André Antibi est le premier à avoir mis cette notion en évidence. On sentait bien qu’effectivement, on a tendance, quand on évalue un groupe d’élèves, à répartir, suivant une courbe de Gauss, 10% d’excellents, qui ont des résultats au-dessus de la norme, et 10% qui sont condamnés à échouer.
Un enseignant, devant sa première feuille à corriger, va avoir tendance, sauf si elle est catastrophique, à mettre une note dans la moyenne. Autour des premières feuilles, il tend ainsi à organiser une forme de médiane, et puis à partir de là, il va répartir les notes suivant une courbe de Gauss, ou courbe en cloche.
C’est lié à cette façon qu’on a de se représenter une collectivité, explique Bruno Humbeeck : "Mon examen, si je veux qu’il soit crédible, il faut qu’il y ait des échecs". On l’entend chaque année au CEB, quand on dit qu’il était trop facile ou trop difficile.
Comme si c’était une évidence qu’une évaluation devait nécessairement produire du dégât pédagogique et donc de la disqualification !
95% des enseignants ne sont que vaguement conscients qu’ils pratiquent cette constante macabre. Ce n’est pas quelque chose qu’ils font volontairement. "Il y a une norme attendue, y compris de l’extérieur. On se dit que le prof est trop laxiste et que, s’il n’a pas d’échecs, c’est que ses examens sont trop faciles. Ce qui explique aussi la réserve que les enseignants ont à être eux-mêmes évalués, de crainte que cette tendance macabre ne se manifeste sur eux aussi."