Vingt ans après leur chute, les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan à la suite d’une offensive fulgurante. Comment les talibans ont-ils pu revenir à la tête de l’Etat alors que les derniers soldats américains n’ont même pas encore quitté le pays ? Quelles sont les conséquences au niveau international ? Cernez les enjeux de ce qui se joue en Afghanistan en six questions.
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Comment le rôle des talibans en Afghanistan a-t-il évolué ?
Rapide rétroacte pour bien comprendre la situation aujourd’hui. Le groupe de combattants islamistes des talibans a été au pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001. Le régime tombe dans la foulée des attentats du 11 septembre et des bombardements de la coalition internationale menée par les Etats-Unis et mandatée par l’ONU sur l’Afghanistan. Les talibans sont accusés de soutenir Al-Qaeda et de cacher ses responsables, dont Oussama Ben Laden.
Après leur chute, les talibans sont affaiblis mais ne disparaissent pas. Ils se retranchent dans leurs fiefs de l’Est du pays le long de la frontière pakistanaise et profitent de cette retraite pour se réorganiser, se réarmer. Politiquement, ils ne sont pas évincés non plus. En 2004, la réconciliation est négociée, les talibans qui le souhaitent bénéficient d’une amnistie et réintègrent la vie civile.
Ils se restructurent et remontent en puissance dans les années suivantes. Ils montrent aussi leur force de frappe en perpétrant des attentats suicides, des enlèvements, une tentative d’assassinat du président Hamid Karzaï (en 2008). Dans les années 2010, ils reconquièrent petit à petit certaines zones du pays. Jusqu’à reprendre la capitale ce 15 août. Presque 20 ans jour pour jour après en avoir été évincé.
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Pourquoi tout se précipite maintenant ?
Alors que les talibans se réorganisent en regagnent en puissance ces dernières années, les troupes occidentales, elles, se retirent progressivement du pays. En avril dernier, le président américain Joe Biden, confirmait, que les soldats américains auront définitivement quitté l’Afghanistan le 11 septembre prochain.
Profitant de ce vide, les talibans lancent une nouvelle offensive. Elle est rapide et surprend. Ils reprennent des zones et des villes importantes en quelques semaines. C’est une débâcle pour l’armée et la police officielle afghanes qui ne font pas le poids.
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Qui sont les talibans ?
Taliban, ça veut dire "étudiant" en arabe. C’est un mouvement politique islamiste né début des années 90. Ils ont un objectif : instaurer un gouvernement islamiste et organiser une société sur la base d’une interprétation stricte de la Charia.
Ils émergent après l’occupation soviétique de l’Afghanistan. Le mouvement est alors composé d’étudiants qui cherchent à pacifier le pays déchiré par plusieurs groupes armés qui se disputent le pouvoir après le départ soviétique. Ils prônent un retour à l’Islam pur.
Ils prennent le pouvoir à Kaboul en 1996 et instaurent le régime autoproclamé de l’Emirat islamique d’Afghanistan. Les pendaisons, exécutions, tortures y sont légion.
En 20 ans, les talibans n’ont pas changé idéologiquement. Les cadres du mouvement sont d’ailleurs restés largement les mêmes que dans les années 90.
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Les 20 années d’intervention américaine n’ont-elles servi à rien ?
Le retour des talibans 20 ans après leur éviction du pouvoir donne une impression de "retour à la case départ". Pour Nicolas Gosset, chercheur à l’Institut royal supérieur de défense, Il ne faut pas ergoter : "Nous avons affaire à une défaite complète. Une défaite politique, militaire, morale qui correspond d’abord à une débâcle de l’armée afghane et à l’effondrement de la République d’Afghanistan et par là même, un échec de l’ensemble de la stratégie occidentale des 20 dernières années. C’est finalement une guerre à somme nulle puisqu’on se retrouve face à un retour des talibans".
Ce qui a surpris, c’est la vitesse de l’offensive talibane et en face la démobilisation des forces armées officielles. "Les forces afghanes ont été entraînées, armées, soutenues par les Etats-Unis et l’ensemble des pays de l’Alliance Atlantique. Ça pose à tout le moins question et ça nous met face à nos responsabilités".