Voyages

Promenade dans le monde de la musique américaine

George Crumb

© Oscar White / Corbis / VCG via Getty Images

Axelle Thiry vous propose une promenade dans le monde de la musique américaine, avec notamment les œuvres du compositeur George Crumb, décédé le 6 février dernier.

George Crumb et son désir de "contempler les choses éternelles"

George Crumb a reçu le prix Pulitzer 1968 pour Echoes of Time and the River. Son œuvre lui a aussi valu des prix de l’UNESCO et de diverses fondations comme Fromm ou Guggenheim. Selon l’Ircam sa musique doit sa forte originalité à ses sonorités, ses aspects rituels et mystiques, et elle témoigne d’une intense sensibilité poétique. De nombreuses œuvres vocales de George Crumb sont inspirées de poèmes de Federico García Lorca.

George Crumb aime chercher de subtils effets de timbres. Voilà qui reflète son désir de "contempler les choses éternelles". Il n’hésite pas, pour atteindre le but désiré, à inventer de nouvelles techniques. Son œuvre Makrokosmos est inspirée des 12 signes du zodiaque. C’est une sorte de chant des étoiles pour piano amplifié. George Crumb dessine parfois de véritables orgies d’harmoniques. Il explore des sonorités inouïes. Il utilise toutes sortes de techniques originales, par lesquelles il exploite les infinies possibilités de l’instrument. George Crumb a donné quelques pistes sur ses sources d’inspiration pour cette œuvre. Parmi ce qui a hanté son imagination pour Makrokosmos, il cite notamment les propriétés magiques de la musique, la temporalité, mais également la question de l’origine du mal et puis ces paroles de Pascal " Le silence éternel des espaces infinis m’effraie. "

George Gershwin, "What is American Music ?"

En janvier 1924, le directeur musical Paul Whiteman, annonce dans un journal, un concert intitulé What is American Music ?, avec la composition d’un concerto jazz par George Gerswhin pour l’occasion.

Gershwin est dépourvu. C’est lui qui avait suggéré cette idée à Whiteman, deux ans plus tôt, mais il n’avait pas encore écrit la moindre note de cette œuvre, et le concert était fixé cinq semaines plus tard. George Gershwin présente ses excuses à Whiteman mais celui-ci réussit à le convaincre qu’il est capable d’écrire un concerto formidable dans ce délai.

Gershwin doit faire un aller-retour en chemin de fer en ce même mois de janvier. Il raconte : "J’étais dans le train, avec son rythme d’acier, son bruit cliquetant, si stimulant pour un compositeur (j’entends souvent de la musique au cœur même du bruit) lorsque j’entendis soudain – je la vis même sur le papier — toute la construction de la rhapsodie du début jusqu’à la fin. Aucun nouveau thème ne m’est venu à l’esprit, mais j’ai travaillé sur le matériau thématique que j’avais en tête, en essayant de concevoir cette composition comme un tout. Je l’ai entendu comme une sorte de kaléidoscope musical de l’Amérique, de notre vaste melting-pot, de notre indéfectible enthousiasme national et de notre folie métropolitaine. En arrivant à Boston, je possédais un plan précis de la partition, sinon sa substance réelle. Le thème principal est venu s’ajouter par la suite. C’était chez un ami ; me mettre naturellement au piano au cours de réception est une de mes faiblesses. C’est ainsi que, sans penser le moins du monde à la rhapsodie, je me suis entendu jouer un thème qui devait être en moi et qui ne demandait qu’à émerger. A peine était-il tombé sous mes doigts que je me suis rendu compte que je venais de trouver un thème pour ma nouvelle partition. Une semaine après mon retour de boston, j’avais pratiquement terminé la composition de Rhapsodie in Blue."

Le 12 février 1924, on joue sa Rhapsody in Blue, sur la scène du Aeolian Hall. C’est Gerswhin qui interprète les solos du piano. L’œuvre connaît un succès monstre. Le public est ébahi. La Rhapsodie in Blue, une œuvre qui a donné son nom à une rose.

John Adams, Doctor Atomic

John Adams est un compositeur et chef d’orchestre américain de musique contemporaine. Il a d’abord été fortement inspiré par la musique minimaliste, dont Steve Reich est un pionnier en Amérique. John Adams s’est ensuite éloigné de ce courant, en créant des œuvres dans des styles très différents.

Il confiait au cours d’un entretien avec Rebecca Lentjes : "Je suis conscient que mon style et mon langage ont changé. Le minimalisme musical est un langage très pur et rigoureux, tout comme le minimalisme en sculpture et en peinture. Dès le départ, je sentais un fort attrait pour la surprise dramatique. Bien que j’apprécie beaucoup de choses dans le minimalisme, j’ai senti que c’était émotionnellement trop monochrome. Je voulais créer un langage qui soit susceptible d’une vie émotionnelle plus fluide… Avec le temps, j’ai aussi essayé de développer un langage harmonique plus varié."

Philip Glass, pionnier de la musique minimaliste en Amérique

Philip Glass est, avec Steve Reich, un des pionniers et l’un des représentants les plus éminents de la musique minimaliste en Amérique. Ses premières œuvres représentent le minimalisme le plus pur. Plus tard, il préférera utiliser l’expression "musique avec structures répétitives", ce qui est une manière pour lui de dire que l’aspect répétitif n’est plus prépondérant. Ses dernières œuvres sont très éloignées du courant minimaliste.

Philip Glass se décrit parfois comme un compositeur classique, rompu à l’harmonie et au contrepoint, ayant étudié Jean Sébastien Bach, Ludwig van Beethoven et Franz Schubert.

Philip Glass a composé ses Études sur 21 années, de 1991 à 2012. Elles sont le fruit de diverses commandes. Elles ont été enregistrées par Vikingur Olafson. Il raconte qu’un jour, il voyageait avec Philip Glass, pour un concert où il allait jouer ses études. Ils s’étaient levés à 4 heures du matin et après le concert, Philip Glass les avait invités à dîner. Il était à la veille de ses 77 ans. A minuit, il commande du champagne pour les autres et du café pour lui, expliquant qu’il n’avait pas encore eu de temps pour composer, et qu’il le fait toujours environ 5 heures par jour… Il allait donc se mettre à travailler, lorsqu’il serait rentré à l’hôtel. Pour Philip Glass, "la musique est un lieu, aussi réel que Chicago, ou n’importe quel lieu auquel vous voulez penser."

Samuel Barber, en dehors de l’influence des traditions locales

Samuel Barber est un artiste plutôt indépendant, qui évolue en dehors de l’influence des traditions locales. Parfois, il veut montrer qu’il peut être un compositeur américain, et il glisse dans sa musique, avec un peu d’humour, des rythmes de booggie, de blues et de danses de cow-boy.

Mais le plus souvent en écoutant sa musique, on se dit qu’il pourrait être un postromantique de presque n’importe où dans le monde. Pour Samuel Barber le désir d’être fidèle à soi-même l’emporte sur tout. Lors d’une interview en 1979, il dit : "Il n’y a vraiment aucune raison pour que la musique soit difficile à comprendre pour ses auditeurs. Non pas que je m’adresse nécessairement à eux ni, du reste, aux exécutants. Pas plus qu’à la postérité. J’écris pour le présent, et j’écris pour moi-même…. Je pense que la plupart de la musique vraiment bonne sera, en fin de compte, appréciée du public."

Bernstein et West Side Story

La musique américaine est notamment connue dans le monde entier pour les comédies musicales de Broadway. Avec West Side Story, Leonard Bernstein signe la musique d’un des grands spectacles de Broadway. Leonard Bernstein est un pianiste de talent, compositeur de génie. Il a aussi été le directeur musical du New York Philharmonic à une de ses plus grandes époques.

Voici un extrait du journal de bord que Leonard Bernstein tenait pour West Side Story : "New York, 6 janvier 1949. Jerry Robins m’a rendu visite aujourd’hui, avec une noble idée : une version moderne de Roméo et Juliette, qui se passerait dans des taudis au moment où on célèbre en même temps les Pâques juive et chrétienne. La tension est grande entre Juifs et catholiques. Les premiers sont les Capulets, les seconds les Montaigus. Juliette est juive. Le frère Laurent est le tenancier du drugstore du coin. Bagarres de rues, double mort – tout cela colle bien. Mais c’est bien moins important que l’idée, plus grande, de faire un " music-hall " qui raconte une histoire tragique dans des termes de comédie musicale, en utilisant uniquement des techniques de la comédie musicale, sans jamais tomber dans le piège de l’"opéra". Est-ce que ça peut réussir ? Jusqu’à présent, ça n’a pas encore été le cas dans notre pays. Je suis très excité. Si ça peut marcher, alors ce sera la première fois."

Elliott Carter

De nombreux compositeurs américains sont influencés par la culture européenne, avec ses fortes valeurs intellectuelles. C’est le cas notamment d’Elliott Carter. Il débute dans une veine néoclassique avant de trouver son propre langage. Il écrit une musique exigeante, dans un grand esprit d’indépendance.

Dans sa Sonate pour piano, Carter exploite les ressources sonores de l’instrument et il voulait faire du piano le centre de l’œuvre d’où naîtrait la musique. Cela implique selon lui quelque chose d’assez intéressant : la musique doit sonner comme si elle avait besoin du piano pour dire ce qu’elle a à dire. Elliott Carter confie : "De cette manière, je choisis d’abord l’instrument pour lequel je vais écrire ; c’est après seulement que j’essaie de trouver le genre de musique approprié à cet instrument en particulier, en mettant en valeur les différentes qualités de celui-ci."

La passion fait vivre. Carter, décédé en 2012, a vécu 103 ans.

Aaron Copland

Aaron Copland est une des grandes figures de la musique américaine. Il a été profondément marqué par ses études à Paris auprès de Nadia Boulanger, cette pédagogue extraordinaire. Elle avait notamment le don d’encourager ses élèves à trouver leur propre voie.

Copland accueille de nombreuses influences dans sa musique, celle de la musique symphonique et du jazz, mais aussi des motifs de la vie de tous les jours en Amérique. Un de ses souhaits est de composer de la musique accessible au plus nombre. Il écrit des musiques de film et des ballets comme le célèbre "printemps des Appalaches". Il s’y inspire de scènes de la vie campagnarde américaine.

En 1948, Aaron Copland compose un Concerto pour clarinette. C’est une commande du clarinettiste de jazz Benny Goodman. Quand il se penche sur la partition, Copland a le style de Goodman à l’esprit, notamment dans les rythmes de jazz. Le premier mouvement évoque les grands espaces libres de l’Amérique. Et selon Copland, le second mouvement renferme une "fusion inconsciente d’éléments apparentés à la musique populaire de l’Amérique du Nord et du Sud."

Programmation :

Georges CRUMBLes deux premiers mouvements de la Sonate pour violoncelle seul. Truls Mork. PSC 1023. .

Georges CRUMBDes extraits des Makrokosmos, pièce d’après les signes du zodiaque, pour piano amplifié (Primeval sounds, The Abyss of Time, Dream Images, Spiral Galaxy) . Toros Can. L’Empreinte Digitale 13165.

George GERSHWINRhapsodie in Blue. Jean-Yves Thibaudet et l’Orchestre symphonique de Baltimore sous la direction de Marin Alsop. DECCA 4782189.

John ADAMSBatter my heart extrait de Doctor Atomic. Gerald Finley & BBC Symphony sous la direction de John Adams. Nonesuch.

Philip GLASSEtudes n° 9, 15 et 5. Vikingur Olafsson. DG 002894796918.

Samuel BARBERLes deux premiers mouvements du Concerto pour violon. Gil Shaham et London Symphony Orchestra sous la direction d’André Prévin. DG 4398862.

Leonard BERNSTEINUn extrait des Danses symphoniques de West Side Story. London Symphony Orchestra sous la direction de Michael Tilson Thomas. DG 2894829.

Leonard BERNSTEINMaria, extrait de West Side Story. José Carreras & sous la direction de Leonard Berstein. DG 2894829.

Elliott CARTERLe premier mouvement de la Sonate pour piano. Claire-Marie Le Guay. Accord 465 772-2.

Aaron COPLANDUn extrait du Concerto pour clarinette et orchestre à cordes avec harpe et piano. Sharon Kam & l’orchestre symphonique de Londres sous la direction de Gregor Buhl. Teldec 884822.

Production et présentation : Axelle THIRY

Réalisation : Antoine DUWAERTS

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