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Quelle place pour l’actualité internationale dans nos JT ?

Comment les JT de la RTBF et de la RTS couvrent-ils l’actualité internationale ?

© Damien Hendrichs

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Par Martin Caulier, journaliste à la rédaction RTBF Info pour Inside

Vous nous interpellez régulièrement sur la manière dont nous couvrons l’actualité internationale dans nos JT. Voici d’ailleurs l’une des dernières réactions que nous avons reçues :

La RTBF devient une entité repliée sur elle-même et sur son "jardin". Pour avoir accès à des infos internationales, il faut systématiquement consulter d’autres médias. Est-ce que ce qui se passe en dehors de la Fédération Wallonie-Bruxelles intéresse encore la RTBF ?

Alors, quelle est la ligne éditoriale du JT concernant l’actu internationale ? Quels moyens y consacrons-nous ? Faisons-nous des choix très différents d’autres chaînes publiques comme France 2 ou la RTS ? Voici quelques éléments clés pour répondre à ces questions.

Et d’abord, commençons par un petit coup de zappette. Alors que la crise Ukraine-Russie fait les gros titres, nous avons comparé l’un de nos JT à ceux diffusés le même soir par nos collègues francophones suisses de la RTS et par nos voisins français de France 2.

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Petit coup de zappette

Premier constat après avoir regardé ces trois JT diffusés ce lundi 21 février : l’information du jour, c’est la possible reconnaissance des républiques pro russes situées en Ukraine par Valdimir Poutine. Dans chacun des JT, c’est le premier titre. Mais c’est dans le développement de cette information qu’on observe des différences.

Chez nos voisins suisses et français, juste après les titres, le premier sujet est consacré à l’allocution du président Vladimir Poutine qui s’apprête à ce moment-là à reconnaître l’indépendance de ces territoires séparatistes pro russes. Une reconnaissance qu’il a actée depuis en signant un décret et en envoyant ses troupes. Si France 2 et la RTS ouvrent toutes les deux leur JT avec cette information, elles la développent ensuite différemment. Pour France 2, ce sont des reportages avec l’armée russe mais aussi des directs depuis l’Ukraine, depuis Donetsk, située en territoire séparatiste pro russe mais aussi depuis Washington. Nos collègues suisses ont, eux, opté pour des reportages et une analyse en plateau afin de décortiquer l’impact de cette prise de parole du président russe.

Chez nous, si l’information est bien annoncée en premier dans les titres, elle est développée plus tard, en milieu de JT, avec un premier sujet qui explique la prise de parole de Vladimir Poutine et qui détaille les conséquences qu’elle pourrait avoir sur le processus diplomatique. Ensuite, on prend le pouls en Russie et en Ukraine grâce à deux directs. Le premier de notre correspondant à Moscou et le second de notre envoyé spécial à Kiev en Ukraine.

Ces choix de position dans les journaux et de type de développement dépendent de la ligne éditoriale de chaque rédaction, mais aussi des moyens humains et financiers disponibles.

Pour vous les détailler, nous aurions aimé vous donner le point de vue de chacune des trois rédactions mais il s’avère que nous n’avons pas reçu de réponse de la part de nos collègues de France 2.
Par contre, nous avons pu nous entretenir avec notre collègue suisse Antoine Silacci, responsable de la rubrique internationale pour le JT de la RTS ainsi qu’avec Caroline Hick, responsable de la rédaction internationale à la RTBF. Tous deux reviennent ici sur les grandes balises qui orientent les choix de leur rédaction, au-delà de l’exemple précis de la couverture du conflit à la frontière ukrainienne.

Caroline Hick, responsable de la rédaction internationale à la RTBF et Antoine Silacci, chef de la rubrique internationale à la RTS.
Caroline Hick, responsable de la rédaction internationale à la RTBF et Antoine Silacci, chef de la rubrique internationale à la RTS. © Captures d’écran

La ligne éditoriale

Pour Caroline Hick, il y a dans l’information quotidienne "l’actualité qui ne pose même pas question. Pour l’instant, on concentre pas mal de force sur ce qu’il se passe en Ukraine parce que c’est la possibilité d’un conflit aux portes de l’Europe avec conséquences possibles très importantes". Même vision du côté de la RTS. Là aussi, il y a "l’actualité qui s’impose", explique Antoine Silacci. Les tensions entre la Russie et l’Ukraine en font partie.

A côté de cette actualité qui fait consensus, il y a des choix de sujets propres à chaque rédaction. Les informations sont, par définition, très nombreuses et couvrent des matières très vastes : de la politique à l’économie en passant par les questions environnementales par exemple. Les rédactions doivent donc chaque jour faire des choix. Ils doivent sélectionner les sujets et ensuite les hiérarchiser.

Au JT, aussi bien à la RTBF qu’à la RTS, la ligne éditoriale n’est pas tout à fait la même en fonction des éditions : de la mi-journée ou du soir.

"Pour notre édition de la mi-journée, on est plutôt dans de l’actualité très frontale à base d’images d’agence ou sur base de duplex avec des correspondants. C’est une plus petite édition donc on met moins de moyens", explique Antoine Silacci. A la RTS, l’édition du soir à 19h30 doit aller plus loin dans le décryptage de l’information internationale. "On est plus dans la valeur ajoutée : des décryptages, des reportages maison, des sujets plus explicatifs et pédagogiques,… On va plus loin parce qu’on a plus de temps pour faire les sujets dans la journée".

A la RTBF, c’est la même chose. "Il y a un consensus autour du fait que l’actualité, c’est évident et c’est prioritaire dans les deux éditions du JT que cela soit à 13h et à 19h30", explique Caroline Hick, responsable de la rédaction internationale. Cela dit, le traitement sera différent selon les éditions. Le 19h30 proposera aussi plus de décryptages que le 13h notamment aussi, comme le dit Antoine Silacci, pour des questions de temps de préparation des reportages.


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Tu ne peux pas être journaliste international en restant toute l’année derrière ton bureau

" Il y a aussi ce qu’on décide de mettre en avant", détaille Caroline Hick. "Cela peut être des questions sociales, politiques, environnementales. On décide alors de se rendre dans ce pays". Pour les deux rédactions, le fait que leurs journalistes puissent se rendre sur le terrain est primordial. Pour Caroline Hick, c’est clair : "Tu ne peux pas être journaliste international en restant toute l’année derrière ton bureau".

Si sur le principe du reportage sur le terrain, les deux rédactions se rejoignent, reste encore à savoir quels types de reportage y effectuer. A ce niveau, les visions éditoriales sont similaires. Pour Antoine Silacci, il s’agit de "raconter la grande histoire à travers le regard des gens. On est bien conscient du fait que l’actualité internationale est parfois un peu éloignée du quotidien des gens. On vit dans un pays confortable. On n’est pas forcément confronté à des problématiques très dures donc on essaye vraiment de raconter cette histoire à travers le regard de gens normaux". Selon Caroline Hick, "les grandes questions sociales, environnementales, les grands débats de société par rapport auxquels, nous en Belgique on peut se comparer, c’est toujours intéressant".

Revoir le reportage sur la crise des sans-abri à Los Angeles

On est bien conscient du fait que l’actualité internationale est parfois un peu éloignée du quotidien des gens

Ceci dit, il ne s’agit ici que d’un critère parmi d’autres qui vont déterminer le choix d’envoyer une équipe en reportage à l’étranger. Pour Antoine Silacci, il y en a d’autres. Cela peut être " l’intérêt éditorial : à quel point c’est un sujet chaud, du moment ou pas ? Il y a aussi l’originalité du sujet ou l’originalité du traitement. A savoir la manière dont c’est raconté, la manière dont c’est filmé. Et puis, il y a aussi l’équilibre avec d’autres sujets d’une émission. Par exemple, on ne va pas tous les jours parler de l’Ukraine. Il faut qu’il y ait des faits saillants pour qu’on réagisse". Pour Caroline Hick, "il n’y a pas de consignes pour viser telle ou telle thématique pour partir. On essaye d’être très ouvert". Ainsi, la RTBF peut proposer des reportages sur des thématiques très variées comme un reportage sur le plus grand barrage d’Europe qui se trouve en Suisse, un sujet sur la manière dont les Afro-Américains vivent aux Etats-Unis un an après le meurtre de Georges Floyd ou encore un focus sur la Norvège qui a fait passer une grande partie de son parc automobile en 100% électrique. Le tout en tenant compte d’une enveloppe budgétaire, comme détaillé plus bas.

Si les lignes éditoriales sont globalement comparables, elles diffèrent nettement sur un point : la couverture de ce que l’on appelle les sujets " découvertes ". Ce sont ces sujets plus "légers" que vous trouvez généralement en fin de JT. "On sait que l’actualité en international est souvent lourde", explique Caroline Hick. "Nous, on n’est pas là que pour raconter les guerres et les catastrophes mais aussi les initiatives intéressantes et inspirantes". C’est ce qui, selon Caroline Hick, justifie aussi le fait que dans le JT de la RTBF, on s’autorise à diffuser des sujets internationaux plus "légers". "C’est une volonté du JT de proposer une bulle qui permet au téléspectateur de respirer, de susciter de l’intérêt pour un pays qu’il ne connaîtrait pas".

Du côté de la RTS par contre, la vision éditoriale est tout autre. "Le côté carte postale on ne fait pas ou alors, il faut qu’il y ait du fond", explique Antoine Silacci. "Il faut qu’il y ait une problématique sociale et environnementale. Je considère que c’est du temps et des moyens gaspillés".

Le piège de la bulle informative

On a de plus en plus de gens qui nous reprochent de ne pas parler d’actualité qui, pour nous, n’en sont pas encore

Tous ces choix éditoriaux semblent soulever de plus en plus de questions de la part du public. Ainsi, à la RTS comme à la RTBF, on enregistre de plus en plus de messages de la part de téléspectateurs. Antoine Silacci, ((chef de la rubrique internationale à la RTS)) remarque que depuis la crise COVID, "On a de plus en plus de gens qui nous reprochent de ne pas parler d’actualité qui, pour nous, n’en sont pas encore ou n’en seront jamais". Il prend l’exemple d’un téléspectateur qui a désiré saisir l’organe de plainte contre les médias suisses parce que la RTS n’avait pas évoqué dans ses éditions une manifestation contre les mesures sanitaires qui s’étaient tenues en Australie et qui avait rassemblé 200 personnes. Pour lui, "il s’agit soit de bruissements sur les réseaux sociaux, soit de micro-évènements qui ne nous intéressent pas forcément mais qui prennent de l’ampleur dans certains cercles".

Selon Antoine Silacci, c’est "un phénomène qui est de plus en plus difficile. Les gens vivent dans des bulles avec un phénomène de caisse de résonance. C’est ce qui fait que certains évènements très locaux, très ponctuels prennent une ampleur pour eux et c’est difficile de leur expliquer qu’on est obligé de faire un tri et que cela fait partie de notre travail". Il évoque ici le phénomène de bulle informative que nous avons déjà évoqué dans des articles précédents.


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Pour Caroline Hick, responsable de la rédaction internationale à la RTBF, il s’agit d’une question d’équilibre général et de pluralité des contenus. "On fait le choix de ne pas parler de chaque manifestation antivax et anti-covid dans le monde. Sinon on ferait tous nos JT et notre site internet sur ça". Elle rappelle qu’il s’agit de faire des choix en fonction d’une ligne éditoriale. "Il y a aussi le fait qu’en actualité internationale tu es obligé de faire des choix. C’est la réalité de toutes les rédactions dans le monde. Ceci dit, cela n’empêche pas de faire un focus sur telle ou telle actualité".

Parmi les sujets qui ont suscité des questionnements chez certains de nos téléspectateurs, il y a notamment la couverture que nous avons faite du convoi de la liberté au Canada.
Revoir le reportage ci-dessous

Convoi des liberté : des manifestants déterminés à entrer dans Paris

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La question des moyens humains et financiers

Lorsqu’on évoque la ligne éditoriale il est difficile de ne pas évoquer la question des moyens car si les ambitions peuvent être présentes, encore faut-il avoir les moyens de les réaliser. Aucune rédaction n’a cependant voulu livrer de chiffres précis. Il aurait été intéressant de les comparer avec ceux de France 2, à la force de frappe bien plus importante que celle de nos rédactions belge et suisse, ce qui a une influence sur le type de couverture internationale. Voici tout de même quelques éléments pour se faire une idée du type de coûts qu’implique l’actualité internationale dans les JT.

Pour mettre des sujets internationaux à l’antenne du JT, il y a trois manières de faire. D’abord, il y a les reportages que les journalistes peuvent réaliser sans se déplacer, sur base d’images et d’interviews provenant d’agences de presse. Ensuite, il y a les reportages réalisés par les journalistes lorsqu’ils se rendent eux-mêmes sur le terrain. Enfin, les médias de manière générale peuvent aussi compter sur un réseau de correspondants à l’étranger. La plupart du temps, ce sont des journalistes indépendants qui travaillent pour plusieurs médias.

Du côté de la RTS, on garde une comptabilité relativement précise des sujets diffusés dans le JT et de leur provenance.

  • 20% de reportages maison (grâce à des correspondants de la RTS ou à des départs étrangers)
  • 20% de sujets provenant de correspondants indépendants
  • 60% de sujets à base d’images d’agence

A la RTBF,

LES CHIFFRES RTBF

 

Les seules limites sont celles de l’intérêt éditorial de la rédaction en chef

Selon Caroline Hick, on compte en moyenne deux sujets de correspondants par semaine à destination du journal télévisé. A cela, il faut ajouter 14 sujets par semaine en moyenne provenant de correspondants à destination de la radio ainsi que cinq articles web.

Pour remplir ces missions, la rédaction internationale de la RTBF bénéficie d’une part spécifique du budget total du JT. A la RTS par contre, il n’y a pas de budget spécifique dédié à la rédaction internationale. "On a une enveloppe globale qui sert pour l’entièreté des éditions à savoir le 12h45, le 19h30 et les éditions régionales", explique Antoine Silacci, chef de la rubrique internationale. En termes de dépenses, "les seules limites sont celles de l’intérêt éditorial de la rédaction en chef". Il explique également que les dépenses doivent être raisonnables.


Les reportages sur base d’images d’agence

Globalement, ce sont ces reportages qui sont les plus nombreux dans les JT que ce soit à la RTBF ou à la RTS. Dans ce cas-ci, les images et les interviews sont fournies par des agences de presse comme Reuters, l’AFP, Associated Press, etc. Ces agences ont des journalistes présents partout dans le monde. Elles tournent des images, des interviews et parfois des sujets complets qu’elles mettent ensuite à disposition des rédactions.

On travaille avec des agences de presse qui ont pignon sur rue et qui sont d’une fiabilité et d’une déontologie unanimement reconnues

On pourrait donc se poser la question de la légitimité de ces images. : Est-ce qu’en termes de déontologie journalistique, il est justifié de travailler sur base d’images que nous n’avons pas nous-mêmes tournées ? Pour Caroline Hick, ce n’est pas un problème. "On travaille avec des agences de presse qui ont pignon sur rue et qui sont d’une fiabilité et d’une déontologie unanimement reconnues et approuvées". Plus encore, selon elle, la manière dont fonctionnent ces agences dans l’envoi de leurs images permet de respecter les règles déontologiques. "Chaque plan est expliqué, chaque interview. On a le détail des intervenants. Pour chaque image, on sait ce que cela représente, où ça a été tourné, etc".

Cela dit, pour elle, "ça n’empêche pas de se poser des questions. Parfois on peut se dire qu’on n’a pas assez de matière ou pas assez d’intervenants. Parfois il arrive aussi qu’on juge que les interviews ou les images proposées sont trop partiales. On peut alors décider de ne pas traiter un sujet parce qu’on juge la matière incomplète ou trop partiale. Cela arrive tous les jours", précise-t-elle.

A la RTBF, nous avons très souvent recours à ces images d’agence pour réaliser nos sujets internationaux. En moyenne, l’année dernière, nous avons réalisé 1300 sujets sur base d’images d’agence ce qui donne une moyenne de 3 sujets par jour.

Départs à l’étranger

On l’a vu plus haut, que cela soit pour la RTBF ou la RTS, envoyer des journalistes en reportage à l’étranger reste essentiel. Mais alors, à quelle fréquence partent les journalistes ?

Avant de répondre à cette question, il faut d’abord préciser que pour les deux médias, le coronavirus a réduit fortement la possibilité de partir à l’étranger en tout cas durant les premiers mois de la pandémie. Ceci dit, en 2021, la RTS a envoyé ces journalistes à l’étranger une quarantaine de fois. "Il s’agit la plupart du temps de "durée assez courte ; 4 à 5 jours en moyenne" durant lesquels les journalistes fournissent "au minimum 2 reportages voire un ou deux duplex", détaille Antoine Silacci. A la RTBF, on comptabilisait en 2021, 41 départs de journalistes RTBF à l’étranger qui ont débouché sur une centaine de sujets.

Les correspondants

Aux départs de journalistes de la rédaction, il faut ajouter les sujets fournis par les correspondants. Dans ce cas-ci, tous les médias ne sont pas logés à la même enseigne. Le nombre de sujets ou encore les régions couvertes vont dépendre du réseau de correspondants de chaque média. A la RTBF, nous n’avons pas de correspondants fixes qui bénéficient d’un contrat indéterminé. Tous nos correspondants sont indépendants. Mais nous faisons très souvent appel à eux. Pour vous donner une idée, en 2021, nos correspondants ont réalisé pas moins de 293 directs et 71 sujets.

La RTS, elle, compte trois correspondants fixes engagés en contrat. Ils sont situés à Paris, Washington et Bruxelles. Comme la RTBF, la RTS compte sur un "réseau de correspondants indépendants assez important", explique Antoine Silacci. "Cela permet de couvrir de manière assez importante l’Europe et une partie du monde. Nous bénéficions ainsi du travail d’une trentaine de correspondants réguliers et fiables".


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