Au procès des attentats de Bruxelles, le parquet fédéral s’est lancé dans la troisième journée de son réquisitoire. Les procureurs fédéraux ont requis la culpabilité de Salah Abdeslam en tant que coauteur d’assassinats terroristes et de tentatives d’assassinats terroristes. Et ce, même s’il a été arrêté le 18 mars 2016 et était donc en prison lors des explosions à Zaventem et Maelbeek.
Paule Somers, procureure fédérale, résume ainsi la responsabilité de Salah Abdeslam : "Il a passé trois mois et demi dans les caches avec ses frères hautement radicalisés. Il est lui-même radicalisé et veut venger la mort de son frère Brahim [après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris]. Il a écrit des lettres d’adieu à ses proches. Il y a des armes de guerre dans toutes les caches, le drapeau de l’État Islamique est affiché dans la cache de la rue du Dries. Et le projet d’attentat, Salah Abdeslam le connaît et y souscrit quelle que soit la cible".
Temps de réflexion
Pour le parquet fédéral, Salah Abdeslam a décidé de rester au sein de la cellule de Bruxelles en connaissance de cause et après avoir pris le temps de la réflexion. Après les attentats de Paris, Salah Abdeslam revient à Bruxelles et il rejoint volontairement la cache de la rue Henri Berger. Il y retrouve les coordinateurs des attentats de Paris. Paule Somers déclare : "Salah Abdeslam ne nous convainc pas quand il nous dit qu’il a seulement voulu se cacher en Belgique et qu’il attendait de se faire exfiltrer vers la Syrie".
Lettres adressées à ses proches
La procureure fédérale a également évoqué les lettres rédigées par Salah Abdeslam et retrouvées dans l’ordinateur de la rue Max Roos. L’accusé y écrit : "J’ai pensé rejoindre le Shâm, mais c’était une idée de Sheitan. La meilleure chose à faire, c’est de finir le travail avec les frères… Cependant, à l’avenir, j’aimerais être mieux équipé pour passer à l’action". Pour le parquet, cette référence à la ceinture défectueuse portée à Paris donne une indication claire sur le moment où cette lettre est rédigée, à savoir après le 13 novembre 2015.
Paule Somers lit un autre passage d’une des lettres de Salah Abdeslam. Une lettre adressée à sa mère : "Brahim ne s’est pas suicidé, il a combattu, s’est fait tuer par les kouffars, c’est un héros… Comme Brahim, j’ai aussi pris ce chemin, celui de la vérité".
Pour le parquet, il semble clair que Salah Abdeslam est animé par un engagement sans faille à la doctrine de l’État Islamique et est déterminé à passer à l’action.
Dans les caches, ceux qui allaient passer à l’action
Paule Somers a également repris de nombreuses déclarations de Mohamed Abrini pour établir la culpabilité de Salah Abdeslam. Coïncidence ou pas, aujourd’hui, l’homme au chapeau a décidé de ne pas assister à l’audience.
Dans une audition, Abrini déclarait : "Il n’y avait pas de liste de participants aux attentats, tout le monde était prévu. Si vous étiez dans les planques, c’est que vous étiez prévu pour les attaques".
Dans les planques, la procureure rappelle que l’idéologie terroriste est entretenue. Des ouvrages djihadistes sont ouverts et consultés de même que certains sites et reportages. "Ils ne sont pas là pour cueillir des fleurs", analyse-t-elle.
Quant au rôle de Salah Abdeslam, pour Paule Somers, celui-ci n’est pas un "simple témoin passif des préparatifs, il sait que les attentats se préparent, son intention est d’y collaborer. D’ailleurs, on n’aurait jamais laissé un loup dans la bergerie". Et de poser cette question rhétorique : Comment pourrait-on croire Salah Abdeslam quand il affirme qu’il ne savait rien ? Paule Somers : "La défense soutient que l’accusé s’isolait dans sa chambre, mais rappelez-vous le plan de l’appartement de la rue du Dries, il est aussi grand qu’un confetti".
Les cibles
Pour la procureure fédérale, il est possible que Salah Abdeslam n’avait pas connaissance des cibles même si Abrini déclarait en audition : "Lorsque nous étions à Dries, il était question de frapper en France l’Euro 2016".
Pour Paule Somers, "Salah Abdeslam accepte que le modus operandi soit décidé en Syrie. Il a accepté de participer en connaissance de cause à n’importe quelle attaque, quelle que soit la cible". La procureure ajoute : "Je suis convaincue que Salah Abdeslam avait les mêmes informations que les autres. Et comme tous, il a accepté de ne pas connaître tous les détails". Elle précise par ailleurs : "Ne pas tout savoir n’est pas élusif de responsabilité".
D’ailleurs, le fait que Salah Abdeslam était en prison lors des attentats de Bruxelles n’élude pas sa responsabilité. Il a réalisé les premiers actes de participation. C’est en connaissance de cause qu’il a la volonté de s’associer à l’EI, il renforce l’équipe. "Lors de l’intervention de la police rue du Dries [le 15 mars 2016], la cellule est opérationnelle et n’attend que le feu vert de l’État Islamique", avance Paule Somers.
Par ailleurs, la procureure fédérale rappelle qu’au moment de son arrestation le 18 mars 2016, Salah Abdeslam n’a donné aucun élément permettant de détecter les préparatifs en cours. "Il ne dévoile pas l’existence des caches, ne dit rien de l’identité des terroristes qu’il est allé chercher à l’étranger. Pourquoi ? Sinon pour cacher ce qui se préparait !", lance Paule Somers.
Paule Somers conclut : "Salah Abdeslam a apporté une aide essentielle et en toute connaissance de cause de l’idéologie mortifère de l’État Islamique. Sans cette aide, les attentats de Bruxelles n’auraient pas pu être commis". L’accusé doit donc être considéré comme coauteur des attentats du 22 mars 2016.