Donald Trump est-il vraiment persuadé qu’il a gagné les élections ? Comment un président au départ démocratiquement élu peut-il inciter ses partisans à marcher sur le Capitole, parce qu’il n’est pas content des résultats d’un scrutin ? Perte du sens des réalités, intolérance à la contradiction, actions à l’emporte-pièce, obsession de sa propre image et abus de pouvoir seraient les symptômes d’une maladie mentale liée à l’exercice du pouvoir, le syndrome d’hubris.
Est-ce ce dont souffre le président américain ? Ce syndrome d'hubris avait déjà été évoqué par Platon et Aristote, mais a été développé plus récemment par David Owen. Explications avec Sebastian Dieguez, chercheur en neurosciences à l’université de Fribourg, en Suisse, spécialiste de la psychologie du pouvoir.
Le syndrome d’hubris, c’est quoi ?
Le syndrome d’hubris est une entité clinique qui a été proposée par David Owen, un ancien politicien et diplomate anglais, qui était aussi médecin. Sebastian Dieguez précise d’emblée que ce n’est pas un diagnostic établi et accepté de la nomenclature officielle de la psychiatrie et de la médecine.
"C’est l’une des propositions de la littérature scientifique qui reste très hypothétique et spéculative, mais qui est intéressante dans la mesure où elle permet de s’appliquer à des cas concrets et de réfléchir à certaines problématiques."
Ce syndrome a été proposé dans le contexte du début des années 2000, plus particulièrement en tant que charge adressée à Tony Blair et G.W. Bush.
Il désigne un effet spécifique du pouvoir : une fois qu’on obtient le pouvoir, on commence éventuellement à développer certains traits que l’on n’avait pas auparavant. Le pouvoir monte à la tête et corrompt.
>>> A lire : L’article Le syndrome d’hubris : la maladie du pouvoir, par Sebastian Dieguez, sur le site Cerveau&Psycho
Donald Trump souffre-t-il du syndrome d’hubris ?
Dans le cas de Donald Trump, on a affaire à quelqu’un qui présentait déjà la plupart des critères du syndrome d’hubris avant d’accéder au pouvoir. Sebastian Dieguez postulait au départ que, dans ce cas, l’accession réelle au pouvoir allait peut-être modérer, apaiser, calmer ces traits, en lui donnant des responsabilités et une certaine forme de solennité. Chez certaines personnes, une fois qu’elles ont obtenu ce qu’elles veulent, on observe un effet anxiolytique : elles sont satisfaites et se comportent mieux.
Avec le recul, Sebastian Dieguez doit bien avouer qu’il s’était trompé et que chez Donald Trump, cela n’a pas eu du tout cet effet-là.
Le pouvoir, en tant que tel, est une entité plutôt abstraite. On donne juste à quelqu’un la capacité, la responsabilité d’avoir à prendre des décisions. On installe ainsi une forme d’asymétrie entre une personne et les autres.
"Le pouvoir a des effets problématiques pas seulement en politique, mais aussi dans la famille, au travail, dans la culture, dans un club sportif… Certains s’en servent manifestement assez mal et ne devraient pas en recevoir. Mais il n’y a pas de processus de légitimation du pouvoir qui soit parfaitement rationnel aujourd’hui. Dans une démocratie, on donne du pouvoir un peu à l’aveugle."