Le Ninja est revenu l’été dernier en Belgique… où il n’avait jamais joué en tant que pro. Grande gueule attachante et plus gros salaire de Pro-League, il évoque Clarence Seedorf, les play-offs, l’affaire Marc Overmars, le bling-bling, Vincent Kompany, les discothèques et Francesco Totti. Mais aussi Paul Gheysens, les journalistes, Pierre Dwomoh, le foot moche, l’Union St-Gilloise, le regard des autres et Karim Benzema. Sans oublier bien sûr… Roberto Martinez. Radja Nainggolan (Antwerp) passe " Sur Le Gril ".

Bob sur la tête (!), short long de basketteur, épaules voûtées et dégaine cool à l’aise façon jambes arquées, il se présente sous le soleil éclatant d’un Bosuil en perpétuelle rénovation. Un club habitué aux ravalements de façade et qui, pompé par l’ambition de son Président milliardaire, dispute déjà ses 4e Play-Offs depuis son retour au sein de l’élite.

Je suis content d’être de retour dans ma belle ville d’Anvers " commence Radja Nainggolan, qui a fêté ses 34 ans l’avant-veille. " J’adore cette ville, il y a tout ici… mais c’est la première fois que j’y vis comme adulte. Je suis parti d’ici quand j’avais 16 ans : j’ai passé 17 années en Italie et je suis revenu ici pour voir mes enfants chaque jour. Avant, je ne les voyais que durant les vacances… L’argent, je m’en fous, j’en ai déjà gagné assez (sic) : si j’avais voulu gagner plus, j’aurais signé en Turquie, et pas ici… "

Radja Nainggolan sous le maillot de l'Antwerp face à OHL
Radja Nainggolan sous le maillot de l'Antwerp face à OHL © BELGA

" Je tente des trucs que les autres ne voient pas… "

Sauf que le Président de l’Antwerp Paul Gheysens a dû, dit-on, sortir un chèque de 4 millions d’euros, en salaire annuel, pour rapatrier le Ninja. Ce qui en ferait le joueur le mieux payé de Pro-League.

J’ai 34 ans mais je me sens jeune dans la tête et dans les jambes. Je n’avais jamais joué comme pro en Belgique et je découvre un championnat intense, avec de belles individualités… mais où la tactique est moins poussée qu’en Italie. En Série A, on bossait fort la tactique et chaque joueur savait exactement son rôle. Ici, je vois ou je tente parfois des trucs que les autres ne voient pas ou ne comprennent pas… (sic) Mais ce n’est pas grave : je suis ici pour apporter mon expérience aux jeunes, c’est le rôle des anciens dans toutes les équipes qui veulent progresser vers le top. Je transmets ce qu’on m’a moi-même transmis quand j’étais jeune. Cette saison, on m’a fait jouer en 6, en 8 et en 10 : j’avoue qu’à mon âge, je préfère jouer en 10, j’arrive souvent dans le rectangle… et je dois moins courir ! (sourire) Mais ce qui compte pour moi, c’est d’être sur le terrain et de peser sur le jeu. Et contrairement à ce que certains pourraient croire, je n’ai pas choisi la facilité : toute ma carrière, j’ai été habitué à jouer avec des joueurs de très, très haut niveau. Donc c’est plus difficile pour moi aujourd’hui car je dois m’adapter à des joueurs plus modestes. Ce n’est pas un manque de respect, c’est juste la réalité... "

Radja Nainggolan, une forte personnalité
Radja Nainggolan, une forte personnalité © BELGA

" Qui sera champion ? L’Union est déjà championne ! "

Avant d’accueillir Anderlecht dimanche dans ce qui préfigure le duel pour la 3e place sur le podium, l’Antwerp a grapillé un point en deux matches. Face à l’Union St-Gilloise.

Qui sera champion ? Pour moi, l’Union est déjà championne ! (sic) Les Bruxellois ont dominé toute la phase classique : ils méritent le titre car un titre se décerne sur un championnat régulier. Qui gagne, gagne ! (sic) Je n’aime pas du tout ce système de play-offs, ça n’existe nulle part ailleurs au monde : c’est comme si on vous faisait jouer une finale, vous la gagnez… puis on vous la fait rejouer ! Vous imaginez ça à la Coupe du Monde ? Vous gagnez la finale… puis on recommence ! (sic) L’Union est une vraie équipe : ce ne sont pas les individus qui font la différence, mais le collectif ! C’est un groupe magnifique (sic), où chacun se bat pour son voisin. Après, ils ont bien sûr d’excellents attaquants, qui exploitent très bien leur football de contre-attaque. Mais c’est d’abord une troupe de 20 hommes (sic), et c’est toute la différence. On dit toujours que le foot actuel est bling-bling : moi aussi, comme tout le monde, j’aime les belles voitures et les beaux vêtements…mais tout cela ne définit pas l’homme ! "

Radja Nainggolan face à Bruges et Dennis Odoi
Radja Nainggolan face à Bruges et Dennis Odoi © BELGA

" Overmars ? Je démarre toujours de zéro avec les gens que je rencontre "

Qualifié pour les Champions Play-Offs dès la 32e journée de phase classique, l’Antwerp a souvent suscité la polémique : par son jeu basé sur la puissance… et par le dossier du nouveau DT Marc Overmars, accusé de conduites harcelantes à l’égard de femmes du club lors de sa période à Ajax.

On critique notre jeu ? Je m’en fous ! Gand jouait peut-être le meilleur football… mais ils sont en Play-Offs 2. Alors, qui a raison ? Ce qui compte dans le foot actuel, c’est le rendement. Avec un peu de réussite aussi, on avait 6 points sur 6 : contre Bruges et l’Union, on aurait pu marquer les premiers… L’Antwerp est ambitieux, mais c’est un long processus. Ca fait 20 ans que Bruges et Anderlecht commandent le football belge ! Cette saison, on a acquis 15 nouveaux joueurs et un nouveau staff : les résultats sont excellents vu tous ces changements. Si on conserve ce groupe avec de la stabilité, on va progresser. Sur le sujet Overmars, je n’ai pas grand-chose à dire : moi, je respecte toutes les personnes qui me respectent… et c’est son cas actuellement. Tout ce qui est écrit dans les journaux, vrai ou pas, je m'en fous... C'est comme quand vous avez une nouvelle copine : ses anciens mecs vont toujours la critiquer. (sic) Moi, je ne regarde que le présent : je démarre toujours de zéro avec les personnes que je rencontre. Tout le monde a le droit de critiquer Overmars, mais moi je ne le fais pas. Il a reconnu des erreurs et il ouvre un nouveau chapitre. "

Marc Overmars lors de sa présentation à l'Antwerp
Marc Overmars lors de sa présentation à l'Antwerp © BELGA

" Personne ne se souviendra du joueur Nainggolan… "

Personnalité cash sur le terrain comme en dehors, Radja Nainggolan n’a jamais gardé sa langue en poche. Ce qui en fait une personnalité hors du commun.

On ne m’a rien donné (sic) : je n’étais pas le plus grand talent et si j’ai réussi, c’est parce que j’avais ce caractère et cette force de travail. Je suis parti de chez moi à 16 ans parce que je devais aider ma mère, qui était seule pour nous élever. Mon premier contrat pesait 2.000 euros… et je n’aurais jamais imaginé faire une carrière comme celle que j’ai faite ensuite. Mais tout ce que j’ai eu, je l’ai voulu en bossant. C’est ce que je dis à un jeune comme Pierre Dwomoh ici à l’Antwerp : il a un énorme talent et dans 3 ans, il peut se retrouver au Real Madrid… mais aussi avoir arrêté le foot. En Belgique, on vous porte au pinacle dès que vous faites deux matches corrects… mais en Italie, on vous dit : ‘bats-toi si tu veux continuer à jouer’. On m’a critiqué sur mon mode de vie, mais je vis comme une personne normale : à 18 ans, on sort en boîte… et je suis sorti en boîte. Et alors ? A la fin de ma carrière, personne ne va se rappeler du joueur Nainggolan, mais j’espère qu’on se souviendra de l’homme Nainggolan : un gars qui est toujours resté lui-même et qui peut se regarder en face. Même si ça ne plaît pas. "

Radja Nainggolan, deux fois buteur cette saison
Radja Nainggolan, deux fois buteur cette saison © BELGA

LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PREMIER PAPIER : JOURNALISTES. (Il pousse un profond soupir en haussant les sourcils) " Ca, c’est le travail de personnes qui ne comprennent rien au foot… (sic) Quand tu entends certains commentaires de match, ce sont vraiment des trucs qui n’ont rien à voir avec le foot. Les journalistes analysent mais ils ne savent pas ce qu’il y a dans la tête des joueurs : ils parlent de mauvaise passe ou de perte de balle stupide… mais parfois tu perds la balle car tu tentais d’initier quelque chose d’important. Et ça, les journalistes ne pigent pas… Mais chacun peut dire ce qu’il veut, moi je m’en fiche : je ne lis pas les journaux et j’accepte la critique. Mais apparemment, il faut remplir les colonnes chaque jour… "

DEUXIEME PAPIER : PAUL GHEYSENS. " Le Président est chaud ? Moi, je le trouve tranquille au contraire… C’est un vrai homme (sic) qui dit ce qu’il a à dire. C’est le boss, le Capo (sic), donc il a le droit de dire ce qu’il veut. Après, il doit sans doute mieux choisir ses moments : quand il entre au vestiaire et se fâche à la mi-temps du match contre le Beerschot, moi ça ne m’impressionne pas… mais ça peut faire paniquer certains jeunes qui ne sont pas habitués. Je le lui ai dit… et il s’est d’ailleurs aussi fâché sur moi car j’avais posté sur les réseaux une vidéo du stade qui avait perdu une partie de toiture. C’était juste pour rigoler, mais lui n’a pas ri ! " (clin d’œil)

Radja Nainggolan avec Francesco Totti sous les couleurs de la Roma
Radja Nainggolan avec Francesco Totti sous les couleurs de la Roma © BELGA

TROISIEME PAPIER : FRANCESCO TOTTI (son ancien équipier à l’AS Roma). " Aaah Francesco, c’est mon ami : on s’appelle encore souvent. C’est juste dommage qu’il était déjà un peu vieux quand je suis arrivé... Mais même vieux, je n’ai jamais vu des pieds pareils ! (sic) Il est resté fidèle toute sa vie à son club, et moi aussi je donne tout pour le club où je signe. J’ai débuté au Beerschot, car il n’y avait que deux grands clubs à Anvers… et le Beerschot jouait plus haut que l’Antwerp à cette époque. Puis à 16 ans, le Beerschot ne m’a rien proposé et j’ai rejoint l’Italie. Aujourd’hui, personne du Beerschot ne peut me reprocher d’avoir signé à l’Antwerp : je suis un vrai Anversois et je suis revenu pour être près de mes enfants. Car qui sait ? Peut-être que je vais encore jouer quatre ans… mais peut-être aussi que ma carrière s’arrête demain ! "

QUATRIEME PAPIER : KARIM BENZEMA. " Lui, c’est le meilleur attaquant du monde actuel… et à bientôt 35 ans ! Il est vraiment sorti de l’ombre de Ronaldo quand celui-ci est parti : si le Real Madrid gagne la Ligue des Champions, ce sera grâce à lui… et lui gagnera le Ballon d’Or ! J’ai joué deux fois contre Benzema avec la Roma : c’était la grande équipe du Real, ce sont des matches qui te restent en tête toute la vie ! (sic) Et ce que le Real a fait cette semaine contre City, c’est tout… sauf un miracle : ils ont l’expérience, le talent, l’audace et le mental, avec des joueurs comme Modric, Casemiro, Carvajal, Benzema et bien sûr Courtois. Si tu passes comme ça, c’est que tu le mérites… Mais le meilleur joueur contre qui j’ai joué, c’est Clarence Seedorf : il était à l’AC Milan, il avait déjà 33 ans… mais quelle intelligence et quelle présence! Je n’ai pas touché un seul cuir ce jour-là ! "

Radja Nainggola en Diable Rouge : une image du passé
Radja Nainggola en Diable Rouge : une image du passé © BELGA

CINQUIEME PAPIER : VINCENT KOMPANY. " Lui, chez les Diables, il était le patron. Dès son plus jeune âge, les médias l’ont monté très haut, comme le nouveau phénomène… mais Vince n’a jamais arrêté de bosser dur. Combien de jeunes en Belgique font ça ? Tu peux être le roi en Belgique, mais ça ne te donne aucune garantie de réussir à l’étranger : regardez les Maxime Lestienne et Mehdi Carcela… Depuis, Kompany est devenu coach et je trouve qu’Anderlecht fait une bonne saison : à l’époque comme joueur, il conseillait et dirigeait déjà tout le monde sur le terrain. Moi, coach un jour ? Pourquoi pas ? Je pense qu’avec toute la tactique que j’ai apprise en Italie, ça devrait aller. Et si j’ai deux ou trois Nainggolan dans mon groupe ? (Il sourit) Pas de problème ! Vous savez, je n’ai jamais créé de problème dans aucun vestiaire que j’ai fréquenté. J’ai ma personnalité et si je fréquente d’autres fortes personnalités, on ne sera pas forcément toujours d’accord… mais ce n’est pas grave tant qu’il y a du respect. "

" Roberto Martinez m’a sorti des excuses de niveau zéro "

Impossible de se quitter sans aborder le chapitre aigre-doux des Diables Rouges. Un chapitre que Nainggolan a refermé en 2018, après un entretien avec Roberto Martinez.

Roberto Martinez avec Marouane Fellaini et Radja Nainggolan
Roberto Martinez avec Marouane Fellaini et Radja Nainggolan © BELGA

" Vous savez, j’étais déjà là en 2009 à la Kyrin Cup au Japon En près de 10 ans, j’ai eu 30 caps chez les Diables… mais près de 100 sélections (NDLA : en fait, il en affiche 39… mais il compte le nombre de sélections potentielles sur base des rencontres des Diables sur la période 2009-2018). Au début, Marc Wilmots non plus ne me voulait pas. Puis il m’a pris comme j’étais…et j’ai tout joué. Roberto Martinez ne m’a jamais donné la possibilité de jouer un rôle important : il est venu me voir à Rome pour me dire que dans ces conditions, il préférait ne pas me prendre du tout… alors que j’étais titulaire dans une équipe demi-finaliste de Ligue des Champions. C’était un faux prétexte : c’est ma personnalité hors-foot qui ne lui convenait pas. Il fait partie de ces entraîneurs qui veulent avoir des joueurs biens alignés, il ne veut que des petits anges… (Il mime l’auréole au-dessus de sa tête) Les arguments de Martinez, c’était des excuses de niveau ‘zéro-zéro’ ! (sic) Moi, je n'ai jamais créé de problèmes avec personne : la meilleure preuve, c’est que je reste en contact avec la plupart de mes ex-équipiers. Mais bon, quand on a plein de tatouages et qu’on va en discothèque, on crée peut-être des perceptions. Pour moi, ce qui compte, ce sont les prestations sur le terrain… "

En novembre-décembre prochain, le Ninja verra donc depuis son canapé le Mondial au Qatar.

Le Ninja version tatoos
Le Ninja version tatoos © BELGA

" Les Diables ont encore le potentiel pour le gagner… mais c’est leur toute dernière chance. Si tout se met bien, avec un Eden Hazard revenu au sommet, ils peuvent aller loin… mais vous savez comment ça va avec les formules à élimination directe. Après, il faudra aussi de la mentalité… car des joueurs comme Marouane Fellaini ou comme moi, je n’en vois plus trop dans le noyau actuel. Si on me rappelle ? Mais non ! Ca fait quatre ans que le chapitre est clos pour moi. Maintenant, pendant les tournois, je vais en vacances ! "

Radja Nainggolan en mode selfie... et bob
Radja Nainggolan en mode selfie... et bob © Tous droits réservés

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