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Qui est Tom Skinner, le métronome derrière The Smile et Sons of Kemet ?

Tom Skinner avec The Smile à Manchester le 2 juin 2022.

© Getty – Shirlaine Forrest

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Par Renaud Verstraete

Si Tom Skinner s’attelle depuis de nombreuses années à défricher la scène jazz britannique au sein de Sons of Kemet, cette année 2022 aura (enfin) révélé son nom au grand jour. Aventurier du son, le batteur londonien, éblouissant avec The Smile, a aujourd’hui un pied et surtout une paire de baguettes dans les projets les plus excitants du moment. 

"Derrière tout bon projet, se cache un bon batteur". Dans le cas de Sons of Kemet, ils étaient même deux. Eddie Hick (avant lui, Seb Rochford) et Tom Skinner. 2 batteurs, 4 pieds et 4 mains… Il fallait sans doute bien ça pour suivre le saxophoniste londonien Shabaka Hutchings dans ses explorations musicales aux quatre coins de la planète. Car écouter Sons of Kemet, c’est un petit peu comme faire le tour du monde en 80 minutes… "Electro, soul, hip-hop, funk ou rock, l’approche de Shabaka Hutchings génère un big bang sans précédent sur la carte du jazz" écrivait-on l’année dernière à l’occasion de la sortie de l’ultime album de Sons of Kemet

En 2011, lorsqu’il fonde Sons of Kemet aux côtés de Shabaka Hutchings, Oren Marshall et Seb Rochford, Tom Skinner est loin de s’imaginer qu’il deviendra polyglotte. Calypso, highlife, afrobeat, ragga, songo, mozambique… Au sein de ce laboratoire expérimental qui va redéfinir les contours de la scène jazz londonienne, Skinner se frotte aux langages rythmiques d’ici et d’ailleurs, des mers caraïbes aux plaines africaines. 

Ces mots aux sonorités singulières, il les apprivoise, les intègre, les retourne et les combine pour développer son propre vocabulaire. Derrière la batterie, Tom Skinner et son comparse Eddie Hick conversent et se donnent la réplique en conviant le public à s’immerger dans ces sonorités qui se révèlent finalement être universelles. Après 10 années à écumer les scènes Jazz du monde entier, Sons of Kemet a finalement tiré sa révérence avec "Black To The Future", un album aux influences plurielles qui résume à lui seul la trajectoire du groupe. 

Tom Skinner en pleine session d’enregistrement avec la saxophoniste Nubya Garcia.
Tom Skinner en pleine session d’enregistrement avec la saxophoniste Nubya Garcia. © Karolina Wielocha

2022, avec le sourire

En 2022, c'est sur la scène de Glastonbury que le monde découvre Tom Skinner. Aux côtés du duo Greenwood-Yorke, les deux têtes pensantes de Radiohead, le batteur londonien élargit une nouvelle fois ses horizons en jouant les métronomes dans The Smile

En 2012, il avait déjà collaboré avec Johnny Greenwood pour la bande-son de "The Master", un film de Paul Thomas Anderson avec Joaquin Phoenix. Près de 10 ans plus tard, en plein confinement, ce n'est pas un hasard si la paire originaire d'Oxford convie Tom Skinner pour revisiter les catalogues fantômes de Radiohead. Ensemble, ils capturent l'instant dans une synergie parfaite pour écrire un nouveau répertoire qui inspirera l'album "A Light For Attracting Attention".

Des constructions progressives, un sens poétique de la mélodie et une frénésie qui côtoie la retenue, la recette est plus qu'efficace. Ajoutez à tout cela le lyrisme caractéristique de Thom Yorke, le côté savant fou de Johnny Greenwood et les grooves ciselés de Tom Skinner et vous obtenez tous simplement un des albums les plus captivants de l'année. 

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Sur scène, la formule est à priori simple, une guitare, une basse, une batterie et quelques claviers. En trio, l'énergie viscérale de The Smile se décuple à mesure que les rôles s'échangent. Tom Skinner est impérial, jouant tour à tour de la batterie, des claviers et soutenant à la voix les envolées passionnées de Thom Yorke

Si les projecteurs sont avant tout braqués sur la paire échappée de Radiohead, le travail qu'effectue dans l'ombre Tom Skinner est remarquable. Véritable couteau suisse, le batteur londonien vulgarise des rythmes complexes et rend la musique de The Smile accessible. Là réside le génie de ce musicien, relégué à l'arrière de la scène. 

© Andre Baumecker

Le calme pendant la tempête

2022 fût également l'occasion pour le batteur de se dévoiler en solo, pour la première fois sous son propre nom. En novembre dernier, Tom Skinner dévoilait "Voices of Bishara", un premier album mature où il revient à son amour originel pour le jazz et les musiques improvisées. A cette occasion, il convie des amis de longues dates : Shabaka Hutchings au saxophone et clarinette basse, Tom Herbert à la contre-basse, Nubya Garcia au saxophone et à la flute, et Kareem Dayes au violoncelle. 

Pendant une journée, le batteur a dirigé cet orchestre de l'immédiat, emmenant les musiciens dans des retranchements insoupçonnés. Par la suite, il a disséqué manipulé et retravaillé ces enregistrements en utilisant des techniques de collage pour façonner le son de ce premier album. Le résultat est une session de près de 30 minutes, aussi intense que passionnée. Un véritable voyage et qui convoque les influences avant-gardistes du maestro Tony Williams et dont le nom s'inspire d'un disque oublié du violoncelliste américain Abdul Wadud.

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Alors qu’un chaos maîtrisé se dessine progressivement autour de lui, le batteur britannique impose son style avec la fluidité d'un danseur étoile. Calme et méticuleux, Tom Skinner est assurément un des musiciens à tenir à l'oeil en 2023.

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