Belgique

Qatargate : pour Michel Claise "toute la vérité explosera un jour en pleine figure des manipulateurs qui tentent de la transformer"

Par Romuald La Morté sur la base d'une interview de Thomas Gadisseux via

Dans "Matin Première" ce mercredi Thomas Gadisseux recevait Michel Claise, juge d’instruction spécialisé dans les thématiques financières. L’occasion de refaire le point sur le Qatargate car ce scandale de corruption, en plein cœur du Parlement européen, risque encore et toujours d’animer l’actualité. Encore plus depuis que le juge Claise a dû se retirer de l’enquête…

Mais d’ailleurs pourquoi ce retrait ? "Je ne parle jamais des dossiers que je traite. Mais je vous dirai une chose : tout est dans le dossier. La vérité s’y trouve. Elle ne se trouve pas ailleurs, ni sur les plateaux de télévision, ni dans les gazettes. Et la vérité elle explosera un jour en pleine figure par rapport aux manipulateurs qui tentent tout simplement de la transformer", se borne à commenter Michel Claise. Qui refuse de confirmer s’il s’est retiré suite à des pressions ou à cause de la citation du nom de son fils dans le dossier.

Selon nos informations, l’appartement de Michel Claise aurait été visité et il aurait également reçu des menaces de mort. L’intéressé confirme avoir reçu ce genre de menaces mais avoue ne pas savoir qui est derrière cela. "Une enquête est en cours à ce sujet", glisse-t-il. Mais à ce stade, selon lui, rien de hors norme : "Il y a un magistrat qui a été placé dans une Safe house, c’est-à-dire une maison tout à fait protégée. Sa vie était menacée, donc ce n’est pas exceptionnel. Je ne pense pas que l’on risque de tomber dans une situation telle qu’on l’a connue en Sicile avec les assassinats des magistrats. On n’en est pas là".

"On préfère abattre le juge plutôt que de combattre les organisations criminelles"

Même s’il déplore une certaine forme de bashing en cours, l’assimilant à "des balles qu’on tire sur nous et je ne suis pas le seul à être visé par cela. Et c’est extrêmement dangereux pour la démocratie de considérer un certain moment qu’il faut abattre le juge, alors que finalement, on devrait plutôt passer son temps à combattre les organisations criminelles. Mais je n’ai jamais craint pour mon intégrité", ajoute-t-il. Quand Thomas Gadisseux lui demande "si ce sont les bandits qui veulent abattre les juges ou carrément des Etats", il répond de manière énigmatique : "C’est une bonne question. J’espère que nous aurons la réponse un jour".

Pour Michel Claise, ce dossier du Qatargate n’est pas une grande première. Cette affaire comme tant d’autres serait plutôt révélatrice de la situation globale dans laquelle la société se trouve, en Belgique et en Europe plus largement. "Vous avez actuellement une recrudescence de la puissance des organisations criminelles qui agissent, à l’aide de la corruption et du blanchiment, dans un certain nombre de domaines qui rapportent énormément d’argent. Comme le trafic de stupéfiants, la contrefaçon, le trafic d’armes, les escroqueries, la cybercriminalité ou encore les trafics de déchets. Et quand on mélange le tout, on arrive à des montants qui sont gigantesques. De l’ordre de 1000 milliards par an. Bon sang de bonsoir, qu’est-ce qu’on attend au niveau politique pour réagir et nous donner enfin les moyens de lutter contre cela ? On va dire que c’est David et Goliath, mais au moins David, lui, il avait une fronde".

"La police fédérale est en faillite"

"Nos institutions sont trop faibles. La police fédérale est en faillite. Et le crime organisé affaiblit la démocratie belge et européenne. Il est urgent que nous prenions en main l’évaluation des montants. Et oui, je le redis, la corruption touche toutes les strates de l’Etat. D’ailleurs les scandales se multiplient en termes de corruption. C’est du plus haut au plus bas niveau. Regardez le dossier de drogue SKY ECC. Vous avez 25 policiers qui ont été finalement interceptés. Pour moi là on est déjà au tout haut niveau". Un constat déjà formulé par d’autres hauts fonctionnaires de l’Etat belge.

Le juge d’instruction Michel Claise en profite pour rappeler son plaidoyer en faveur de la création d’une agence anticorruption et d’un parquet national financier véritablement indépendant. Et de regretter la disparition du secrétariat d’Etat contre la fraude fiscale. Sans oublier que "la Belgique n’est pas en ordre par rapport aux recommandations du groupe de répression de la corruption du Conseil de l’Europe. Sur 22 recommandations, 2 seulement ont été exécutées en 2 ans… On est vraiment des mauvais élèves. Mais je n’ai jamais dit que le monde politique était un monde corrompu".

"On n’est pas au bout de nos surprises dans d’autres dossiers"

Selon Michel Claise, "les lois existent mais il faut activer les moyens. Vous savez, 129 prévenus vont être traduits en justice dont 47 sont en détention dans le dossier SKY ECC. C’est quand même l’illustration qu’à un moment donné, les rouages de l’Etat fonctionnent. Mais cela représente la petite tête d’épingle par rapport au phénomène global".

Michel Claise qui assure enfin qu’il ne révélera jamais les détails de cette enquête du Qatar dans un livre ou sur Netflix "parce que c’est un devoir de réserve indispensable".

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