Transversales

Qu’est-ce qui fait vibrer les collectionneurs d’art contemporain ?

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Par RTBF La Première via

A quelques jours d’Art Brussels, qui ouvre ses portes, le 20 avril, à Brussels Expo, Françoise Baré s’est intéressée au monde de l’art contemporain. Qui sont les collectionneurs belges ? Comment cette passion les anime ?

La Collection Uhoda

A Liège, la Collection Uhoda est une collection très éclectique, qui rassemble 2000 œuvres, dont 5 à 10% sont exposées.

Chaque salarié de la société Uhoda a en effet pu choisir dans les réserves la toile, la photographie, la sculpture avec laquelle il va travailler au quotidien. Résultat : l’environnement de chaque bureau est une petite galerie à lui seul. Le saint des saints, c’est le bureau de Stephan Uhoda, avec notamment une sculpture, un Memento Mori signé Johan Muyle.

"Je n’imagine plus les bureaux sans avoir des œuvres d’art qui nous entourent. Je pense que c’est un travail collectif, qui dépasse d’ailleurs mon frère et moi-même. C’est effectivement un travail de réseau. C’est un travail aussi qu’on prend parfois sur son temps personnel, en se disant : c’est le week-end, on irait bien voir une collection, voir à Bruxelles ce qu’il se passe. (…) Et puis c’est vrai que comme la collection fait partie du patrimoine de l’entreprise, on essaie d’avoir aussi une approche professionnelle, on se fait aider. (...) On essaie vraiment de gérer cela au mieux, mais tout en gardant le côté plaisir".

La Collection Uhoda à Liège
La Collection Uhoda à Liège © RTBF – Françoise Baré

Qu’est-ce qui anime les collectionneurs ?

"Ce qui nous anime, c’est une question de partage avec d’autres collectionneurs, c’est les opportunités aussi", explique Stephan Uhoda. Il n’y a pas une façon d’acheter : on peut acheter en galerie, en salle de vente, chez l’artiste.

En Belgique, contrairement à la France, il n’existe pas d’incitants fiscaux pour développer une collection d’art contemporain.

"La valeur financière est présente, mais n’est pas la raison principale de l’achat. Cela reste la passion pour l’artiste, la passion pour un mouvement, la passion pour une culture. Mais on essaie que cette passion soit guidée par une connaissance et un professionnalisme".

Tout l’art du bon collectionneur est d’acheter avant que la cote ne soit trop élevée.

"C’est aussi, finalement, l’intuition, le fait de percevoir les mouvements qui vont sortir. Et ça, je pense qu’avec un peu d’expérience et de la pratique, c’est quelque chose qui arrive assez naturellement".

Pas question ici de parler de valeur marchande, de sommes engagées, ni comment on acquiert les pièces. Stephan Uhoda parle volontiers de cette collection, de ses goûts, de ses acquisitions avec son frère Georges. Il prête aussi des pièces pour des expositions. Mais tout est contrôlé dans la communication.

La galerie Jacques Cerami

La galerie Jacques Cerami, c’est l’une des rares galeries wallonnes, située à Couillet. C’est aussi un combat de plus de 20 ans pour faire découvrir des artistes.

"Le plus difficile, c’est d’attirer le monde ici à Charleroi" confie Jacques Cerami. Mais les collectionneurs viennent pourtant de Gand, de Bruxelles, d’Anvers, quelques-uns de Charleroi même.

La galerie Cerami n’est pas une galerie où viennent de grosses pointures, des artistes avec une reconnaissance internationale, explique le collectionneur. "Ce sont des artistes qui, au départ, n’avaient pas de cote du tout, n’étaient pas reconnus du tout. Donc, il y a un travail qui se fait. Et à force d’être exposés, de rentrer dans certaines collections et certains musées, il y a des prix qui commencent à être de plus en plus élevés. Mais ce sont encore des prix raisonnables. Michael Matthys, c’est de 1500€ à 15.000€, c’est des prix encore très démocratiques par rapport à ce qu’on peut voir".

La galerie Jacques Cerami
La galerie Jacques Cerami © RTBF – Françoise Baré

La galerie Cerami présente aussi le travail de l’artiste vidéaste, peintre et dessinateur Michel Couturier. Sa nouvelle exposition montre le changement récent dans son travail, vers plus de couleurs. Mais à qui est-elle destinée ?

"Je suis une galerie d’art contemporain qui défend des artistes, régulièrement. Je les expose à tour de rôle, tous les deux ans, plus ou moins. J’ai une écurie de 12, 15 artistes. Du moment que l’œuvre rentre dans une institution ou un musée, l’œuvre prend une plus-value, déjà aux yeux des collectionneurs et c’est bien pour le CV de l’artiste aussi. Si demain, Michel Couturier rentre chez Pinault, ce serait extraordinaire. Le fait d’être acheté par un grand collectionneur, d’autres collectionneurs vont se laisser influencer aussi et venir voir le travail."

Michel Couturier à la galerie Jacques Cerami, jusqu'au 6 mai 2023
Michel Couturier à la galerie Jacques Cerami, jusqu'au 6 mai 2023 © RTBF – Françoise Baré

Un milieu très discret

La plupart des collectionneurs belges restent discrets, anonymes. "Un collectionneur ne dit pas ses sources. Parce que justement, s’il sent qu’une galerie est bonne, il va continuer à acheter là et il n’a pas envie que tout le monde vienne acheter la même chose que lui", explique Jacques Cerami.

Il y a eu du silence, jusqu’à récemment, mais il observe aujourd’hui un phénomène nouveau : beaucoup de collectionneurs veulent montrer leur collection, ils ouvrent les portes de leur maison, de leurs réserves.

Beaucoup pensent à l’investissement, à acheter des œuvres en pensant à leur plus-value demain, ils n’ont pas envie de perdre de l’argent. "Mais il existe quand même quelques collectionneurs qui achètent avec leur nez, avec une sensibilité. Ile ne pensent pas au nom qui est derrière le travail. Ils achètent parce qu’ils aiment. J’aime ce genre de collectionneurs aussi."

Sans les collectionneurs, on met la clé sous le paillasson, confie-t-il. L’amour du métier, tout ce que ça peut apporter, la rencontre… c’est cela qui le fait tenir. "Mais financièrement, tu es obligé d’avoir des collectionneurs, tu es obligé de vendre malheureusement, il faut vendre pour tenir le coup, pour monter des expos, parce que ça coûte de l’argent".

Quelles collections ?

En Belgique, en art contemporain, "il y a autant de collections qu’il y a de collectionneurs, et c’est vraiment ça qui est fascinant", explique Pierre-Olivier Rollin, le directeur du musée d’art de la Province de Hainaut, le BPS22, à Charleroi.

Certains ne collectionnent que les artistes internationaux, ou que la période conceptuelle radicale des années 60-70, que la peinture, que du CoBrA, ou encore des collections très singulières, avec des pièces très précises, mais sans faire très attention au nom de l’artiste.

A Ixelles, Olivier Gevaert est un jeune collectionneur qui expose d’autres collectionneurs. 23 collectionneurs exactement, pour 23 pièces dans un rez-de-chaussée discret, accessible sur rendez-vous, pour découvrir l’histoire de l’art aujourd’hui : Eté 78.

Certains collectionneurs portent un nom d’emprunt ou restent carrément anonymes. Pourquoi cette volonté de discrétion ? "Quand on est collectionneur, on est beaucoup démarché, par des galeries, par des artistes, pour des jurys…"

Les 23 collectionneurs exposés sont collectionneurs par passion et pas pour des raisons financières, assure Olivier Gevaert. "Ce ne sont pas tous des Pinault…"

Eté 78, Olivier Gevaert
Eté 78, Olivier Gevaert © RTBF – Françoise Baré

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