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Que représente pour chacun de nous le 'chez-soi' ?

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Par RTBF La Première

L’habitat, un concept devenu tellement important au moment du covid et puis mis à mal pendant les inondations… Le Ligueur est allé à la rencontre de familles sinistrées pour leur demander ce que représentait leur 'chez-eux'. L’occasion, avec la journaliste Marie-Laure Mathot, de définir cette notion pour les familles aujourd’hui.

 

L’habitat a été au cœur des vies de famille ces derniers mois. D’abord avec le covid où l’on devait rester 'chez soi'. C’était synonyme de sécurité. Il a fallu se réapproprier cet espace où tout le monde était confiné, les parents, les enfants, toute la smala sous le même toit.

Et puis, l’habitat a été une nouvelle fois chamboulé, voire sinistré, avec les inondations. Certaines familles ont vu déferler une vague engloutissant tout ce qu’ils avaient mis en place les mois ou les années précédentes.
 

"J’aimais ma maison"

Alors finalement, qui de mieux placé, pour nous parler de ce que représente le foyer, que ces familles touchées en plein cœur ? La journaliste du Ligueur Alix Dehin est allée à leur rencontre pour comprendre ce que ces personnes ont réellement perdu en perdant leur maison.

Mélodie et Luigi vivaient à Pepinster. Ils sont les parents d’Alexis 10 ans, Edouard, 6 ans et Tim 4 ans. Ils sont dans leur maison sinistrée, au moment de répondre à l’interview. Une maison qu’ils n’habitent plus car ils ont été relogés à Embourg. Mais ils y ont toujours leurs habitudes.

" J’aimais ma maison, parce que c’est nous qui l’avons faite."
" Elle était cosy, elle était petite, elle était à notre image, le quartier était top."

Il y a beaucoup de symbolique dans ce que cette maman dit. On voit que l’habitat n’est pas qu’un endroit où l’on répond à des besoins fonctionnels, comme manger, dormir, se laver… C’est bien plus que ça.
 

Bien plus qu’un simple logement

En fait, c’est ce qui fait la différence entre le logement et l’habitat, explique Chloé Salembier, ethnologue, qui étudie l’utilisation des espaces à l’UCLouvain.

"En réalité, le mot habitat, à la base, est plutôt issu de la biologie et fait référence aux différentes espèces, animales et végétales, pour parler de l’environnement dans lequel elles se développent, évoluent.

Et pour les êtres humains, c’est un peu la même chose. Quand on parle de logement, c’est vraiment la réponse aux besoins fonctionnels, il y a une dimension beaucoup plus fonctionnaliste. Alors que quand on parle d’habitat, ça déborde du logement, parce qu’il y a cette dimension matérielle, mais aussi cette dimension symbolique, cette dimension temporelle, cette dimension sociale aussi, par les formes de sociabilité qui vont pouvoir être créées avec le voisinage."

Concrètement, c’est exactement ce que les journalistes du Ligueur ont pu voir en allant à la rencontre des familles sinistrées.

La dimension relationnelle : c’est le quartier, ce sont les grands-parents qui habitent à l’autre bout de la rue : " Tu peux aller chez mamy et papy et puis tu reviens ".

La dimension symbolique, c’est ce que Mélodie décrit comme leur 'identité', leurs 'goûts', ce qu’ils ont construit, l’investissement physique et financier qu’ils ont pu y mettre.

Et puis la dimension temporelle, ce sont les habitudes, liées à l’endroit où l’on vit. Ces habitudes, dans une vie de famille, sont importantes, parce qu’elles permettent de ne pas toujours tout remettre en question. Ce sont des règles qui permettent une certaine stabilité. Un mot qui est d’ailleurs souvent revenu dans les propos des familles sur l’habitat.

 

L’indispensable contact avec la communauté et avec la nature

Dans les témoignages recueillis, on entend parler de l’intérieur mais aussi de l’extérieur de la maison  : le quartier, le relationnel.

"C’est exactement ce que notre ethnologue nous explique quand elle nous parle du mot 'habitat' dans son sens biologique. Pour elle, on a justement trop réfléchi les maisons comme 4 murs et un toit, qui abritent une cellule familiale. C’est d’ailleurs la définition légale du domicile. Mais on devrait davantage penser les maisons avec leurs espaces intermédiaires entre le privé et le public, parce que cela crée plus de résilience", explique Marie-Laure Mathot.

C’est ce que Chloé Salembier a observé pendant la crise sanitaire : les familles les plus résilientes étaient celles qui avaient la possibilité de ne pas se couper de toutes les autres sphères de la vie et qui étaient quand même en contact avec une communauté.

On devrait aussi penser nos habitats davantage en lien avec notre environnement naturel. On a construit les maisons comme si l’humain pouvait se couper de la nature. Or, ce n’est pas le cas.

"On n’est jamais à l’abri de situations d’insécurité, rappelle Chloé Salembier. Nous sommes toutes et tous vulnérables en tant qu’êtres humains, parce que nous sommes indissociables des environnements que l’on habite. Pendant longtemps, on a séparé les êtres humains, qui faisaient partie de la culture et donc d’une manière d’habiter le monde complètement séparée des autres espèces. Mais en fait, on fait partie de cette nature."
 

L’idée est donc de davantage intégrer la nature quand on pense la conception de sa maison.

Et c’est ce à quoi les écoles d’architecture travaillent aujourd’hui, à ce que l’humain puisse avoir une empreinte plus humble avec son habitat, sur son habitat.

En fait, c’est une vraie réflexion, pour les familles, quand les parents choisissent la maison où ils vont installer leur tribu :

  • Est-ce qu’on utilise un bâti qui existe déjà ?
  • Ou est-ce qu’on fait une nouvelle construction ? Ce qui veut dire bétonner davantage.
  • Si on a un terrain, quel type d’habitation y met-on ?
  • Est-ce qu’on assume d’être en zone inondable ?

D’autres types d’habitat sont aussi à envisager : colocations, habitats groupés…

Et sur ces questions, comme toujours, toute la responsabilité ne repose pas uniquement sur les parents. Le politique a aussi sa part de responsabilité !
 

Un dossier à retrouver dans le numéro 17 du Ligueur qui paraît cette semaine.

Ecoutez l’entretien complet et les témoignages des familles et de l’ethnologue ici.


 


>> Et pour aller plus loin : la plateforme Ensemble Solidaires, en collaboration avec différents médias dont la RTBF, permet de faire des dons ou de faire part de ses besoins, si vous êtes sinistré.


 

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