Après cinq mois de blocage, la Catalogne va enfin se désigner un nouveau président. Le dirigeant indépendantiste Carles Puigdemont renonce à retrouver son poste. L’ex-président catalan a choisi l’un de ses proches, Quim Torra, pour être candidat à sa succession.
Carles Puigdemont a fini par jeter l’éponge. Pour éviter de nouvelles élections qui auraient pu se solder par une défaite de son camp, Carles Puigdemont a donc renoncé à redevenir président de la Catalogne. Poursuivi par la justice pour rébellion, le leader indépendantiste est toujours à Berlin dans l’attente d’une éventuelle extradition vers l’Espagne.
Forts de leur majorité au Parlement catalan, les indépendantistes avaient tout fait ces derniers mois pour investir Puigdemont à distance, mais face au refus systématique de Madrid, ils se sont rendus à l’évidence et ont sacrifié leur leader.
Un indépendantiste radical
Pour le remplacer, Puigdemont fait appel à l’un de ses fidèles, Quim Torra, 55 ans, un nouveau venu en politique qu’on présente comme un indépendantiste radical. Auteur de déclarations incendiaires, voire xénophobes, contre les Espagnols, Torra est décrit par ses adversaires comme un dirigeant sectaire. Avec cette désignation, il ne faut donc pas s’attendre à un apaisement des relations entre Madrid et Barcelone.
Quim Torra sera investi dans les tout prochains jours, et une fois élu, la suspension de l’autonomie devrait enfin être levée, sept mois après la prise de contrôle de la Catalogne par le gouvernement central.
Un "fidèle de Puigdemont"
Natif de la ville catalane de Blanes, sur la touristique Costa brava, Quim Torra a fait son entrée en politique il y a seulement quelques mois.Ayant rejoint la liste de Carles Puigdemont, comme d'autres personnalités indépendantes, il a été élu le 21 décembre au parlement régional où les indépendantistes ont alors retrouvé leur majorité en sièges.
Dans un spot diffusé avant le scrutin, il s'était lui-même présenté aux électeurs en disant : "je suis Quim Torra, avocat, éditeur, et j'ai travaillé toute ma vie pour la liberté de mon pays", sous-entendu la Catalogne.
Les changements drastiques d'activité ne sont pas une nouveauté pour ce Catalan, marié et père de trois enfants.
Après une longue trajectoire professionnelle au sein de la compagnie d'assurances suisse Winterthur, il avait mis à profit son indemnité de licenciement pour fonder en 2008 une maison d'édition, A Contra Vent, spécialisée dans la récupération de textes de journalistes catalans de la Seconde république espagnole (1931-1939) et de l'exil sous la dictature de Franco.
Il s'est alors fait un nom dans les cercles nationalistes catalans : a collaboré avec différents médias, présidé l'entité Souveraineté et Justice dédiée à la promotion de l'indépendance et fait partie de la direction de la puissance association ANC, organisatrice d'immenses manifestations indépendantistes.
Il a dirigé jusqu'en 2015 le Centre culturel du quartier barcelonais El Born, alors controversé pour relayer les revendications nationalistes.
Puis il a provisoirement présidé en 2015 l'association indépendantiste Omnium Cultural, avant d'en céder la présidence à Jordi Cuixart, qui a depuis été placé en détention provisoire.
Nous avons besoin d'un président qui reconnaisse l'échec de ce processus
La dirigeante de l'opposition en Catalogne, Inès Arrimadas, du parti libéral anti-indépendantiste Ciudadanos, a jugé jeudi soir dans un tweet qu'il avait été "nommé en tant que fidèle de Puigdemont et du processus" indépendantiste. Or "nous avons besoin d'un président qui reconnaisse l'échec de ce processus", a-t-elle ajouté.
"Nous regrettons que le bloc indépendantiste ait choisi une personne avec l'un des profils les plus sectaires", a affirmé le Parti socialiste catalan dans un communiqué. Le socialiste catalan Miquel Iceta l'a appelé à "penser à l'ensemble du pays et pas seulement aux indépendantistes" qui ont obtenu 47,5% des suffrages dans la région en décembre.
Représentant en Catalogne du parti conservateur au pouvoir en Espagne, Xavier Garcia Albiol a posté sur Twitter des captures d'écrans du compte de Quim Torra, comportant des messages offensifs contre "les Espagnols", qui auraient été effacés.