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Rap et marques : une relation mouvementée

© Getty images

Par Hannah Sibomana via

Les collab' avec les artistes hip-hop sont devenues un réel outil marketing dans tous les secteurs : voitures, alimentation, beauté, mode… Rien qu’en 2021, on a vu des associations entre Travis Scott et Dior, Megan Thee Stallion et Revlon, Lous and the Yakuza et Louis Vuitton… Ça n’étonne donc plus personne quand une marque comme Mercedes-Benz travaille avec un artiste comme A$AP Rocky.

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A$AP Rocky et Mercedes-Benz ont annoncé leur collaboration ce 17 mars. Le rappeur et son agence AGWE lance une collection capsule de streetwear et de pièces lifestyle, toutes portant le logo ou les inscriptions de Mercedes. La collection s’inspire du style hip-hop new-yorkais des 1990’s. Ce qui colle parfaitement avec A$AP, ayant grandi à Harlem dans ces années-là.

Ça a toujours été le cas ?

Même si le hip-hop prend beaucoup de place dans le monde marketing d’aujourd’hui, les marques n’ont pas toujours été aussi optimistes à l’idée de collaborer avec des rappeurs.

La première marque à avoir tenté le coup c’est Adidas. Dans les années 1980, la marque de sportswear devient le sponsor de Run DMC et ramène plus d’un million de dollars au groupe de rappeurs. Quelques autres enseignes ont suivi, comme la marque Sprite, une brand du géant Coca-Cola et un autre précurseur de l’association marketing rap.

© D.R.

S’imposer dans le luxe

Le secteur qui prend le plus de temps à inclure le monde urbain, c’est le luxe. Il faudra attendre les années 2010 pour voir des Kanye West, Nicki Minaj et S.Pri Noir comme égéries de grandes maisons françaises et italiennes. Mais malgré ses réticences, le monde du luxe se retrouve représenté dans le rap dès le début de l’ère hip hop. Les artistes ont toujours associé streetwear et luxe pour former leur style et leur image. C’est comme ça que des marques comme Louis Vuitton, Gucci et Lacoste se sont retrouvées, contre leur gré, sur les pochettes d’albums, dans les concerts et dans les morceaux des rappeurs.

La plupart des entreprises de luxe rejettent cette forme de publicité gratuite, pensant que les rappeurs ne correspondent pas à leurs valeurs et à leur public cible. Comme l’explique le média Booska-P, ces artistes étaient vus comme des “racailles bling bling et excentriques”. Ce qui ne matcherait pas avec l’image élitiste et d’élégance souhaitée par le luxe, comme le souligne de son côté VentesRap.


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Un exemple bien connu c’est Lacoste. La marque française a rejeté l’amour que lui donnait le rap pendant des décennies. Casquette et survêt' Lacoste, c’était devenu l’uniforme du rap français, et le pire cauchemar de Lacoste.

La marque au crocodile voulait absolument garder l’image de tennismen de haute classe, élégants et français, comme le soulève VentesRap. Pourtant, en 2018, Lacoste se lance et collabore avec Moha la Squale ou encore avec notre Roméo Elvis national, même si les contrats ont été rompus en raison des accusations d’agressions sexuelles contre ces deux artistes. Il y a donc un décalage de plus de 30 ans entre la première initiative d’Adidas et celle de Lacoste.

Un changement de stratégie ?

Au fil du temps, les clichés se sont déconstruits. Les rappeurs ont commencé à acquérir une réelle reconnaissance musicale, créative et stylistique.

Il y a quelques années, vous vous moquiez de nous, vous nous preniez pour des clowns et maintenant tout le monde s’habille comme nous

Alonzo

Cette ouverture est notamment liée à la popularisation du rap : le public de la musique urbaine s’est élargi à d’autres classes sociales et origines ethniques. Comme le montre les Echos, le rap est devenu le genre musical le plus écouté sur l’ensemble des plateformes de streaming. Les rappeurs touchent donc tout type de public, y compris les consommateurs cibles du monde du luxe. Les rappeurs et leurs fans représentent un marché de plus en plus lucratif pour bon nombre de secteurs : ils sont des milliers, voire des millions, de clients potentiels. D’autant plus que cette cible est particulièrement active sur les réseaux sociaux, le nouveau vecteur favori des spécialistes du marketing.

Les chiffres ne mentent pas

La collaboration entre Kanye West et Gap illustre bien ces gains potentiels. La collection Yeezy x Gap, sortie en 2021, a battu le record des ventes de l’histoire de Gap.com dans les premières 24H de la mise en vente. Cet exemple montre également l’évolution de l’implication des artistes dans ces collaborations. Ils acquièrent un rôle créatif, éditorial et actif. Un autre exemple est la collaboration de Rihanna et du groupe LVMH. En 2015, Rihanna était “simplement” devenue l’égérie de Dior. Elle était d’ailleurs la première égérie noire de la marque. Mais en 2017, Rihanna va un pas plus loin en lançant sa marque de maquillage, Fenty Beauty, sous l’entreprise LVMH. Marque qui, après 1 mois de mise en vente, vaut 72 millions de dollars.

Stratégie gagnante de la diversité

Un autre facteur est la demande grandissante de diversité au sein des entreprises. Les artistes urbains, généralement issus de classes sociales et de groupes ethniques considérés comme “diversifiés”, sont un moyen, plus que rentable, de répondre à cette demande. Ils semblent automatiquement apporter un côté inclusif aux marques avant considérées comme inaccessibles.

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