Que révèle l’autopsie de Maxime Beltra, ce jeune Français décédé quelques heures après sa vaccination contre le coronavirus?

Image d’illustration.

© Getty Images

Le Français Maxime Beltra est décédé en juillet dernier, quelques heures après avoir reçu sa première dose du vaccin Pfizer. Dans un extrait vidéo circulant sur Internet ces derniers jours, une femme affirme que l’autopsie du jeune homme de 22 ans révèle que la mort du jeune homme n’était pas liée à une allergie mais à une péricardite. Cet extrait est massivement partagé comme une preuve de la responsabilité du vaccin anti-Covid dans le décès. Pourtant, le rapport d’autopsie n’apporte pas de conclusions définitives et des analyses complémentaires seront nécessaires pour déterminer les causes réelles du décès.


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Maxime Beltra est un Sétois décédé le 26 juillet 2021, en Occitanie, neuf heures après avoir reçu sa première dose du vaccin anti-Covid de Pfizer. Sa mort a été massivement médiatisée en France, mise notamment en lumière par des militants opposés à la vaccination contre le Covid-19. Ce cas est utilisé par ces derniers comme un exemple de la dangerosité des vaccins anti-Covid, chez les jeunes.

Maxime Beltra souffrait de problèmes d’allergies alimentaires, notamment aux arachides, et avait mangé dans un restaurant dans la soirée avant son décès. Les premiers éléments de l’enquête ne permettaient pas d’établir un lien clair entre la vaccination et le décès du jeune homme.

Une vidéo partagée massivement

Une vidéo, évoquant le rapport d’autopsie établi suite au décès de Maxime Beltra, a relancé les polémiques autour de son cas sur les réseaux sociaux.

D’après les informations dans la description de la vidéo postée sur YouTube, celle-ci est extraite d’une conférence sur le "pass sanitaire", donnée à Nîmes ce 12 octobre dernier. La séquence qui circule est une prise de parole d’une femme, présentée comme "une citoyenne qui milite depuis des années pour la liberté vaccinale tout en aidant les victimes de thérapeutiques".

Dans la séquence, la femme affirme au sujet du décès de Maxime Beltra : "La famille avait demandé une autopsie, l’autopsie vient de tomber : il y avait une péricardite. Et pas du tout une allergie. Donc il n’est pas mort d’une allergie à l’arachide"La vidéo a notamment été partagée sur un site d’orientation catholique intégriste et complotiste avec le titre : "C’est bien l’injection qui a tué Maxime Beltra : l’autopsie le confirme", et reprise comme une preuve que le vaccin serait à l’origine du décès.

Ce que dit le rapport d’autopsie

Il est vrai que la famille de Maxime Beltra a eu accès aux conclusions de l’autopsie, comme l’a confirmé son père Fréderic Beltra auprès de Faky RTBF. Devant la viralité de la vidéo partagée sur les réseaux sociaux, ce dernier a d’ailleurs décidé de rendre public la dernière partie du rapport. Ce, "afin d’apaiser, de clarifier les commentaires qui partent dans tous les sens et de laisser la justice faire son travail sereinement, nous réitérons notre pleine confiance en nos institutions judiciaires pour que la clarté totale soit faite sur le décès de notre fils", précise-t-il dans la publication sur sa page Facebook.

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La conclusion du rapport mis en ligne par Frédéric Beltra indique : "Tableau histologique témoignant d’une hyperéosinophilie (notamment au niveau pulmonaire, ORL et gastrique) compatible avec une origine allergique dans ce contexte. Si ces éléments peuvent s’intégrer dans le cadre d’un choc anaphylactique, il convient de les confronter aux éléments du dossier médical et aux analyses biologiques pour le confirmer".

Un choc anaphylactique est une réaction allergique violente pouvant entraîner la mort.

Avant cette conclusion, un paragraphe du rapport partagé par Frédéric Beltra indique : "A signaler au niveau cardiaque, la présence d’un infiltrat lymphocytaire interstitiel sans nécrose pouvant témoigner de lésions de myocardite a minima et pouvant expliquer la symptomatologie de Monsieur BELTRA dans les jours précédents son décès. Si cet état n’est pas directement à l’origine du décès, il a pu induire une moindre tolérance au contexte clinique".


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Il n’est donc pas mention de péricardite, comme affirmé dans l’extrait vidéo, mais bien de myocardite. Les deux sont des maladies inflammatoires cardiaques.

"Une myocardite peut avoir plusieurs causes, la plus fréquente étant une cause infectieuse. Cela provoque une réaction inflammatoire, soit par contact soit par action directe d’un virus sur le muscle cardiaque.", explique Jean-Luc Vachiery, Professeur clinicien de cardiologie à l’Hôpital Erasme.

"La péricardite, quant à elle, est une inflammation du péricarde, qui est l’enveloppe viscérale qui protège le cœur. Cette couche de cellule est très fine et sensible aux attaques inflammatoires. Le plus souvent, une péricardite découle d’une infection des voies respiratoires", ajoute le Professeur.

La mention de myocardite

A la lecture de l’extrait du rapport d’autopsie, Jean-Luc Vachiery explique à propos du paragraphe où est mentionnée la myocardite : "Les lymphocytes sont un type de globule blanc qui sont plutôt mobilisés par des phénomènes chroniques, donc c’est une observation qui ne rentre pas dans le cadre de l’allergie, qui est l’hypothèse principale. De plus c’est un phénomène qui ne se compte pas en heures mais plutôt en jours, et qui peut correspondre à une situation d’exposition à n’importe quelle bactérie ou virus".

Pour le Professeur, le diagnostic est clair : "Rien n’indique qu’il y a eu une myocardite aiguë ou que ce soit la cause du décès. La conclusion du rapport ne parle pas de l’infiltration cardiaque et de myocardite." Il ajoute : "Le choc anaphylactique est une réaction qui est instantanée et qui survient dans un temps très court, qui serait normalement survenu dans les minutes ou dans l’heure suivant l’injection du vaccin, si cela en était la cause."

Des risques de péricardites et de myocardites rares mais avérés

Comme l’indique l’Agence européenne des médicaments, un lien existe entre les vaccins Cominarty de Pfizer et Spikevax de Moderna, et de possibles myocardites et péricardites.

En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS), indiquait par ailleurs en juillet 2021 à ce sujet : "Ce sont (...) surtout les garçons et jeunes hommes de moins de 30 ans (70% des cas) qui présentent ces myocardites et péricardites dans la semaine (à 14 jours) qui suit l’administration du vaccin à ARNm. Selon les données actuelles, ces myocardites et péricardites n’entraînent que de courts séjours hospitaliers et les symptômes cliniques disparaissent rapidement. Une issue fatale est néanmoins possible".

"Le risque de péricardite ou de myocardite lié au vaccin est probablement lié à une réponse immunitaire au vaccin qui est exagérée chez certaines personnes, explique le cardiologue. Ce que montrent les études cliniques et la collecte des témoignages par la pharmacovigilance, c’est qu’il y a des réactions plus importantes notamment chez les jeunes adultes, dont le système immunitaire est encore très réactif."

Jean-Luc Vachiery rappelle également : "Le risque de développer des myocardites en ayant contracté le SARS-Cov 2 est beaucoup plus élevé que celui lié à la vaccination".

Des analyses supplémentaires nécessaires

La lecture du rapport a néanmoins suscité la surprise chez le père du jeune homme décédé. "On ne s’attendait absolument pas à ce qu’il y ait la mention d’un problème cardiaque, explique Fréderic Beltra. Il y a bien un choc anaphylactique, mais dont on ne connaît pas encore la raison. Il va donc falloir continuer les investigations."

"La juge d’instruction continue son enquête, le procureur aussi. On nous a aussi informés qu’un collège d’experts allait apparemment être constitué pour faire une interprétation complète des éléments dont on dispose", ajoute Fréderic Beltra.

Le père de famille explique aussi vouloir se tenir à distance des "caricatures" et du "débat anti ou pro-vaccin" : "Qu’on me dise qu’il est décédé du vaccin ou bien d’autre chose, cela ne me changera rien. La démarche qu’on fait est pour qu’on puisse avoir une clarté complète sur ce qu’il se passe, on ne peut pas rester avec des doutes sur une question comme ça".

La conclusion indique d’ailleurs que les éléments cliniques présents dans le rapport d’autopsie doivent être "confrontés aux éléments du dossier médical et aux analyses biologiques" pour confirmer la piste du choc anaphylactique.


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CheckNews a publié une retranscription du rapport d’autopsie livrée par le procureur de Montpellier, Fabrice Belargent, en charge du dossier. Dans cette retranscription, un passage qui n’apparaît pas dans l’extrait partagé par Fréderic Beltra indique également que l’hypothèse privilégiée actuellement par les médecins est celle du choc anaphylactique :

"Mode de décès : mort naturelle. Cause du décès : compatible avec un choc anaphylactique secondaire à une allergie alimentaire. Une expertise anatomopathologique et une expertise biochimique sont recommandées afin de confirmer cette hypothèse qui est l’hypothèse principale concernant les causes de ce décès."

Aucune conclusion définitive à l'heure actuelle

Les conclusions du rapport d’autopsie privilégient donc la piste d’un choc anaphylactique. De possibles lésions de myocardite sont évoquées dans le rapport, mais ne sont pas retenues comme cause principale dans sa conclusion. Le rapport indique aussi que des analyses supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les causes du décès.

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