Attentats de Bruxelles

Procès des attentats de Bruxelles : "Les médecins me donnaient zéro chance de survie", témoigne Karen Northshield, soufflée par la première bombe à l’aéroport

© RTBF Mélanie Joris

Par Patrick Michalle

Karen Northshield est citoyenne belge d’origine américaine. Elle est âgée aujourd’hui de 37 ans. Lorsque la présidente l’interroge sur sa profession, elle répond : "invalide de guerre", la formule donne le ton de ce qui va suivre, le témoignage d’une combattante.

Imaginez-vous occupé à vous vider de votre sang sur le sol froid de l’aéroport

La formule prendra tout son sens lorsque seront projetées des photos d’elle sur la table d’opération peu après l’attentat. Elle s’attardera peu sur le récit du matin du 22 mars. "Il est 7h52 à l’aéroport et je suis en partance pour rejoindre ma famille aux États-Unis. En une fraction de seconde, je suis emportée par la première bombe, envolée dans les airs […]. Imaginez-vous occupé à vous vider de votre sang sur le sol froid de l’aéroport […], hanches et jambes en morceaux, les intestins qui pendent hors de votre corps […], l’attente semble durer une éternité".

Lorsqu’elle se réveille à l’hôpital, vu son état, les médecins lui donnaient zéro chance de survie mais c’était sans compter sur sa rage de vivre. Une rage qui finira par être plus forte. "J’étais proche de la mort et ma vie ne tenait qu’à un fil. Ce calvaire aux unités de soins intensifs a duré 79 jours entre coma et état second".

Un long chemin de souffrances vers la résilience

© PaliX RTBF

Sur les conséquences de ce jour funeste du 22 mars, "en une fraction de seconde, ma vie a basculé dans un cauchemar", dit-elle. Elle évoque alors les combats qui se succèdent les uns après les autres. "Ce n’est pas la mort que j’ai connue, c’est l’enfer. Au lieu de me réveiller au soleil près de mes proches, je me réveille dans un lit de flammes et de douleurs. De jeune femme heureuse, dynamique, épanouie, en parfaite santé, je suis passée à une femme presque morte, brisée et meurtrie dans mon âme et dans ma chair".

Au lieu de me réveiller au soleil près de mes proches, je me réveille dans un lit de flammes et de douleurs

Aucun mot n’est assez fort pour décrire ce qu’elle a pu vivre, poursuit-elle, rappelant les trois ans et demi passés dans les hôpitaux. Une montagne de souffrance qu’elle a endurée avec sa famille foudroyée, elle aussi, par la douleur de la voir dans cet état. "Je suis brûlée au fer rouge de la tête aux pieds", souligne-t-elle. L’image est forte pour illustrer le combat qu’elle vit au quotidien. "Je ne souhaite à personne de souffrir cela. Cela aurait pu être vous et votre famille".

© Palix RTBF

Viendra le poids des photos projetées à l’audience. La présidente rappelle aux personnes présentes que ce sera "difficile". Deux photos suffisent d’abord pour prendre la mesure de qui était la jeune femme avant la bombe. Une athlète au corps sculpté. Puis c’est l’épouvante avec plusieurs clichés sur la table d’opération. On distingue ce qui devait ressembler à une hanche mais qui n’est plus qu’un trou de chair sanguinolente, puis ses jambes dévastées par les traces de boulons destinés à blesser au moment de l’explosion. "Pour survivre à ces atrocités, il a fallu du courage, de force, de la détermination et beaucoup de résilience", confie-t-elle.

Les pièces de la bombe sont encore dans mon corps

Aujourd’hui, pour témoigner face à la présidente, Karen Northshield a adopté un ton ferme laissant poindre quelquefois ce qui peut ressembler à une légitime rancœur, celle d’une jeune femme mesurant ce qu’elle a perdu depuis le 22 mars 2016. "Vous ne voyez pas les cicatrices, les brûlures sur mes mains et mon corps. L’ablation d’organes dont mon estomac et la rate. Les pièces de la bombe qui sont encore dans mon corps. Des traces indélébiles qui m’impactent au quotidien ainsi que ma famille". Et d’ajouter qu’elle ne pourra jamais connaître la maternité.

Tous les jours je mène un 'djihad' pour mon corps, un djihad de l’amour et de compassion

À l’égard des accusés, elle continuera sur le même ton : "Vous n’aurez pas ma haine, mes larmes non plus". Elle leur parle ensuite de son "djihad" à elle, un terrain sur lequel elle sait que les accusés vont l’écouter. "Pendant que vous dormez, je me bats. Pendant que vous respirez, mangez, vous plaignez, vous amusez et rigolez, je me bats. Vous avez décidé de mener un djihad de la guerre. Tous les jours, je mène un djihad pour mon corps. Un djihad de l’amour et de compassion avec mon message d’espoir, de courage, de force et de résilience".

Sur le même sujet (JT du 29/03/23) :

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