Yves, prénom d’emprunt, a 65 ans. Pendant 15 ans, il a été membre d’Alanon. C’est grâce à cette démarche qu’il dit qu’aujourd’hui il va bien.
"Il m’a fallu beaucoup de courage pour pousser la porte d’Alanon car je savais que ma vie ne serait plus jamais la même. Avec le programme Alanon, j’ai mis des mots sur les malaises qui m’habitaient depuis toujours", a-t-il dit samedi soir. Il prenait alors la parole après une pièce de théâtre jouée au centre culturel de Waterloo, "Un silence ordinaire". Il s’agit d’un spectacle qui cherche à briser les tabous liés à l’alcoolisme.
Yves a eu un père alcoolique et violent : "je ne me souviens pas de moments équilibrés à la maison. Il n’y avait jamais un climat serein. Lors de fêtes de famille, à la Noël, il y avait toujours des accidents", m’explique-t-il. Ce qui n’était qu’accidents devient quotidien. Au point que son père a tout perdu. Son commerce était florissant, mais il a fait faillite. Il a même fait de la prison. Pendant des années, Yves n’a plus eu de contact avec son père qui est allé chez les Alcooliques Anonymes et qui a arrêté de boire : "mais tout cela avait laissé des traces. Alors j’ai coupé les ponts. C’est un réflexe que beaucoup de jeunes ont : mettre un couvercle sur le problème. Selon moi, ce n’est pas une bonne chose : ça nous rattrape toujours, tôt ou tard".
Dans le message qu’il a lu à la fin de la pièce, il est revenu sur cette enfance difficile : "On m’a volé mon enfance. J’avais droit à l’amour inconditionnel de mes parents, on m’a privé de l’insouciance liée à l’enfance. Adolescent, je me suis rapidement senti investi d’une mission, venir au secours de ma maman".
L’alcoolisme va, une seconde fois, bouleverser la vie d’Yves. Cette fois, c’est son épouse qui se met à boire : "je voyais qu’il y avait un problème. Mais avant de se l’avouer, il a fallu beaucoup de temps. On cherche d’abord des excuses et on s’oublie totalement". Alors il s’est dit qu’il devait protéger ses enfants.
Il a donc d’abord poussé la porte d’Alanon où il a suivi des réunions pendant une quinzaine d’années : "Grâce à Alanon, je suis en paix avec mon passé, j’ai accepté que mon père souffrait de cette maladie, retrouvé ses bons côtés, reconnu les valeurs humaines qu’il m’a transmises".
Et il y a 4-5 ans, Yves a franchi une nouvelle étape : celle de faire partie des Guides Alateen. Il s’agit de réunions uniquement destinées aux enfants et aux adolescents vivant dans un foyer où l’alcool est présent : "Nous, les Guides Alateen, nous nous définissons comme des plombiers qui libèrent la parole. Une fois le robinet ouvert, il ne se tarit plus".
Pour Yves, il est important que les enfants vivant cette situation puissent trouver, à l’extérieur, une oreille attentive, qu’ils expriment que ce qu’ils subissent n’est pas normal : "faire ce constat peut aider à se reconstruire ", nous explique-t-il.
Tous les témoins que nous avons rencontrés ont insisté sur ce point : il y a moyen de s’en sortir.