Une opération au cœur pour une artère bouchée reportée pour la deuxième fois, c’est le témoignage de Jean-Marie diffusé il y a quelques jours sur nos antennes. "Je n’ai aucune date, aucune perspective. Je ne sais pas quand on va pouvoir m’opérer. Je ne sais rien. On essaye de ne pas y penser mais en réalité, on y pense tout le temps", explique-t-il.
Il a en effet été décidé que les hôpitaux du pays devaient reporter de deux semaines tous les soins non urgents. Une décision qui a fait réagir une partie du corps médical dans les hôpitaux dont Manfredi Ventura, directeur médical du Grand hôpital de Charleroi et président de l’AFMC, l’Association francophone des médecins chefs.
"Mardi, on avait reçu comme injonction de devoir reporter quasiment toute activité élective, donc programmée, pour des patients non urgents et même semi-urgents", explique le médecin sur la Première ce matin. "Ça nous a semblé difficile, puisque notre rôle est de soigner non seulement les patients Covid, mais également les patients qui ne sont pas atteints par cette infection, dans la mesure du possible et en déployant tous les moyens dont nous disposons."
Laisser une marge de manœuvre aux hôpitaux en fonction de leur situation
Car si la 4e vague avance inexorablement et que la situation n’est pas favorable, elle n’a pas encore submergé tous les hôpitaux du pays. C’est une question de jours. "Pour l’instant, on pouvait, ne fût-ce que pour quelques jours encore, continuer à travailler davantage avec des patients qui n’avaient pas le Covid. C’est pour cette raison qu’on a réagi", explique le président de l’AFMC, l’Association francophone des médecins chefs.
Chaque jour gagné est un jour important
"Chaque jour gagné est un jour important pour les patients que nous devons prendre en charge. Parce qu’il y a des gens qui attendent et, comme on l’a entendu dans ce témoignage, qui ont déjà été reportés plusieurs fois. On essaye de soigner le maximum de personnes avec les moyens dont nous disposons."
La réalité est différente d’un hôpital à l’autre
Le médecin reproche au politique d’avoir pris une mesure qui ne donne pas assez de souplesse à chaque hôpital. "Un certain nombre de lits est fermé parce que les équipes sont à genoux, qu’on manque de personnel et qu’il y a beaucoup de personnes sous certificat. Mais ça dépend d’un hôpital à l’autre et il ne fallait donc pas faire une mesure linéaire qui touchait tout le monde de cette façon. On a donc demandé qu’on laisse la latitude à chaque hôpital de s’ajuster au mieux en fonction des besoins des patients et surtout de leur réalité propre. Ça nous semblait plus logique et c’est ce que nous avons pu obtenir hier." Le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, l’a en effet annoncé dans nos différentes éditions.
Trier les patients : annuler d’abord les non urgents
Concrètement, il faut donc faire un "tri" dans les patients. "Ce tri est fait par un comité de bloc opératoire pour ce qui concerne les interventions chirurgicales, explique le directeur médical du Grand hôpital de Charleroi. Il se réunit de façon très régulière et il fait des choix d’abord en fonction de l’urgence des situations."
On commence également à voir des tensions à d’autres niveaux de l’hôpital
"Ce sont évidemment les patients qui nécessitent des interventions non vitales immédiatement et qui nécessitent d’être pris en charge aux soins intensifs qui sont d’abord reportés, puisque la tension est évidemment la plus importante sur les soins intensifs. Mais on commence également à voir des tensions à d’autres niveaux de l’hôpital, puisqu’on a dû réduire les lits d’aval pour accueillir des patients Covid dans de bonnes conditions."
Des transferts en fonction du taux d’occupation en soins intensifs
Une façon de fonctionner différente d’un hôpital à l’autre. "Il y en a certains qui, il faut le dire, ne jouent pas réellement le jeu, reproche le médecin. Et ne mettent pas tous les moyens en œuvre pour préserver une activité résiduelle."
Cette situation de crise créerait-elle un manque de solidarité entre les hôpitaux ? "La solidarité est très simple. Dans notre hôpital, on a depuis toujours accepté les transferts et on prend des patients qui sont transférés. J’ai d’ailleurs des médecins dans l’hôpital qui me le reprochent, mais en même temps, je refuse régulièrement des transferts."
Pour cela, le médecin se base sur les chiffres des autres hôpitaux. "Hier encore, j’ai refusé les transferts d’un hôpital qui n’avait pas atteint sa capacité de 50% de lits de soins intensifs, ce qui nous est demandé. Et d’ailleurs, pour répondre aux politiques, on a décidé de se faire mal et on a dit qu’on ouvrait 50% de la capacité des lits agréés, donc des lits qui sont existants…"
Des lits qui existent mais qui n’étaient pas forcément ouverts par manque de personnel.