Un hautbois, un clavecin, une clarinette, la plupart des élèves de cette école de Molenbeek n’en avaient jamais vu ni entendus. Pas plus qu’ils n’avaient assisté à un concert de musique classique. Cette rencontre entre un public de jeunes bruxellois et une musique trop souvent considérée comme savante ou élitiste, c’est le défi que s’est lancé le festival de musique baroque Festivita. Pour sa 3e édition, il proposera dès le 15 février au Cercle gaulois, 15 concerts, un bal et un banquet. En prélude, des animations musicales sont menées dans diverses écoles de Bruxelles. Nous avons assisté à l’une d’elles. Musique, maestro !

« La musique baroque, c’est comme le rap ou le slam, parfois c’est écrit, mais on peut aussi improviser »

Ce matin-là, deux musiciens franchissent les portes du Campus Saint-Jean à Molenbeek. Dans la classe de 4e humanité, Amina, Sinan, Sidibé et Mohamed les regardent sortir leurs instruments avec une moue dubitative : une guitare Renaissance ressemblant à un ukulélé et une collection de flûtes à bec. Le premier instant de scepticisme ne dure pas longtemps, Raphaël Collignon, le musicien, est aussi doué pour rompre la glace que pour jouer de la guitare ou des percussions : "dans la musique ancienne, c’est comme pour le rap ou le slam, il y a des codes mais aussi de l’improvisation ou des variations. Nous allons vous jouer un morceau de musique médiévale qui commence de manière très structurée et puis vous allez l’entendre, ça se libère et ça part dans tous les sens."

Sa partenaire Nathalie Houtman n’est pas en reste pour faire participer les jeunes : "mon instrument est une flûte. L’homme de Neandertal en jouait déjà il y a 60.000 ans. A l’époque, c’était un os d’oiseau dans lequel on faisait de petits trous, ça ressemblait à un sifflet. La mienne est une flûte à bec. Pourquoi ce nom ? Regardez l’embout par lequel je souffle, il a quelle forme ?…" Parmi les élèves assis en arc de cercle, Amina s’est lancée la première : "ça ressemble à un bec madame. Au Maroc, il y en a aussi mais elles sont en corne d’animal."

Après quelques morceaux et des applaudissements qui augmentent au fil de l’animation, la sonnerie retentit, c’est déjà fini, un autre cours attend les élèves. Leur verdict ? Sinan le reconnaît "ce n’est pas mon style de musique mais c’était cool de découvrir autre chose. Je n’irai pas jusqu’en écouter chez moi mais je remercie les musiciens d’être venus en classe." Même ressenti chez Amina "c’était intéressant, j’ajouterai peut-être quelques morceaux à ma play-list, on verra…"

Festivita, un festival qui vise l’excellence tout en s’ouvrant aux jeunes et aux non-connaisseurs

Pari réussi donc pour Nathalie et Raphael, il faut dire qu’ils ont de la bouteille : "on fait de la musique ensemble depuis 20 ans, on a fait le tour du monde avec nos instruments, ça ouvre beaucoup de portes, notamment auprès des jeunes. On a d’ailleurs ramené quelques instruments de nos voyages et ça crée une complicité avec les élèves bruxellois comme lorsqu’on utilise un tambourin acheté au Maroc pour accompagner une flûte médiévale dans une classe dont pas mal d’élèves ont des ancêtres marocains. Le truc pour intéresser les jeunes, c’est de créer des ponts, des passerelles entre la musique ancienne et des éléments de leur vie d’aujourd’hui, et cela quelles que soient leurs origines."

Les élèves du Campus Saint-Jean auront d’ailleurs l’occasion de revoir Nathalie et Raphael puisqu’un concert les réunira le 15 février au Cercle Gaulois. Michel Keustermans, fondateur et directeur artistique de Festivita insiste sur l’importance de s’ouvrir aux jeunes : "lors des deux concerts du 15 février, nous réunirons les 160 jeunes qui ont reçu la visite d’un duo de musiciens, ils pourront entendre un véritable orchestre et découvrir des tas d’instruments méconnus."

Les jeunes artistes n’ont pas été oubliés puisque "Festivita proposera aussi des concerts de jeunes espoirs que nous avons sélectionnés parmi une trentaine de candidatures reçues. Sinon, le FestiVita ! Brussels Early Music Festival, c’est 15 concerts qui s’étalent sur 5 jours du 15 au 19 février 2023 au Cercle Royal Gaulois, écrin prestigieux d’art et de littérature situé au cœur du parc de Bruxelles et qui ouvre exceptionnellement ses portes au public pour l’occasion. Il y aura aussi un bal, deux concerts nocturnes à la chandelle, un banquet avec un menu inspiré du 18e siècle, une table ronde sur le statut d’artistes et des expositions de luthiers. Bref, une célébration de la musique ancienne, histoire de rester jeune"

Programme complet sur le site de festivita

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