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Raphaël Glucksmann, député européen : "Dans les ruines de Marioupol, c’est l’avenir de l’Europe qui se joue"

Par Daphné Van Ossel

"Dans les ruines de Marioupol ou dans les rues de Kiev, ce n’est pas seulement l’avenir de l’Ukraine qui se joue mais c’est l’avenir de l’ensemble de l’Europe."

Alors que trois sommets internationaux (Otan, G7 et Union européenne) s’ouvrent ce jeudi à Bruxelles, l’eurodéputé français Raphaël Glucksmann, qui était conseiller du président géorgien Saakachvili pendant l’invasion russe de 2008, plaide, au micro de La Première, pour que l’Union européenne prenne enfin des mesures fortes.

Mettre fin aux importations de gaz et de pétrole

"Jusqu’ici on a pris des sanctions qui nous coûtent peu. Désormais, les gestes qui sont attendus des dirigeants européens, ce sont des gestes plus difficiles qui vont avoir un impact sur nos économies."

Chaque jour, les pays européens envoient 800 millions d’euros au régime de Poutine

Pour l’eurodéputé, il faut mettre fin aux importations de gaz et de pétrole russe : "Chaque jour, [via ces importations], les pays européens envoient 800 millions d’euros au régime de Poutine. Donc, nous finançons, malgré nos sanctions, malgré nos condamnations, la guerre de Poutine."

Sanctions inopérantes jusqu’ici

"Jusqu’ici, dénonce-t-il, toutes nos sanctions ont été rendues inopérantes par notre dépendance énergétique parce que, par exemple, quand on exclut les banques russes du système Swift, on prend soin de ne pas exclure les banques qui permettent les importations de gaz et de pétrole."

Mais l’Allemagne est réticente. Ce n’est pourtant pas le pays le plus dépendant du gaz et du pétrole russes. “Ce n’est pas simplement un niveau de dépendance qui explique qu’on bloque la fin des importations. C’est aussi un manque de conscience de ce qui se joue en ce moment en Ukraine, et pas simplement pour les Ukrainiens”, conclut Raphaël Glucksmann.

Selon lui, les opinions publiques européennes sont prêtes : 55% des Allemands, par exemple, soutiennent un embargo immédiat sur le gaz et le pétrole. "Le problème n’est pas chez les peuples mais chez les dirigeants."

Un grand plan de solidarité

"Nous avons des réserves pour 6 mois, donc il y aura une pénurie immédiate de gaz.” Par contre, il faudrait mettre en place “un grand plan de solidarité en Europe" pour aider les ménages modestes face à la hausse des prix. "Comme on l’a fait contre la pandémie."

Pour Raphaël Glucksmann, l’Europe a les moyens de le mettre en place, c’est la volonté politique qui fait défaut. "Et les géants de l’énergie qui font des bénéfices records comme Total aujourd’hui, doivent être mis à contribution."

L’enjeu principal de ces jours-ci, c’est le Conseil européen, pense le député. Après l’échec du sommet de Versailles, "une autocélébration du réveil européen et finalement 0 décision", il doit déboucher sur de véritables décisions.

L’Europe est visée en tant qu’Europe et que donc l’Europe doit être capable d’assumer sa propre sécurité.

Le rapprochement avec l’OTAN, "c’est très bien", mais "ce qui est fondamental à comprendre aujourd’hui, c’est que l’Europe est visée en tant qu’Europe et que donc l’Europe doit être capable d’assumer sa propre sécurité."

Une Europe naïve et corrompue

Jusqu’ici l’Europe a été naïve par rapport à la Russie : "Notre aveuglement sur des questions extérieures s’est doublé d’un aveuglement sur des questions intérieures. Vladimir Poutine a lancé une guerre hybride contre nos institutions européennes, contre nos institutions nationales. Depuis des cyberattaques jusqu’à la corruption en passant par les campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, on a une véritable offensive qui nous touche de l’intérieur. Nos démocraties sont ébranlées de l’Intérieur."

Raphaël Glucksmann est justement président de la commission spéciale du Parlement européen sur les ingérences dans les processus démocratiques, qui vient de sortir un rapport sur la question. Il dénonce : "Vous vous rendez compte que les dirigeants allemands qui ont façonné les politiques énergétiques allemandes qui ont conduit l’UE à la vassalisation et à la dépendance vis-à-vis du gaz de Poutine, comme Gerhard Schröder (ancien chancelier allemand), ou Marion Scheller, ancienne responsable de la politique énergétique du ministère de l’Économie allemand, travaillent aujourd’hui pour Gazprom ? "

"On a laissé nos cités se corrompre, nos démocraties s’affaiblir", conclut-il, en évoquant aussi un certain président français (Nicolas Sarkozy), payé 300.000 euros pour un discours lors d’une fête d’oligarques russes.

Retrouvez toutes les informations sur la guerre en Ukraine ici.

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