait un signal d’avertissement sur la progression du réchauffement climatique : le seuil de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle pourrait être atteint autour de 2030, soit dix ans plus tôt que la dernière estimation datant de 2018.

Cette fois, le rapport dénonce la menace que représente le dérèglement climatique ainsi que le manque de réponses qui y sont apportées. "Ce rapport est un avertissement terrible sur les conséquences de l’inaction", résume Hoesung Lee, président du GIEC.

Conséquences en Europe

Santé, production agricole, maladies infectieuses, santé mentale, infrastructures… Les conséquences du dérèglement climatique pointées par le GIEC sont multiples et divergent en fonction des régions du monde.

Impacts observés du changement climatique sur les écosystèmes.
Impacts observés du changement climatique sur les écosystèmes. © Giec

Dans le cas de l’Europe, les conséquences du changement climatique pour l’homme et les écosystèmes sont déjà perceptibles. Mais cela pourrait bien s’aggraver. Le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat identifie quatre risques clés :

  1. La mortalité et morbidité des personnes et changements dans les écosystèmes à cause de la chaleur ;

  2. La perte de rendement agricole à cause de la chaleur et de la sécheresse ;

  3. Des pénuries d’eau et leurs conséquences pour différents secteurs économiques ;

  4. Des inondations ainsi que l’élévation du niveau de la mer.

Adaptations insuffisantes mais indispensables

Pour le GIEC, si les actions mises en place actuellement en Europe progressent effectivement, elles restent insuffisantes face à la rapidité des changements. Ce constat vaut pour toutes les régions du globe, même si les écarts entre les mesures prises et les besoins se creusent au sein des populations à faible revenu.

Le sentiment d’urgence faiblement ressenti, le faible engagement des citoyens et du secteur privé, le manque de volonté politique et les ressources financières et humaines limitées expliquent en partie ce manque d’adaptation.

Diagrammes exposants les principaux risques pour l’Europe avec une adaptation faible à moyenne.
Diagrammes exposants les principaux risques pour l’Europe avec une adaptation faible à moyenne. © Giec

Le GIEC souligne toutefois qu’une adaptation reste possible, à condition que le dérèglement climatique soit limité à 1,5 ou 2°C. Tout délai supplémentaire ne fera que compromettre l’avenir.

À noter que ces adaptations demeurent indispensables. "Pour éviter des pertes de vies humaines, de biodiversité et d’infrastructures de plus en plus importantes, il faut prendre des mesures ambitieuses et accélérées pour s’adapter au changement climatique, au plus vite", insiste le GIEC. "Les demi-mesures ne sont plus une option", dénonce Hoesung Lee.

Changements dans les risques climatiques pour des niveaux de réchauffement global de 1,5°C et de 3°C.
Changements dans les risques climatiques pour des niveaux de réchauffement global de 1,5°C et de 3°C. © Giec

Des problèmes… Et les solutions ?

Dans ce second rapport, le GIEC parle également de solutions. Reprenons le cas de l’Europe et ses risques clés :

  1. Pour la mortalité et la morbidité à cause de la chaleur, le GIEC propose "des changements de comportement, combinés à des interventions sur les bâtiments, du rafraîchissement des espaces et de l’urbanisme pour gérer les risques de chaleur, la restauration, l’expansion et la connexion des zones protégées pour les écosystèmes";
  2. À la perte de rendement agricole à cause de la chaleur et de la sécheresse, le rapport pointe des améliorations dans les domaines de "l’irrigation, de la couverture végétale, des pratiques agricoles, des espèces végétales et animales, et des plantations itinérantes" ;

  3. Pour les pénuries d’eau et leurs conséquences pour différents secteurs économiques, le GIEC suggère d’améliorer les systèmes d’alerte précoce, l’efficacité et le stockage de l’eau, ainsi que sa réutilisation ;

  4. Concernant les inondations ainsi que l’élévation du niveau de la mer, le GIEC suggère d’améliorer les systèmes d’alerte précoce, la réservation d’espace pour l’adaptation basée sur l’eau et l’écosystème, les sédiments ou l’ingénierie, le changement d’utilisation des terres et la retraite gérée ;

Projection du nombre de personnes exposées à une inondation côtière sur une échéance de 100 ans.
Projection du nombre de personnes exposées à une inondation côtière sur une échéance de 100 ans. © Giec

Dans ce rapport, le GIEC souligne notamment l’importance de la nature, non seulement pour réduire les risques climatiques mais aussi pour améliorer la vie des gens. "Des écosystèmes sains sont plus résistants au changement climatique et fournissent des services essentiels à la vie tels que la nourriture et l’eau potable", indique Hans-Otto Pörtner, coprésident du groupe de travail II du GIEC. 

"En restaurant les écosystèmes dégradés et en conservant de manière efficace et équitable 30 à 50% des habitats terrestres, océaniques et d’eau douce de la planète, la société peut bénéficier de la capacité de la nature à absorber et à stocker le carbone. Nous pouvons accélérer les progrès vers le développement durable, mais un financement et un soutien politique adéquats sont essentiels."

A contrario, les scientifiques soulignent que le changement climatique est accentué par l’utilisation non durable des ressources naturelles, l’urbanisation croissante, les inégalités sociales, ainsi que par les pertes et les dommages causés par les phénomènes extrêmes.

Une courte fenêtre d’action

"Notre évaluation montre clairement que pour relever ces différents défis, tout le monde – gouvernements, secteur privé, société civile – doit travailler ensemble pour donner la priorité à la réduction des risques, ainsi qu’à l’équité et à la justice, dans la prise de décision et dans les investissements", déclare Debra Roberts, coprésidente du groupe de travail II du GIEC.

"De cette manière, il est possible de concilier différents intérêts, valeurs et visions du monde. En réunissant le savoir-faire scientifique et technologique ainsi que les connaissances autochtones et locales, les solutions seront plus efficaces", continue Debra Roberts. "Si l’on ne parvient pas à mettre en place un développement durable et résilient au changement climatique, l’avenir sera sous-optimal pour les populations et la nature."

"Les preuves scientifiques sont sans équivoque", conclut Hans-Otto Pörtner. "Le changement climatique menace le bien-être humain et la santé de la planète. Tout nouveau retard dans l’action mondiale commune nous fera passer à côté d’une brève fenêtre d’action, qui se referme rapidement, pour garantir un avenir vivable."

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