Patrimoine

Quand les nazis pillaient les antiquités grecques

© Photo 12/Universal Images Group via Getty Images ; Bundesarchiv

En Grèce, le pillage d’antiquités par les nazis, lors de l’occupation, a été une opération systématique entreprise avec zèle par les officiers du régime. Le phénomène fait l’objet de plus en plus de recherches, mais un long travail doit encore être envisagé pour restituer à la Grèce son héritage antique. Le New York Times vient de consacrer un article sur le sujet.

Julius Ringel

En avril 1941, l’Allemagne nazie, aidée par l’Italie et la Bulgarie, envahit la Grèce. Comme presque partout ailleurs en Europe, une longue période d’occupation commence pour le pays méditerranéen. À la tête de la division de la Wehrmacht qui a conquis le territoire, le général Julius Ringel, qui va s’avérer très actif dans la politique archéologique menée par l’occupant. Sa victime principale : l’héritage culturel de Crète.

L’histoire est bien connue. Partout où elles sont passées, les troupes nazies se sont livrées sans vergogne à un pillage des œuvres d’art et d’archéologie. On se souvient des fameux "Monument Men", portés à l’écran par George Clooney, qui avaient pour mission de retrouver certains de ces trésors pillés.

En prévision de l’invasion, les grands musées grecs se sont lancés dans la dissimulation de leurs trésors, plusieurs mois auparavant. On cache dans des grottes, des caves et des cryptes, on enterre dans des champs, des jardins et des tranchées (creusées à l’intérieur même des salles d’exposition), on enferme les inventaires et pièces de petite taille dans des coffres bancaires. Tout est fait pour dissimuler l’héritage antique à l’ennemi, et le protéger des bombes. Mais hélas, cela ne suffira pas.

En Crète donc, 3000 ans plus tôt, s’est épanouie la société minoenne. On lui doit de nombreux palais, dont celui de Knossos, réputé pour être celui qui aurait inspiré le mythe du Labyrinthe du Minotaure. L’ère minoenne fut l’une des plus fastes de l’Antiquité grecque, et de nombreux trésors archéologiques lui sont donc liés. En 1941, on considère que la "civilisation" minoenne fut aux prémices d’une "civilisation" européenne.

Le palais de Knossos, important vestige de l’ère minoenne
Le palais de Knossos, important vestige de l’ère minoenne © De Agostini via Getty Images – DEA / G. DAGLI ORTI

Ringel ordonne le pillage systématique des traces archéologiques déjà découvertes, mais lance aussi une série de campagnes de fouilles pour mettre au jour ce qui est encore sous terre.

La destination de ces objets ? Beaucoup finiront au marché noir, ou dans les mains de Ringel pour son propre profit. L’art et l’archéologie valent cher, et les nazis n’hésitent pas à s’en faire de l’argent facile.

Une autre partie ira dans les grands musées allemands, où Hitler veut rassembler des milliers de traces archéologiques pour réécrire l’Histoire. Pas question, pour les nazis, de présenter une culture méditerranéenne comme étant un "berceau de la civilisation". Pour Hitler et ses sbires, ce sont les cultures germaniques qui ont dominé le monde depuis toujours. On trouve aux objets grecs une invraisemblable affiliation à un soi-disant "art germanique". L’archéologie, sous le régime nazi, est un outil de propagande comme un autre.

Vassilios Petrakos, actuel secrétaire général de la Société archéologique d’Athènes, a déclaré au New York Times :

Des officiers tels que Ringel n’étaient pas seulement en train de fouiller et de piller des antiquités pour leur richesse personnelle, mais ils étaient également responsables de la destruction d’antiquités, en Crète, en Macédoine, à Tirynthe, à Assíni et à Samos.

Si la Crète a attiré l’attention du général allemand, d’autres sites sont la proie d’autres officiers et dirigeants nazis. Alfred Rosenberg, responsable de la confiscation des biens à travers toute l’Europe, et Himmler en personne ont coordonné eux-mêmes une série de fouilles à travers tout le pays. La culture grecque n’échappera pas aux mains des nazis.

Un long travail à venir

La spoliation des biens des victimes juives de la Shoah a jusqu’ici beaucoup attiré l’attention des chercheurs et chercheuses, des autorités et des médias. Mais de plus en plus, l’intérêt se porte aussi sur ce pillage archéologique orchestré notamment en Grèce. Le monde scientifique grec et international s’est emparé du sujet, et se rend compte qu’il est très difficile d’estimer l’ampleur du phénomène. Combien d’antiquités manquent encore à l’appel ? Personne ne le sait vraiment. Ce constat fait pour la Grèce, vaut également pour tous les grands sites antiques ayant subi le fascisme et le nazisme, de l’Italie à l’Égypte en passant par le Moyen-Orient.

Car aucune liste, aucun inventaire des découvertes faites en Grèce par les archéologues du régime nazi n’a jusqu’ici été trouvé. On ne connaît souvent ni la nature ni le nombre d’artefacts sortis de terre. Comment savoir, dès lors, quels objets grecs exposés encore aujourd’hui en Allemagne ont été volés durant la guerre ? Un travail de longue haleine, similaire à celui engagé par certains anciens pays colonisateurs dans leurs musées "d’art primitifs", doit encore être mené.

Écoutez l’histoire de Rose Valland, résistante française qui a lutté contre le pillage des œuvres d’art, dans Un jour dans l’Histoire.

1000 Jours dans l’Histoire

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