Quand Europol s’inquiète des "Incels", du terrorisme d’extrême droite et des anti-féministes

Il existe des "ponts" entre les idéologies d’extrême droite et les "antiféministes".

© 2019 Getty Images

Par Johanna Bouquet

Cette semaine, Europol, la police européenne, a sorti son rapport annuel sur l’état du terrorisme dans l’Union européenne. Un des points d’attention s’est notamment porté sur le terrorisme d’extrême-droite. "Plusieurs pays membres, dont la Belgique, la France et la Slovénie ont rapporté l’émergence de groupes paramilitaires qui considèrent que les Etats sont impuissants à protéger la population contre ce qu’ils perçoivent comme étant une menace, à savoir l’immigration et l’islam".

Plusieurs tentatives ou attaques violentes ont été perpétrées par des groupes ou des criminels d’extrême droite comme cela a été le cas lors de l’attaque raciste à Hanau en Allemagne. Neuf personnes y sont décédées. L’auteur, Tobias R. avait laissé un manifeste xénophobe et… Antiféministe.


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D’ailleurs un des éléments que pointe Europol, ce sont les liens de théories misogynes et antiféminisme avec les idéologies d’extrême droite.

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Inégalitarisme par "nature"

L’une des choses à noter c’est qu’il n’y a pas une seule idéologie d’extrême droite, ce sont des mouvements très hétéroclites avec des revendications différentes. Mais, selon Benjamin Biard, chercheur au CRISP, une des caractéristiques communes est "une vision inégalitaire par nature" de la société. Considérant parfois, la supériorité de la race par exemple ou encore la supériorité des hommes.

Néanmoins tous les extrémistes de droite ne sont pas antiféministes. Néanmoins, ces idéologies "sont unies dans le rejet de la diversité et du droit des minorités", pointe Europol.

La femme pour la race

En réalité, l’antiféminisme semble être une composante au sein de certaines idéologies d’extrême droite qu’elles soient violentes ou non. Mais c’est une composante qui peut être fédératrice. L’antiféminisme dans les idéologies d’extrême droite s’opposerait ainsi "au féminisme qui ferait la promotion d’une société mondialisée, multiculturelle et métissée dont la victime serait la race blanche en danger, 'en péril grave et imminent", analyse Michaël Dantinne, professeur de criminologie à l’Université de Liège.

Ainsi, l’antiféminisme extrémiste s’insère dans les "théories du grand remplacement". "Le féminisme aurait été inventé pour distraire les femmes de leur rôle 'naturel' de mères, et est par conséquent blâmé pour la chute des taux de natalités dans les pays de l’Europe occidentale, ce qui a finalement permis l’immigration", souligne le rapport d’Europol.

Et d’ajouter, "la frustration sexuelle et la misogynie ont été clairement explicitée par les auteurs des attaques de Christchurch (Nouvelle Zélande) et Halle (Allemagne), en 2019 et en 2020".

La composante misogyne chez les auteurs d’attaques empreintes d’idéologies d’extrême droite n’est pas nouvelle. Dans son manifeste, le terroriste norvégien Anders Breivik indiquait : "il faut parfois tuer des femmes, même si elles peuvent être très attirantes".

Quid des "incels" ?

Les incels ce sont les "célibataires involontaires", qui se considèrent comme étant injustement rejetés par la gent féminine. Des femmes à qui on aurait donné un peu trop de droits et qui auraient perdu de vue leur "rôle premier". "Ces idées permettent de rationaliser la frustration sexuelle", analyse Europol. Dès lors, à cause d’un rejet systématique, "l’objet du désir devient l’objet de haine", pointe Mickaël Dantinne.

La figure emblématique de ce mouvement est Elliot Rodgers qui a tué six personnes en Californie avant de se donner la mort à l’âge de 22 ans. Cette attaque est considérée comme la première tuerie de masse imputable à l’idéologie des Incels.

"L’antiféminisme peut être un vecteur d’action violente mais pas nécessairement tout seul", analyse le criminologue. Il s’agit d’un "cocktail de plusieurs théories qui peuvent être dangereuses", détaille le criminologue.

Mais il est vrai que des "ponts" existent entre avec les idéologies d’extrême droite et les Incels. Europol observe en effet dans son rapport que "la communauté misogyne, principalement composée de jeunes hommes, se rencontrent sur le web, dans des espaces semblables à ceux fréquentés par les suprémacistes blancs et ils blâment les féministes, pour leur incapacité à trouver une partenaire sexuelle".

Il est très difficile d’analyser l’ampleur de ce phénomène. Néanmoins, les mouvements d’extrême droite violents, de même que les incels semblent être dans le collimateur des services de sécurité. Ou du moins sous observation. Michaël Dantinne rappelle toutefois que "tous les incels ne sont pas violents, c’est d’ailleurs davantage l’affaire de minorité isolée".

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