Belgique

Prolongation de Doel 4 et Tihange 3 dès novembre 2026 : voici ce qu’ont conclu Engie et le gouvernement

Une conférence de presse s’est tenue, dans la foulée d’un kern, un comité ministériel restreint du gouvernement fédéral, qui s’est réuni ce lundi à 15h30. Sur la table de ce kern se trouvait le dossier de la prolongation du nucléaire. Les principaux ministres du gouvernement y ont examiné l’accord conclu entre le gouvernement fédéral et Engie au sujet de la prolongation de deux réacteurs nucléaires, ceux de Doel 4 et de Tihange 3.

En décembre dernier déjà un accord semblait en vue entre Engie et l’Etat belge pour prolonger de 10 ans les réacteurs nucléaires de Doel 4 et Tihange 3 après six mois de négociations. Mais au final, le conseil ministériel restreint tant attendu du 31 décembre n’avait pas eu lieu.

Ce lundi 9 janvier, des réunions "au plus haut niveau" ont encore eu lieu dans la matinée pour aboutir à un accord qui valide la prolongation des réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 pour dix ans, à partir de novembre 2026, sous la responsabilité d’Engie et de l’Etat fédéral.

Ce qui est dans l’accord

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Engie et le gouvernement fédéral se sont donc mis d’accord sur une prolongation des deux réacteurs. En principe, ces réacteurs devraient être prêts à fonctionner pour dix ans à partir de novembre 2026. Avant cette date, des travaux devront être entrepris pour préparer les centrales à une décennie d’activité supplémentaire.

"Avec cette décision, les travaux peuvent commencer demain pour la prolongation des deux centrales les plus récentes", a déclaré Alexander De Croo, le Premier ministre. "On reprend notre destin énergétique en main", a-t-il ajouté.

L’accord ficelé entre Engie et le fédéral prévoit aussi que les deux réacteurs seront cogérés par l’Etat et Engie, ceux-ci se répartissant les coûts et les bénéfices de l’activité de production électrique. L’Etat et Engie se partageront à 50-50 cette société créée conjointement pour commercialiser l’électricité pendant dix ans par les deux centrales. "Nous avons aussi décidé sur les méthodes et les procédures par rapport aux investissements et au modèle économique qui est derrière", a expliqué le Premier ministre.

Enfin, un autre point concerne le coût et la gestion des déchets nucléaires issus de la poursuite de l’activité de Doel 4 et Tihange 3. "Tout n’a pas été décidé aujourd’hui", a reconnu le Premier ministre. Cependant, l’accord conclu prévoit déjà "à quel moment les déchets seront transférés de l’opérateur vers l’Ondraf" (l’organisme fédéral de gestion des déchets radioactifs, ndlr), a expliqué Alexander De Croo.

L’accord définit ainsi "le cadre d’un futur plafonnement des coûts futurs liés au traitement des déchets nucléaires", précise le communiqué publié par le gouvernement.

On se serait aussi mis d’accord sur la manière de calculer le coût de la gestion de ces déchets. Il resterait à effectuer les calculs. "La Commission pour les provisions nucléaires peut commencer à faire ses calculs, avec l’Ondraf", a déclaré Alexander De Croo, précisant que d’autres accords seront à conclure.

Objectif : pouvoir compter sur deux réacteurs nucléaires à partir de l’hiver 2026-2027

L’objectif de cette prolongation de deux réacteurs nucléaires au-delà de 2025 est clairement de ne pas manquer d’électricité en Belgique. Sans ces réacteurs, l’hiver 2026-2027 s’annoncerait difficile. L’hiver suivant ne serait pas plus rassurant.

Le développement des énergies renouvelables et la mise sur pied de centrales au gaz pour pallier le manque des réacteurs nucléaires seraient encore insuffisants pour permettre de se passer de la capacité de production de deux réacteurs nucléaires. Les incertitudes sur l’état de santé du parc nucléaire français ont aussi pesé dans la balance, car de nombreux réacteurs sont à l’arrêt dans l’Hexagone pour réparation.

Lors de la conférence de presse, la ministre de l’Energie, Tine Van Der Straeten (Groen) a mis en avant le travail qui pourra être fait pour atteindre "des prix moins volatils" de l’électricité et "plus d’indépendance énergétique".

Doel 4 et Tihange 3 devront être arrêtés pour travaux avant d’être redémarrés pour dix ans

Cependant, prolonger de dix ans la durée de vie de réacteurs nucléaires ne s’improvise pas. Il va falloir d’abord mettre les réacteurs de Tihange 3 et Doel 4 à l’arrêt pour y réaliser des travaux de maintenance et des ajustements techniques.

Au début décembre 2022, Elia, le gestionnaire de réseau avait refait le point sur l’approvisionnement énergétique au cours de l’hiver 2025-2026. On s’attendait déjà alors à ce que les réacteurs de Doel 4 et Tihange 3 ne soient pas encore disponibles en raison des travaux qui doivent y être réalisés. A priori, Doel 3 et Tihange 4 devraient être arrêtés à partir de la fin de l’été 2025 pour les travaux prévus. Les deux réacteurs devraient être à nouveau disponibles au plus tôt juste avant l’hiver 2026-2027. C’est en tout cas ce qui est imaginé par le gouvernement et Engie.

Puisque Doel 4 et Tihange 3 ne seront pas encore opérationnels, la Belgique sera-t-elle suffisamment approvisionnée en électricité au cours de l’hiver 2025-2026 ? Sur ce point, il n’y a pas encore de réponse.

Quasi un an d’hésitations et de discussions avant d’arriver à cet accord

Fin 2021-début 2022, le gouvernement fédéral hésitait à entériner pour de bon la fin des réacteurs nucléaires belges. Une loi de 2003, confirmée en 2015, prévoyait en effet l’arrêt des cinq réacteurs nucléaires du pays à l’horizon 2025. Mais l’hiver dernier, au sein de la majorité, les points de vue divergeaient. Fallait-il poursuivre en vue du démantèlement des centrales, comme prévu dans la loi ? Ou fallait-il temporiser, alors que la crise énergétique commençait à inquiéter avec des conséquences lourdes sur les prix et l’approvisionnement. Le Plan A du gouvernement, celui de se passer du nucléaire en le remplaçant par du renouvelable et des centrales à gaz est apparu alors plus risqué et plus aléatoire que prévu.

Le 18 mars 2022, les Russes ont entretemps déclaré la guerre à l’Ukraine, le contexte énergétique est plus tendu que jamais. Le gouvernement finit par se mettre d’accord pour prolonger deux réacteurs nucléaires au-delà de 2025. On veut, par cette mesure, garantir l’approvisionnement électrique de la Belgique, car on sait déjà que, sans réacteurs nucléaires, l’hiver 2026-2027 et même l’hiver 2027-2028 seront délicats à passer.

Il restait à négocier avec Engie dont les plans étaient plutôt de tourner la page du nucléaire belge. Quelques semaines plutôt, la direction d’Engie avait envoyé un courrier au gouvernement pour lui signifier qu’il serait impossible de prolonger deux réacteurs au-delà de 2025.

Le démarrage des négociations entre le gouvernement et le groupe français Engie a été lent et difficile. Une première étape a été atteinte en juillet 2022 avec la signature d’une lettre d’intention entre les deux parties, ce qui a tracé le cadre d’un futur accord.

D’abord annoncé pour, au plus tard, le 31 décembre 2022, cet accord a donc nécessité quelques jours de plus pour être conclu. Cependant, tout n’est pas encore réglé.

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