Les avocats de plusieurs accusés dans le procès des attentats du 22 mars 2016 ont demandé lundi au jury, lors de leurs déclarations de défense respectives, de ne pas prendre uniquement en compte l’acte d’accusation. Celui-ci n’est en effet pas objectif et ne raconte qu’une seule partie de l’histoire, ont-ils fait valoir.
Maître Vincent Lurquin a, par exemple, évoqué la biographie de son client Hervé Bayingana Muhirwa qui y est faite. L’acte d’accusation explique que ce dernier a vécu le génocide au Rwanda "de loin", alors que son père avait été tué en 1990 et que le génocide avait déjà commencé. Ce qui est faux, a dénoncé l’avocat. L’accusé se trouvait au Rwanda lors de cette période et a ensuite quitté le pays.
L’acte d’accusation mentionne ensuite, quelques lignes plus loin, qu’Hervé Bayingana Muhirwa a rencontré Bilal El Makhoukhi à Bruxelles. "L’accusation part des attentats et puis elle revient en arrière. Je vous demande de vous écarter de son histoire. Partez plutôt de lui (de Hervé Bayingana Muhirwa, NDLR) et de ce qu’on sait de lui…", a-t-il enjoint aux jurés, leur assurant que leur client ne savait rien avant les attentats. Il leur a fait également remarquer que l’accusation omettait de signaler que le casier judiciaire d’Hervé Bayingana Muhirwa était vierge.
"Tout ce qui s’y trouve est soit faux, soit orienté"
Jean-Christophe De Block, l’avocat d’Ali El Haddad Asufi, a, lui, expliqué aux jurés qu’un acte de défense était nécessaire, comme le prévoit la loi, et qu’il ne doit contenir que des éléments qui, selon l’accusation, pourraient prouver que les accusés sont coupables. "L’acte contient, à ce stade, des éléments qui pourraient montrer qu’Ali El Haddad Asufi a commis certains faits. Mais il y a une différence entre les charges et les preuves", a-t-il fait valoir auprès du jury, ajoutant que son client contestait les charges retenues contre lui. "Nous allons maintenant avoir six à neuf mois de débats, tout le monde devrait pouvoir parler. Il est dans l’intérêt de toutes les parties d’avoir la vérité", a-t-il ajouté.
Son collègue à la défense d’Ali El Haddad Asufi, Me Jonathan De Taye, a également appelé le jury à faire très attention aux informations contenues dans l’acte et surtout à ce qui n’y figure pas. "Tout ce qui s’y trouve est soit faux, soit orienté", a-t-il asséné, qualifiant le document de "tissu de mensonges", rempli "d’aberrations, d’anomalies et de contradictions permanentes". "Soyez extrêmement circonspects", a-t-il dès lors averti les jurés.
La cour d’appel de Bruxelles avait décidé que son client pouvait être libéré avec un bracelet électronique et qu’il n’y avait "aucune radicalisation" chez son client, a-t-il rappelé aux jurés. "Pourquoi une telle personne s’associerait-elle du jour au lendemain à un processus terroriste ?", a interrogé Me De Taye. "Vous serez souvent frustrés", a-t-il encore prévenu à l’attention des jurés. "La vérité, on ne l’aura jamais dans ce procès", a conclu l’avocat.
Juger Abdeslam sur ses actes à Bruxelles
Mardi dernier, la défense de Salah Abdeslam, qui avait été arrêté quelques jours avant les attentats du 22 mars, avait demandé à juger l’intéressé pour ses actes à Bruxelles et non ceux à Paris. Les avocats de Sofien Ayari, qui avait été arrêté en compagnie de Salah Abdeslam et qui avait pris la fuite avec lui quelques jours plus tôt lors de la fusillade rue du Dries à Forest, ont opté pour une même ligne de défense. Eux aussi ont en effet demandé à ce que l’accusé soit "condamné pour ce qu’il a fait, et non pour ce qu’il n’a pas fait". Ils ont souligné l’importance d’un procès équitable pour leur client.
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a déjà condamné Sofien Ayari à 20 ans de prison pour la fusillade, tandis que la cour d’assises spéciale de Paris l’a condamné à 30 ans de prison dans le cadre du procès pour les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, ont-ils rappelé à l’attention du jury. Après les différentes déclarations de défense, la présidente de la cour a suspendu les débats, vers 13h00. Ils reprendront mardi matin avec la constitution des parties civiles, suivie, mercredi et jeudi, du début de l’interrogatoire des accusés.