Le rap est la musique la plus écoutée en France. Pourtant l’un de ses haters les plus virulents vient d’annoncer officiellement sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. La longue guerre de punchlines (et de procès) entre Eric Zemmour et les rappeurs va-t-elle connaître un nouveau chapitre ?
Il l’a annoncé ce lundi dans une vidéo Youtube en mode sauveur sur fond de violons : "J’ai décidé de me présenter à l’élection présidentielle", a déclaré le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour. Dans ce qui est donc son premier discours de campagne, il snipe ses cibles favorites : l’immigration, l’islamo-gauchisme, les politiques de droite comme de gauche… Si cette fois, il ne les a pas cités, les rappeurs figurent clairement dans le top de ses targets depuis des années.
Cette haine développée par Zemmour envers le rap en dit beaucoup sur la pensée politique et idéologique de l’ancien chroniqueur de CNews et du Figaro.
Une "sous-culture"
Aux yeux du futur candidat, le rap est "une sous-culture d’analphabètes". C’est ce qu’il expliquait déjà dans une émission de télévision en 2009, et qu’il a répété sur le plateau de CNews en 2018. "Je maintiens que c’est un sous-art. Si ça ne vous plaît pas, c’est le même prix, j’ai le droit de dire que c’est nul", avait déclaré Eric Zemmour. Ambiance.
Mais revenons en 2009, Eric Zemmour est chroniqueur dans "On n’est pas couché" sur France 2 quand Youssoupha sort le morceau "A force de le dire". Il y glisse une phrase qui va déclencher la colère du polémiste : "Je mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour". Ce dernier porte plainte pour "menaces de crimes et injure publique".
Sauf que contrairement à ce qu’a déclaré il y a quelques mois un des grands soutiens de Zemmour, Youssoupha n’a finalement jamais été condamné pour ses propos. Le tribunal correctionnel de Paris l’a bien condamné en 2011 pour injures publiques, mais Youssoupha a fait appel et a finalement été relaxé en 2012. La justice a estimé que ses paroles "n’excédaient pas les limites admissibles en matière de liberté d’expression artistique". Rappelons au passage qu'Eric Zemmour a quant à lui été condamné deux fois pour provocation à la haine raciale.
A la veille du procès, le rappeur sortira "Menace de mort" dont les premiers mots sont "Les accusations sont graves mais comme d’hab’ on fait avec". Dans ce morceau, Youssoupha s’érige en fier défenseur des membres de cette "sous-culture" dont parle son adversaire d’audience.
Clashs en plateau
Mais il n’y a pas que dans les tribunaux qu'Eric Zemmour s’attaque aux rappeurs. En tant que polémiste, Eric Zemmour a eu l’occasion de se retrouver plusieurs fois face à des rappeurs sur des plateaux de télévision. C’est d’ailleurs au sujet de sa vitrine médiatique que Youssoupha l’attaquait dans le fameux morceau qui a déclenché les hostilités, reprochant aux chroniqueurs de "diaboliser les banlieusards".
Dans "On n’est pas couché" en 2008, il félicite Abd El Malik de ne pas écrire comme "ces rappeurs qui se la jouent 'je hais la France, je crache sur tout le monde et j’agresse tout le monde'". Il enchaîne ensuite en démontant l’écriture de Grand corps malade et va même jusqu’à parler d’une "déculturation profonde des générations".
Les rappeurs lui rendent bien
Face à ces attaques, les rappeurs ne restent pas sans réaction, loin de là. Eric Zemmour est cité dans de nombreux morceaux, et rarement pour parler de lui en bien. En 2016, dans le morceau "Racailles", Kery James se demande "que foutait Eric Zemmour sur une chaîne publique?". Même réflexion plus récemment de la part de Kalash Criminel dans son feat avec Damso : "Pourquoi on censure Dieudonné mais on laisse parler Eric Zemmour?".
Dans "Terrain glissant", Hornet La Frappe parle de son profil qui dérange le polémiste : "Fils d'immigré, carte de séjour, pas très français, demande à Zemmour". Et puis un peu à la manière de Youssoupha, R.E.D.K sous-entend qu'il souhaite à Zemmour une fin compliquée dans son couplet sur "Légendaire" sur le Classico Organisé : "Si Zemmour chope le Covid, appelez le toubib de Michael".
Une haine profonde
Si on regarde les idées politiques mises en avant par Eric Zemmour, ses réactions presque allergiques face à tout ce qui touche au rap game ne sont pas si étonnantes. Aujourd’hui, le rap est énormément écouté, et notamment par les plus jeunes générations. Au-delà de la musique, il possède aussi sa propre langue, son propre jargon, dont certains mots sont entrés peu à peu dans le langage courant.
Et s’il y a bien quelque chose qui donne des nausées à Eric Zemmour, c’est quand on touche à la langue française. Il suffit de se rappeler sa proposition d’imposer que les nouveaux nés portent des "prénoms français". On imagine donc que voir des mots comme "kiffer" dans le Larousse, ça ne doit pas trop le faire… kiffer.
Parmi les autres sujets favoris du polémiste, il y a aussi le fameux "grand remplacement". Il s’agit d’une théorie complotiste qui consiste à dire que la population européenne est en train d’être remplacée par des immigrés maghrébins et africains. Le rap français étant un milieu très racisé, Eric Zemmour craindrait-il de voir Booba, Fianso ou Niska remplacer Patrick Bruel, Zazie et Florent Pagny pour le show des Enfoirés ?