Procès du Musée juif : "Mehdi Nemmouche a été piégé par les services iraniens", assure la défense

Procès Nemmouche : les plaidoiries de la défense

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Me Courtoy a multiplié les effets de manche mais n’a pas sorti de lapin de son chapeau lors de sa plaidoirie devant la Cour d’assises, dans le procès de l’attentat contre le Musée juif de Belgique. Sans surprise, il a détaillé sa théorie, déjà exposée plus brièvement : la fusillade du Musée juif n’est ni attentat contre la Belgique, ni un attentat à caractère antisémite, c’est un assassinat ciblé contre les agents du Mossad, le couple Riva.

Lors de son réquisitoire le procureur avait détaillé 23 éléments, autant de briques qui constituent pour lui le mur de la culpabilité de Mehdi Nemmouche. A l’entame de sa plaidoirie, Me Courtoy annonce, lui, une "farandole de preuves". Avec sa verve particulière, l’avocat empile faits et déductions, passe d’un élément à l’autre, dans le désordre, sans réellement faire de lien, ni toujours expliquer son raisonnement. Il ponctue régulièrement son propos de cette petite phrase : "La vie d’un homme est en jeu !". Et s’arrête pour interpeller les procureurs qui réagissent à ses propos : "Je n’ai pas besoin du Muppet show dans mon oreille. J’ai eu la décence de ne pas venir pendant votre réquisitoire, si c’est nerveusement intenable, retournez dans votre bureau !".

Me Courtoy termine sa plaidoirie en enchainant les demies phrases et en assénant son argument massue : "La trace D13 est une empreinte ADN mixte qui se trouve sur la poignée intérieure du Musée, elle contient l'ADN incomplet de Mehdi Nemmouche. Mais cette poignée n'a pas pu être touchée ni par le tireur ni par l'homme qui a effectué le repérage la veille de l'attentat !". Et d'ajouter : "J'espère que tout le monde a compris que Mehdi Nemmouche a été piégé !". Quant à savoir par qui il aurait été piégé, Me Courtoy ne répond que par allusion. Il fait notamment référence aux services iraniens et de préciser : "Je ne vais pas diffuser un portrait robot, je ne veux pas un événement en 80 secondes chez moi !". L'attentat au Musée juif a duré 82 secondes.

" Manipulation ", " mensonge ", " trucage "…

Tout au long de son exposé, Me Courtoy déroule le fil de sa ligne de défense : Mehdi Nemmouche est victime d’un complot. Les mots " manipulation ", " mensonge ", " trucage ", " bidon ", " mentir " s’enchaînent. " Vous comprenez pourquoi il doit être condamné ? Il y a 4 morts au pied du palais de justice (le Musée juif est à deux pas du palais, ndlr), c’est un affront à l’institution judiciaire ".

Pour Me Courtoy, le couple Riva travaillait pour le Mossad. Il en veut pour preuve une interview parue dans le journal israélien Haaretz. Un expert y aurait déclaré qu'une source gouvernementale lui aurait expliqué que le couple était lié au Mossad et chargé de la surveillance du mouvement chiite. Par ailleurs, l'ambassadeur d'Israël en Belgique a eu un contact avec les enquêteurs, mais il n'y a eu pas de PV. "Ce n'est peut-être pas totalement le fruit d'une coïncidence", insinue Me Courtoy. Il affirme aussi qu'il a fallu attendre deux ans pour obtenir une réponse d'Israël sur la fonction du couple Riva : fonctionnaire d’État, au service comptabilité. "Je m'étonne que depuis deux mois on me fasse passer pour la lie nazie de l'humanité", signale-t-il au passage.

Trop de coïncidences

Autre coïncidence à laquelle Me Courtoy ne veut pas croire : une carte de métro a été retrouvée chez les Riva avec une croix à côté de la station Erasme. Or, lors du cambriolage chez Me Lurquin (avocat des parties civiles), deux dossiers ont été volés. Le dossier Nemmouche et le dossier Wybran, un homme assassiné sur un parking d'Erasme. Pour Me Courtoy, cela fait deux occurrences avec Erasme, cela ne peut pas être dû au hasard. 

Le pénaliste évoque également une autre victime : Alexandre Strens. Il rappelle qu’Alexandre Strens vit sous une fausse identité israélienne et que son père est fiché par la Sûreté de l’État, " et ensuite, tout le monde se retrouve au tapis dans le Musée ! ". 

Voilà pour le lien avec le Mossad. Pourquoi la fusillade ne peut pas être un attentat antisémite ? Pour Me Courtoy, la réponse est limpide : "Si je veux m'en prendre à la communauté juive : 1) je le dis dans ma revendication et 2) je ne vais pas dans un musée le samedi alors qu'il y a la grande synagogue un peu plus loin !". Or dans la vidéo de revendication, il n’y a pas " le moindre mot antisémite ". " Alors quoi ?, demande l’avocat. Mehdi Nemmouche a été distrait et a oublié de laisser un petit mot pour les Palestiniens et contre les Juifs ? C’est une coïncidence ? ". A propos des vidéos de revendication, le pénaliste ajoute aussi que le langage qui y est utilisé ne correspond pas à celui de son client : " Mehdi Nemmouche a un français impeccable, il ne fait pas une faute. Par contre, le type qui revendique, c’est un handicapé linguistique. En 5 minutes, il fait 8 fautes ". Conclusion : ce ne serait pas Mehdi Nemmouche qui parle dans les vidéos, elles seraient bidons.

Il y aurait deux guetteurs

La fusillade, selon la défense, n’est donc pas non plus un attentat contre la Belgique : " Après l’attentat, il y a tout pour faire un communiqué triomphaliste, mais l’État Islamique ne le fait pas. Il y a des personnes qui manipulent d’autres personnes pour leur faire porter le chapeau ". " Un type qui fait un attentat pour l’État Islamique, il va jusqu'au bout. Ici, pas du tout, s’exclame Me Courtoy. Exécution, exécution, exécution et ensuite il s'en va ! Et si c'est un attentat, on crie "Allah Akbar", il n'y a pas ça ici ! Coïncidence ? " Pour l’avocat, il n’y a qu’une conclusion à en tirer : le modus operandi est celui d’une exécution.

Evoquant ce qu’il appelle " l’exécution ", Me Courtoy mentionne aussi un témoignage qui fait état de deux jeunes hommes entrés dans un commerce en face du Musée, quelques minutes avant l’attentat. Ceux-ci avaient un accent étranger et auraient posé des questions bizarres. Pour Me Courtoy, il s’agit de deux guetteurs : "Les deux guetteurs donnent un signal et puis le tueur arrive et les exécute". 

Cet ADN, c’est celui du tueur

Mais qui serait le tueur, si ce n’est pas Mehdi Nemmouche ? L’avocat renvoie à la paire de chaussures Calvin Klein trouvée en possession de Mehdi Nemmouche lors de son arrestation et dont la trace de semelle se retrouve au Musée juif. Les enquêteurs y ont retrouvé la trace ADN de Mehdi Nemmouche et celle de quelqu’un d’autre. Pour le conseil, cette autre trace ne peut démontrer qu’une chose : " Le 24 mai 2014, il y a un autre type qui n’est pas Mehdi Nemmouche et qui porte cette paire de chaussures. Cet ADN, c’est donc celui du tueur ".

Me Courtoy parle aussi d’un " deuxième homme " qui aurait tendu un piège à Mehdi Nemmouche. Il entend prouver que cette personne était présente dans l’appartement occupé par son client. Ce serait elle qui aurait effectué des recherches avec l’ordinateur de Mehdi Nemmouche alors que celui-ci n’avait pas encore le code du Wifi. C’est à elle qu’aurait été destiné le sac de couchage que possédait Mehdi Nemmouche. " Cette personne ne lui veut pas du bien. Et elle a accès à tout ce qui est dans cet appartement ", poursuit l’avocat. Il ajoute, sans autres explications : " Elle fait partie des services pour lesquels Mehdi a travaillé ". Il précisera qu’ils étaient en fait " bien plus que deux " .

Ils font tout pour couillonner Mehdi Nemmouche

Revenant sur l’arrestation de Mehdi Nemmouche à Marseille, lors de laquelle il n’a pas opposé de résistance, le conseil déclare : "Pourquoi, perdu pour perdu, islamiste haineux radicalisé voulant à tout prix devenir une vedette, n'a-t-il pas tiré dans le tas ou pris un otage ? Parce que Mehdi Nemmouche ne sait pas tuer un être humain, point à la ligne. Le type que j'ai vu sur les images, il aurait tiré !" Et s’il a des armes sur lui, c’est pour se protéger.

Me Courtoy attaque régulièrement l’enquête. Il revient notamment sur son argument favori : les enquêteurs ont truqué la photo qui a servi à l’appel à témoins pour faire ressembler le tueur à Mehdi Nemmouche. Dans un langage fleuri, il égratigne aussi les journalistes ex-otages qui affirment que Nemmouche était leur geôlier en Syrie : " Je les appelle journalistes et pas otages. Ils font tout pour couillonner Mehdi Nemmouche ". Tout au long de son exposé, il n’épargne pas non plus ses collègues avocats. En interview, il se réjouit d’ailleurs de la qualité de sa plaidoirie : " C’est une boucherie pour les avocats des parties civiles."

 

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