La Grande Forme

Psychothérapie : peut-on devenir dépendant à son psy ?

Male therapist analyzing paper while sitting with patient at home office

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Peut-on devenir dépendant à son psy? Si oui, est-ce une bonne chose ou une difficulté ? Est-ce la responsabilité du psy ? Comment s’en défaire ? Éléments d'information avec le Dr Caroline, psychiatre référent dans "La Grande Forme".

"Être dépendant" 

Nous sommes des êtres fondamentalement dépendants. Nous naissons dépendant de nos parents pour survivre, rapidement nous devenons dépendants de nos smartphones. Parfois nous développons une dépendance physique à certaines substances comme l’alcool, la drogue.

Relationnellement aussi nous sommes dépendants des autres, personne n’arrive à vivre seul , sans besoin d’aucun contact , toute sa vie. Être dépendant c’est ne pas avoir d’autonomie par rapport à la chose, ne pas pouvoir s’en passer ou difficilement, explique le Dr Caroline, psychiatre.

C’est ok d’être dépendant de la nourriture , c’est un besoin vital. C’est ok dans un couple d’être codépendant : je peux vivre sans mon mari, mais je n’aimerais pas ça, j’aurais du mal à m’en passer. Donc quelque part je suis en même temps autonome (je peux me débrouiller toute seule) et en même temps dépendante (je ne peux pas me passer de mon mari).

Donc en ce sens, dans une relation thérapeutique, il est clair que pendant un certain temps , une dépendance peut s’installer vis-à-vis de son psy. Quelque part c’est bon signe, ça veut dire que le lien thérapeutique est là, ça veut dire qu’on se sent progresser et qu’on a l’impression que ces séances nous aident. Une certaine dépendance, temporaire, qui ne prend pas toute la place, qui nous permet de progresser, c’est tout a fait acceptable voire souhaitable, les psychanalystes appellent même ça le transfert !

Quand est-ce que ça devient problématique ?

Là où ça devient compliqué, c’est quand cette dépendance fait que c’est la chose qui nous contrôle et pas nous qui contrôlons la chose. Par exemple, quelqu'un qui est dépendant à l’alcool, c’est l’alcool qui le contrôle (je dois boire, l’alcool m’appelle sinon je tremble, je suis en manque, je ne peux pas m’en passer) et pas lui qui contrôle la consommation d’alcool.

Si je suis dépendante de mon mari, et que j’ai perdu le contrôle, je ferai une crise d’angoisse dès qu’il s’éloignera de moi : "J’ai une patiente qui est dans ce cas actuellement , elle s’en rend compte et c’est douloureux mais elle ne peut rien y faire dès que son mari sort de la maison elle a une crise d’angoisse, cela devient problématique pour les deux parce qu’à force d’être l’un sur l’autre, ils finissent par se disputer", précise le Dr Caroline.

Plusieurs conditions qui peuvent faire que la dépendance devient problématique:

  • même si on va mieux, même si on est en difficultés financières, même si on déménage, on se sent totalement incapable d’arrêter les séances alors même qu’elles ne sont plus nécessaires ou qu’elles sont devenus impayables.
  • Le côté temporaire devient permanent ? Une thérapie c’est sensé avoir un début et une fin, si ça fait 25 ans que vous êtes en analyse 3 fois par semaine, peut-être qu’il est temps de se poser la question de la dépendance.
  • La relation avec le thérapeute prend une place de plus en plus importante, vous y pensez beaucoup en dehors de séances, vous en rêvez. Dès que vous faites quelque chose, vous vous demandez " qu’est ce que mon psy en penserait? ". Votre psy c’est une partie de votre vie, pas toute votre vie. Il ne doit pas prendre contrôle de toutes vos pensées.

Est-ce que ça peut être la faute du psy ?

Normalement, les psy sont formés à garder cette distance thérapeutique nécessaire. Ils savent qu’une certaine dépendance s’installe mais ils sont attentifs à ne pas en abuser, à travailler aussi la fin de la thérapie, à favoriser l’autonomie de la personne.

Par exemple, le Dr Caroline dit souvent aux personnes qui viennent la voir : "Bravo pour le chemin que VOUS avez parcouru" ; elle insiste sur le fait que même si elle était à côté, elle n’a rien fait, c’est eux qui ont fait le boulot.

Mais c’est vrai que parfois, il peut y avoir des ratés du côté du psy aussi

  • soit c’est un charlatan ou un gourou, et il voudra induire/alimenter et entretenir cette dépendance parce que ça nourrit son égo ou son portefeuille. C’est hyper rare, si vous avez des doutes, il faut en parler à quelqu’un qui vous est proche et qui est plus neutre et objectif. Vous exposez les faits : "Il me dit que je dois venir 4 fois par semaine pour vraiment avancer", "Il me propose de participer à un stage sélect où ne peuvent aller que quelques uns de ses patients les plus engagés, mais bon c’est 6000 euros la semaine " qu’en penses-tu ?
  • Beaucoup moins rare, le psy n’est pas un charlatan, il fait vraiment du mieux qu’il peut et a vraiment envie de vous aider mais lui-même n’a pas résolu tous ses problèmes d’attachement. Il a besoin de vous pour se sentir performant autant que vous avez besoin de lui. Il peut être flatté par le fait que justement on dépende de lui. Là, mieux vaut vous fier à votre feeling. Pour qu’une relation thérapeutique soit efficace pour vous, vous pouvez avoir le meilleur thérapeute en face de vous, si vous ne le sentez pas, y’a rien qui se passera. Donc fiez-vous à votre ressenti.
Therapist explaining male patient during session at home office
Therapist explaining male patient during session at home office © Tous droits réservés

Possible d'être dans la juste dépendance ?

  • Commencer par trois séances : une c’est trop peu, trois c’est bien pour peser le pour et le contre. Rappelez-vous que vous avez le choix. Vous n’êtes jamais obligé de continuer si vous ne le sentez pas.
  • Si vous vous sentez trop dépendant de votre psy : parlez en lui, s’il est bon, il pourra vous écouter et travailler cette dépendance avec vous. Si vous doutez de lui, parlez-en à votre entourage.
  • Parfois on croit que c’est le moment d’arrêter parce que, franchement, on y va avec des pieds de plomb, on a plus rien à dire, on parle de la pluie et du beau temps, on se met même à ressentir de l’agressivité pour ce fichu psy qui reste impassible dans son fauteuil.

Là, il n’y a pas mille solutions : soit c’est le moment d’arrêter, soit pas !

Se poser les bonnes questions

  • Ce n'est pas le moment d’arrêter ?

Parfois, on a l’impression que c’est fini mais en fait c’est une résistance de votre inconscient. Le petit malin, il sent que vous allez aborder le dur, ce qui vous tracasse au plus profond mais que vous avez bien enfoui, il n’a pas du tout envie que ça refasse surface (trop de souffrance, de craintes, de complexes) alors il vous distrait, il vous dit que votre psy est vraiment nul et qu’en c’est ultra embêtant d’y aller. Si vous arrêtez à ce moment là, votre inconscient sera content mais comme une cocotte pression ça risque de vous exploser à la figure à un moment ou à un autre.

  • C'est le moment d’arrêter?

Vous vous sentez vraiment mieux, les symptômes que vous aviez sont beaucoup plus gérables, vous dormez mieux, vous avez rencontré quelqu’un. Votre entourage vous dit que vous êtes plus souriant. Les relations avec votre entourage se sont naturellement améliorées. Vous arrivez à dire les choses, à mettre des limites. Bref, vous avez tous les signes que ce travail sur vous fait effet. En plus c’est durable, cela fait quelque mois que vous vous sentez mieux.

Super signe: si vous vivez une épreuve douloureuse pendant cette période mais que vous abordez ça avec calme et que ça ne vous déborde pas.

Comment savoir quand c’est le bon moment ?

  • En parler à cœur ouvert à votre psy (on est censé pouvoir recevoir votre ras le bol avec calme)
  • Ne pas décider sur un coup de tête, laissez passer quelques séances, voyez vers où vous entraînent vos rêves et vos pensées
  • Le Dr Caroline propose aussi souvent aux patients d’espacer petit à petit les séances et de voir comment ils se portent. Parfois, on fait des allers-retours, on espace , on rapproche en fonction des besoins et de moments.

"Le rôle du thérapeute est d’être à votre écoute, pas trop rigide et qu’il puisse en même temps vous laisser vous éloigner et en même rester disponible en cas de besoin. Même chose quand on termine une thérapie, je dis toujours que je reste disponible si cela s’avérait nécessaire dans le futur et ça permet de beaucoup diminuer les craintes de ceux qui ont peur d’arrêter", conclut notre spécialiste.

Retrouvez "La Grande Forme" en direct du lundi au vendredi de 13h à 14h30 sur VivaCité. Vous avez manqué l’émission ? Nous vous invitons à la revoir sur Auvio ainsi que sur différentes plateformes de Podcast.

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