Week-end Première

"Quitter Téhéran" : un témoignage familial marqué par l'histoire politique de l’Iran

L'invitée

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La journaliste et écrivaine iranienne Naïri Nahapétian publie Quitter Téhéran aux Editions Bayard Récits. Un récit autobiographique qui fait la lumière sur la situation sociopolitique complexe de son pays d'origine.

L’enfance heureuse de Naïri Nahapétian bascule à l’âge de 9 ans, en 1979, au moment de la révolution islamique en Iran. Elle quitte Téhéran pour Paris avec sa mère. Et son père ne les rejoindra pas. Des années plus tard, elle se lance dans une enquête familiale et journalistique pour comprendre les véritables causes de cette séparation avec son père et son pays natal. A travers son regard, on découvre les codes culturels et les paradoxes de la société iranienne.

Un pays qui bascule

Naïri Nahapétian a connu une enfance dorée à Téhéran. Sa famille faisait partie de l’élite de l’ancien Shah d’Iran : bel appartement avec personnel de maison, dont un chauffeur qui la conduisait à l’école arménienne et qui partageait avec elle ses idées marxistes.

Avec la Révolution islamique et le régime des mollahs, "on a très vite basculé dans la terreur", explique-t-elle. Les journaux affichaient les photos des pendaisons publiques, on exécutait sans merci les anciens partisans du Shah.

Le régime islamique instaure tout de suite une ségrégation entre hommes et femmes dans l’espace public. Supportant très mal la situation, la mère de l’auteure emmène ses enfants en voyage à Paris, voyage qui s’avère finalement plus que des vacances.

"On est resté longtemps dans l’illusion qu’on allait rentrer en Iran. D’ailleurs, en septembre 1980, on trouvait toujours des prétextes pour ne pas rentrer, notamment l’éclatement de la guerre avec l’Irak qui a obligé les aéroports à fermer. Mais on attendait toujours que cette révolution que ma mère jugeait absurde s’arrête et qu’on puisse rentrer. Mais ça ne s’est jamais fait."

L’histoire de la présence arménienne en Iran

Le père de Naïri Nahapétian n’est jamais venu les rejoindre à Paris, pour des raisons personnelles, mais aussi pour des raisons politiques. S’il n’était pas un militant à proprement parler, il était un représentant de la communauté arménienne, ce qu’on appelle un Arménien d’Ispahan.

La présence des Arméniens d’Ispahan en Iran remonte au 16e siècle. On raconte qu’on est venu les chercher pour qu’ils contribuent à l’aura de la capitale Ispahan, car ils étaient des artisans talentueux.

Mais Naïri Nahapétian a découvert par la suite, en étudiant l’histoire iranienne, qu’ils sont en réalité arrivés en Iran dans le sillage des déportations qui ont eu lieu pendant la guerre entre l’Empire ottoman et l’Empire safavide. Cette histoire très violente a été occultée ensuite, à la fois par les Persans et par les Arméniens, pour maintenir leurs bonnes relations.

Un pays à la fois moderne et archaïque

Naïri Nahapétian, actuellement bannie de son pays pour ses livres, décrit son pays comme moderne et archaïque à la fois. La population est très moderne, très connectée, elle a extrêmement envie d’être en contact avec l’Occident. "La liberté de ton est étonnante malgré la répression qui est très forte. Le courage des Iraniens est très surprenant", observe-t-elle.

Le contraste est immense avec la loi et les codes archaïques, le port du voile, les codes régissant le mariage et le divorce : les petites filles sont censées pouvoir se marier à partir de treize ans, la répudiation et la polygamie sont légales.

"Il y a un écart entre la modernité sociodémographique de la société et les lois archaïques qui s’imposent à elle, qui m’a toujours fait penser que la République islamique ne pouvait pas durer, que c’était absurde. Chaque fois que j’ai assisté à un mouvement de contestation, comme celui qui a secoué l’Iran en septembre de cette année, je me suis dit : ça y est, la République islamique va tomber et je vais pouvoir enfin rentrer en Iran" confie l'auteure et journaliste.

Quand je perds espoir, il y a toujours un mouvement de contestation qui revient et qui me fait penser que voilà, ça y est, c’est fini et que surtout la population ne plie pas et n’accepte pas ce régime.

La terreur, encore et toujours

Les condamnations peuvent tomber arbitrairement sur n’importe qui, écrit Naïri Nahapétian.

"C’est quelque chose de très courant en Iran, avec le vrai objectif de faire peur, explique-t-elle. Ils s’en sont d’abord pris aux binationaux ; des journalistes, des chercheurs ont été arrêtés. L’Iran a franchi un cap puisque, aujourd’hui, ils s’en prennent à des ressortissants étrangers".

C’est le cas du Belge Olivier Vandecasteele, condamné pour espionnage au terme d’un procès fantoche.

Leur objectif est de semer la terreur parmi la population iranienne, de montrer à l’Occident qu’ils ne sont pas prêts à faire des concessions, et c’est aussi une façon de prendre des otages pour procéder à des échanges, en l’occurrence cet agent des renseignements iraniens emprisonné en Belgique.

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